Qu’il y a-t-il derrière le pustch au Niger?
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Rien ou presque ne semble avoir changé depuis le 26 juillet, depuis que les militaires guidés par le chef de la Garde républicaine, le général Tchiani, ont renversé le président Mohamed Bazoum, élu en 2021. L’ancien chef de l’État est toujours retenu prisonnier, la communauté internationale ne reconnait toujours pas les nouvelles autorités. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui se trouve confrontée au troisième coup d’État dans la région du Sahel depuis trois ans, n’entend pas pour l’instant tolérer ce nouveau changement de pouvoir par la force et menace d’intervenir militairement pour restaurer l’ordre constitutionnel.
La France, partenaire de premier plan du Niger, et très présente militairement dans le pays dans le cadre de sa lutte contre le jihadisme au Sahel, appuie cette fermeté et s’enferme dans un face-à-face avec les putschistes. Mais depuis, rien ne bouge réellement et le pays doit faire face aux conséquences des sanctions imposées par la Cédéao qui font craindre une catastrophe humanitaire aux yeux du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Le pétrole ou des intérêts particuliers
Au-delà de cette impasse, il est difficile de comprendre ce qui a pu réellement motiver les putschistes. Gilles Yabi, directeur du think tank citoyen d’Afrique de l’Ouest, Wathi, avance deux hypothèses qui ne s’excluent pas nécessairement. Il y a d’abord la question de la gestion de la future rente pétrolière, des réserves devant être prochainement exploitées. Il y aurait des désaccords entre le président Bazoum et son prédécesseur Mahamadou Issoufou. «Il y a toujours eu des rumeurs à Niamey sur la volonté de l’ancien président Issoufou de conserver beaucoup d’influence sur l’État et sur l’économie bien qu’il ait transmis le pouvoir à Bazoum, son compagnon depuis plusieurs décennies» note-t-il, d’autant que son fils était ministre du Pétrole et ne semblait plus partager la politique du président dont il avait été pourtant le chef de campagne lors de l’élection de 2021.
Autre piste qui ne concerne que le nouvel homme fort du Niger: le général Tchiani, chef de la garde républicaine, nommé à ce poste par Mahamadou Issoufou, considéré comme un de ses fidèles et maintenu jusqu’à présent dans ses fonctions par Mohamed Bazoum. Là aussi, des rumeurs évoquaient son prochain limogeage par le chef de l’État. Le coup d’État lui permet de rester ainsi dans le jeu.
Des réactions politiques mesurées
Si la communauté internationale a largement condamné le putsch du 26 juillet, les réactions au Niger sont plus mesurées. Gilles Yabi relève une lettre adressée par d’anciens Premiers ministres et présidents de l’Assemblée nationale à la Cédéao pour soutenir une solution politique et pour condamner toute action militaire. Mais globalement, «on ne sent pas chez les acteurs politiques un soutien à la restauration de la présidence Bazoum et plaident plutôt pour un scénario de transition, ce qui traduit l’animosité des acteurs politiques et sociaux contre le système PNDS, le parti de Mohamed Bazoum et de Mahamadou Issoufou», au pouvoir depuis 2012, explique-t-il.
Ce rejet de la gouvernance par le PNDS (Le parti nigérien pour la démocratie et le socialisme) expliquerait aussi le soutien populaire dont semblent bénéficier les militaires. Certes, les partisans de Mohamed Bazoum ne peuvent s’exprimer, mais les Nigériens, défiants envers leur classe politique, seraient ainsi prêts, paradoxalement, à soutenir un coup d’État mené par des militaires proches du PNDS.
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