COP28, vers le début de la fin des énergies fossiles
Marine Henriot – Cité du Vatican, avec agences
Le jeudi 30 décembre, lors de sa première apparition devant les délégations de 197 pays participants, plus l’Union européenne, à la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, le président de la COP 28, Sultan al-Jaber, n’avait suscité que de timides applaudissements… Dans la matinée du mercredi 13 décembre, après deux nuits d’éreintantes négociations, il clôt cette COP28 avec une ovation et un accord qualifié d’«historique».
«Nous avons une formulation sur les énergies fossiles dans l'accord final, pour la première fois», s'est félicité Sultan al-Jaber, président émirati de la COP28, qui avait été contesté ces derniers mois en raison de sa direction de la compagnie pétrolière des Emirats arabes unis, Adnoc.
Coup de force
François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC, se réjouit et salue «le texte le plus ambitieux à ce jour sur la question des énergies fossiles. C'est vraiment le texte qui marque le début de la fin pour les énergies fossiles qui tracent la trajectoire d'un horizon décarboné en matière énergétique d'ici 2050».
Cet accord, obtenu après d’éreintantes négociations est un compromis habilement tricoté. Il parle de «transition hors des énergies fossiles», seule formule qui pouvait satisfaire ceux qui prônent pour la «sortie» des énergies fossiles comme les petits Etats insulaires ou les Européens, tout en évitant le véto de l’Arabie saoudite ou surtout de la Chine et des États-Unis.
Ce texte final de la COP donne le cap à suivre ces prochaines années, un signal fort envoyés aux États, mais surtout aux marchés et aux investisseurs, «car la transition énergétique est avant tout une affaire d’investissements», rappelle le membre du GIEC.
Jamais dans l'histoire des conférences climatiques des Nations unies les énergies fossiles dans leur ensemble - pétrole, gaz, charbon - n'avaient été désignées, alors que leur combustion depuis le XIXe siècle est la première cause du réchauffement.
Le 28e paragraphe, sur 196, appelle à «transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques».
La transition concerne donc l'énergie, et non d'autres secteurs comme la pétrochimie. Mais l'appel à agir dès la décennie en cours était une exigence de l'Union européenne.
S’il est respecté, ce texte peut permettre de rester dans les clous de l’accord de Paris, c’est-à-dire une augmentation de la température moyenne limitée à 1,5 degrés, mais le temps presse, rappelle François Gemenne.
La déception des petits Etats insulaires
Un bémol cependant, et non des moindres, la déception des petits États insulaires, les premiers menacés de disparition à cause du réchauffement climatique.
«Nous ne voulions pas interrompre l'ovation lorsque nous sommes entrés dans la salle, mais nous sommes un peu confus: vous venez de donner le coup de maillet et l'Alliance des petits États insulaires (Aosis) n'était pas dans la salle», a déclaré Anne Rasmussen, représentante des Samoa. «Nous sommes arrivés à la conclusion que la correction de trajectoire nécessaire n'a pas été assurée», a-t-elle ajouté, jugeant le texte inadéquat pour espérer sauver les îles de la submersion par la montée des eaux.
Le texte adopté par consensus, sans qu'aucun des pays n'objecte, est un compromis imparfait, ont noté également de nombreux délégués et ONG. Il n'appelle pas directement à la sortie des énergies fossiles, décevant la centaine de pays qui l'exigeaient. Et il inclut des failles pour les pays qui souhaitent continuer à exploiter leurs réserves d'hydrocarbures.
Par ailleurs, «Les financements ne sont pas à la hauteur, note de son coté François Gemenne, à la fois les financements sur les pertes et dommages, donc sur les impacts subis par les pays les plus vulnérables, mais également sur la question de l'adaptation qui est cruciale, notamment pour les petits États insulaires.»
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