Conflit israélo-palestinien, «la paix n'a jamais été aussi loin»
Marine Henriot – Cité du Vatican
C’est le plus long conflit du monde, souligne Philippe Lazzarini, le directeur de l’Unrwa, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, au micro de Radio Vatican – Vatican News, après son audience avec le Pape François. Pour ce haut responsable suisse, il s’agissait avant tout «d’apporter la voix des réfugiés palestiniens» au Souverain pontife. «C'est d'autant plus important qu'aujourd'hui, il y a dans la région un sentiment que la communauté internationale a tourné le dos aux réfugiés et ne porte plus l'intérêt qu'il faut pour essayer de résoudre ce conflit.»
Une audience pour attirer à nouveau l’attention sur le fait que «la paix n'a jamais été aussi loin qu'elle ne l'est aujourd'hui».
Jeudi 11 mai, les échanges de tirs ont repris entre des groupes armés de la bande de Gaza et Israël, au troisième jour d'une escalade ayant coûté la vie à 25 Palestiniens, parmi lesquels des enfants.
«Le Saint-Siège a une autorité morale qui est très forte et aujourd'hui, il a un rôle de sensibilisation», souligne Philippe Lazzarini.
Chute des dotations financières
Depuis 2010, les principaux bailleurs de fonds réduisent leur aide envers l’agence: «nous sommes dans une situation où le conflit israélo-palestinien n'est plus priorisé. Il suscite aussi beaucoup d'indifférence, notamment dans le monde arabe», déplore le haut-responsable de l’ONU. Les contributions du monde arabe représentent environ 4% des contributions totales. Les États-Unis, principaux donateurs jusqu’à l’arrivée du président américain Donald Trump, avaient suspendu leur contribution en 2018 avant de la reprendre en avril 2021.
Interrogé sur la situation financière inextricable dans laquelle se trouve l’Unrwa, avec d’un coté une chute des dotations financières et de l’autre une augmentation des besoins, dans un contexte d’inflation, son directeur ne masque pas ses inquiétudes: «L'agence est dans une situation absolument impossible». «On nous demande d’agir comme un État en terme d’éducation et de santé, mais nous n’avons pas les moyens financiers d’un État, et la situation financière de l’agence est sa principale menace existentielle», ajoute-t-il.
L’année prochaine, l’Unrwa, qui avait pour vocation initiale d’être temporaire, marquera ses 75 ans. L’occasion pour les Nations unies de mobiliser à nouveau la communauté internationale, et remettre en route les négociations sur une issue du conflit le plus ancien au monde.
Deux narratifs inconciliables
L’Unrwa compte environ 30 000 employés, dont une grande majorité de Palestiniens. L’agence fournit des services de bases d’éducation et de santé à 5,7 millions de réfugiés palestiniens répartis entre le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie occupée et la bande de Gaza. Au cours de ses 75 ans d’existence, elle a notamment permis à près de 2 millions de Palestiniens d’accéder à l’éducation.
Quant aux critiques sur les incitations à la violence dont serait coupable l’Unrwa, notamment via les manuels scolaires, son directeur tient à rétablir la clarté: «Très souvent, les attaques se concentrent sur les curriculum ou les livres scolaires qui sont enseignés dans les écoles de Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où l’on accuse à tort l'agence de promouvoir l'incitation à la violence alors qu'elle ne fait rien d'autre que d'enseigner le curriculum palestinien ou le curriculum des pays hôtes». Effectivement, «le narratif palestinien n'est évidemment pas le même que le narratif de l'identité israélienne; dans une situation où le conflit reste non résolu, il est impossible de réconcilier les deux narratifs.»
Le droit au retour, une utopie?
Selon une résolution des Nations unies de 1972, les Palestiniens disposent du «droit inaliénable de retourner dans leur foyer et vers leurs biens, d’où ils ont été déplacés et déracinés, et de demander leur retour». Par ailleurs, selon une résolution de la Ligue arabe en 1948, les pays arabes accueillant des Palestiniens ne sont pas autorisés à leur accorder la nationalité. Pour que le droit au retour ne relève pas d’une utopie, «il faut reprendre un processus politique qui semble aujourd’hui très très lointain», soupire Philippe Lazzarini.
2022 avait été l’année la plus meurtrière depuis 2004, avec au moins 235 morts lors des violences, dont 90% de Palestiniens. Cette année, au moins 132 Palestiniens, 19 Israéliens, une Ukrainienne et un Italien, ont été tués dans des violences liées au conflit israélo-palestinien. «Nous avons l'impression que chaque jour, lorsque l'on avance, nous sommes en réalité en train de régresser par rapport à la perspective d'un véritable accord politique qui soit juste pour l'ensemble des populations de la région», déplore le directeur de l’UNRWA.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici