Les Assyro-Chaldéens parlent et écrivent une langue syriaque proche de l’araméen, la langue du Christ. Les Assyro-Chaldéens parlent et écrivent une langue syriaque proche de l’araméen, la langue du Christ.  Les dossiers de Radio Vatican

Vers une reconnaissance française du génocide assyro-chaldéen

Plus de 250 000 Assyro-chaldéens morts entre 1915 et 1918 sous le joug de l’Empire ottoman, de la Cilicie à l’Anatolie orientale, en passant par la province de Mossoul ou l’Azerbaïdjan persan. Un génocide pour de nombreux États, comme le Saint-Siège, l’Arménie, la Suède ou l’Allemagne. Et bientôt pour la France.

Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican 

Le 8 février dernier, il y a un mois, le Sénat français votait à écrasante majorité la reconnaissance française de ces massacres comme génocide. La proposition de loi est désormais examinée à l’Assemblée nationale. Un enjeu mémoriel, historique, culturel, voire spirituel de taille pour la communauté assyro-chaldéenne, diaspora ou non, qui a souffert d’un certain oubli par rapport à ses frères d’Arménie.

L'historien Joseph Yacoub, spécialiste de l’histoire des chrétiens d’Orient, nous éclaire sur l’ampleur de ce génocide et l’importance de sa reconnaissance pour les Assyro-chaldéens qui parlent encore la langue du Christ, l’araméen.

Entretien avec Joseph Yacoub, spécialiste de l'histoire des chrétiens d'Orient

Quelle a été l’ampleur des crimes commis contre les Assyro-chaldéens en pleine guerre mondiale, entre 1915 et 1918, sous l’Empire ottoman?

Les Assyro-chaldéens ont été victimes d’une tragédie génocidaire et ethnocidaire commise par l’Empire ottoman en Anatolie orientale, au nord-ouest de l’Iran, où plus de 250 000 d’entre eux ont été massacrés sur une population de 550 000. Soit un Assyro-chaldéen sur deux. Cette tragédie les a profondément marqués. Elle se caractérise par une extermination massive, délibérée et concertée de la population, au même titre que les Arméniens, dans le but de mettre fin à toute présence non-turque au nom du djihad et de l’islamisme utilisé à cet effet. Plus de 450 monastères et églises ont été détruits et profanés. De même pour les écoles.

Beaucoup de voix se sont élevées sur cette question à l’époque pour dénoncer ces massacres. Des ouvrages ont été publiés dès 1916 aux États-Unis, en Angleterre et en France. Missionnaires et diplomates se sont activés pour révéler cette histoire au grand jour, de sorte qu’elle a été connue des pouvoirs publics, intellectuels et médiatiques de l’époque jusqu’en 1925.

 

Pourquoi le massacre des Assyro-chaldéens a-t-il souffert de reconnaissance par rapport au génocide arménien?

La question était connue de tous entre 1915 et 1925 au niveau international. Des délégués civils, religieux et laïcs sont venus à la conférence de la paix en 1919 plaider la cause des Assyro-chaldéens. Le Vatican également était très informé, le Secrétaire d’État, le cardinal Pietro Gasparri en particulier. Le monde occidental savait. Mais après 1925, une sorte de chappe de plomb est venu éclipser cette question jusqu’en 1980. Cela s’explique par plusieurs raisons. À partir de 1980, décennie concomitante au développement de la diaspora assyro-chaldéenne d’Orient en Occident, les nouvelles générations qui ont accédé à la connaissance et à la culture se sont progressivement intéressées au sujet. Elles ont pris conscience du drame arrivé à leurs parents et grands-parents, et la question a été réinstruite à l’ordre du jour.

Il s’agit d’une mission plus large pour la survie de l’ensemble des chrétiens d’Orient. Pourquoi est-ce si important que la France s’attache à les défendre?

Depuis les Capitulations conclues entre le François Ier et le sultan Soliman le Magnifique, la première en 1535, la France préserve cette tradition de bienveillance à l’égard des chrétiens d’Orient. La France est très active en Orient. D’ailleurs un certain nombre de ses diplomates, ambassadeurs comme consuls, avaient constaté ces massacres. Cet intérêt pour les chrétiens d’Orient comme minorité opprimée et persécutée ne s’est jamais essoufflé depuis.

Il faut dire aussi que le travail mené par les organisations assyro-chaldéennes en France par exemple y a beaucoup fait, en particulier les associations historiques dans le Val d’Oise, à Sarcelles. Elles ont œuvré auprès des autorités locales, départementales, régionales et nationales en vue de cette prise de conscience. Ce débat a été désormais ouvert au Parlement, examiné publiquement par les sénateurs, adopté à une écrasante majorité -300 sénateurs pour, 2 contre. Une nouvelle page s’est ouverte pour les Assyro-chaldéens, justice a été rendu à ce peuple souffrant.

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09 mars 2023, 12:47