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Guinée: la pratique de l’excision, interdite par loi, persiste toujours

Décrétée en 2012 lors de l’assemblée générale des Nations unies, la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines a lieu ce lundi 6 février. À cette occasion, Michèle Sona Koundouno, présidente du centre "Femmes, citoyenneté et paix", se prononce sur la situation actuelle en Guinée, où 97 % des femmes ont été victimes d’excision.

Entretien réalisé par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

«Construire des partenariats avec les hommes et les garçons pour transformer les normes sociales et de genre afin de mettre un terme aux mutilations génitales féminines», tel est le thème retenu cette année, à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 200 millions de jeunes filles et femmes ont été victimes de mutilations génitales dans le monde. Cette année, 4,3 millions de filles risquent de subir cet acte de violence fondée sur le genre, et ce chiffre devrait encore augmenter pour atteindre 4,6 millions de victimes d’ici 2030.

En Guinée, pays de l’Afrique de l’Ouest où la pratique de l’excision- interdite par la loi- est passible d’une peine jusqu’à 5 ans de prison, près de 97% des femmes sont victimes de cette mutilation selon les Nations unies. Michèle Sona Koundouno, présidente du centre "Femmes, citoyenneté et paix", revient sur la situation actuelle dans le pays, évoquant les difficultés rencontrées dans le cadre de la lutte contre les mutilations génitales féminines. 

Entretien réalisé avec Michèle Sona Koundouno

Certains avancent que la pratique de l’excision a son fondement dans la religion, mais ce n'est pas vrai. Ce sont des préjugés, qui ont été démentis (par les imams). Ensuite, c’est une pratique ancestrale qui s’est faite de mères en filles. Nous sommes en présence de tout un mécanisme socio-institutionnel, il existe en quelque sorte un club des exciseuses. Et ces exciseuses ne sont pas seulement des exciseuses, leurs parents, leurs mères leur confèrent d’autres pouvoirs. C’est à dire, elles deviennent comme des conseillères secrètes des communautés en tant que exciseuses, elles ont un pouvoir dans la communauté. Mais aussi c’est une source de revenus. Nous sommes dans un pays où les citoyens peinent encore à avoir une vie décente. Donc l’excision devient une source de revenus pour bon nombre de ces mères de familles qui pratiquent le geste dans les villages. Lutter contre l’excision, c’est aussi envisager d’autres sources de revenus pour ces femmes, pour qu’elles puissent arrêter.

Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui qu’il y a des avancées dans la lutte contre les mutilations génitales féminines en Guinée?

Les femmes de Guinée continuent de croupir sous le poids des contraintes socio-culturelles qui freinent la lutte face à la pratique des mutilation génitales féminines. La conscientisation est là, mais il manque encore des stratégies efficaces et pérennes. Par exemple, nous avons des difficultés à faire appliquer la loi. Il y a eu plus d’un arsenal de textes juridiques, condamnant les mutilations génitales féminines, mais malgré l’existence de ces textes, la pratique est encore très courante. Au niveau des communautés rurales, les femmes exciseuses sont conscientes du fait que cette pratique est ignoble, mais cela persiste. C’est pour cela que je pense que le thème de cette année, est un thème de grande pertinence, de se dire pourquoi pas essayer la lutte avec les hommes, pour voir qu’est ce qui pourrait être fait.

Et comment selon vous cette lutte pourrait être menée avec les hommes?

Aujourd’hui il y a beaucoup de campagnes de sensibilisation, et il faut faire une dans le domaine des mutilations génitales féminines. Nous avons aujourd’hui l’approche de la masculinité positive, une approche impliquant et faisant intervenir suffisamment les hommes pour pouvoir repenser les problèmes qui touchent les questions de femmes. Et donc, à ce niveau, le partenariat et l’alliance avec les hommes permettrait de sortir de beaucoup de préjugés. Car souvent on pense que ce sont eux qui les véhiculent ou les soutiennent, comme dans le cas spécifique des mutilations génitales féminines. Certains disent que les motifs sont liés aux livres saints, par exemple du coran. Mais lorsqu’on travaille avec les imams, on se rend compte qu’il y a beaucoup de démentis, par rapport à cette position.

Ensuite, si au niveau des communautés, les leaders que sont les autorités préfectorales et communautaires sont sensibilisés par rapport à cette pratique ou aux conséquences juridiques, ils pourraient aussi s’impliquer pour pouvoir veiller à la lutte contre cette pratique. Mais il faut désormais associer les hommes, chaque acteur masculin selon ses responsabilités.

Comment s’organisent aujourd’hui les ONG?

Les organisations de la société civile sont les maillons forts de changement dans les États. Le problème, c’est que surtout dans les États d’Afrique, il n’y a suffisamment pas de ressources financières. Ce qui fait que les actions sont spécifiques, elles sont momentanées et sporadiques. Par exemple pour les mutilations génitales féminines, cela ne doit pas être une action spontanée d’une journée, d’un mois. C’est une action continue, qui demande un effort en terme de comportements, ce qui est donc un long processus sur lequel il faut vraiment investir, qui demande de renforcer les capacités des services de santé, de prise en charge des personnes victimes. Il y a beaucoup d’éléments qui entrent en ligne de compte et cela demande donc vraiment des ressources financières.

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06 février 2023, 18:12