Crise alimentaire en Argentine, un cri de justice selon les évêques
Delphine Allaire, avec AFP – Cité du Vatican
«Dans notre pays, personne ne devrait souffrir de la faim, car il s'agit d'un pays béni par le pain», ont affirmé les évêques du Conseil permanent de l’épiscopat argentin dans un communiqué paru le 5 février. Une réalité pourtant de plus en prégnante avec l'inflation exponentielle qui frappe de plein fouet les prix des denrées alimentaires. Les travailleurs de la classe moyenne, les retraités et les personnes dont les salaires n'augmentent pas le ressentent clairement, assurent les évêques argentins. C'est aussi le cas de tout l'univers de l'économie populaire, où les gens travaillent pratiquement sans aucun droit, déplorent-ils, pensant aux vendeurs ambulants, aux ramasseurs de déchets, aux forains, aux petits agriculteurs, aux fabricants de briques, aux couturières. Et pour cause, le 5 février dernier, des centaines de personnes ont formé une «file d'attente contre la faim» longue de deux kilomètres devant le ministère du «Capital humain», en charge de la culture, de l’éducation, du travail et des affaires sociales, à Buenos Aires.
«La nourriture n'est pas une variable d'ajustement»
Dans ce contexte de dur labeur et de faibles revenus dans la troisième économie d'Amérique latine, les familles sont privées de beaucoup de choses: «Par exemple, une mère peut se priver de prendre le bus et de marcher pour économiser de l'argent, mais en aucun cas elle ne peut se priver de nourrir ses enfants», écrivent encore le président, les vice-présidents et le secrétaire général de l’épiscopat argentin. Ils rappellent que la nourriture ne peut être une variable d'ajustement.
Face à une crise, les paradigmes technocratiques ne suffisent pas, qu'ils soient centrés sur l'État ou sur le marché; la communauté est nécessaire, assurent-ils, citant en exemple la réponse communautaire apportée lors de la pandémie de Covid. «Les soupes populaires se sont alors multipliées dans nos paroisses, dans les églises évangéliques, parmi les mouvements populaires - et surtout chez les voisins qui prêtaient leur maison.»
Accroître les programmes d'aide alimentaire
«Si nous voulons travailler à la paix sociale, nous devons avant tout reconnaître la valeur de l'autre en tant qu'autre, et sa contribution au bien commun», poursuivent les évêques. Selon eux, tous les espaces de soins qui fournissent de la nourriture, toutes les cuisines communautaires, les paroisses, les Églises évangéliques et les mouvements populaires doivent recevoir de l'aide sans délai, sans hésiter à recourir à des programmes comme le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) «qui ont prouvé leur effet positif et qui peuvent être appliqués en tous ces lieux.»
En parallèle aux premières mesures d'austérité dès décembre, à la libéralisation des prix, et à la dévaluation de 50% du peso, sur fond d'inflation record (211%) le gouvernement du président Javier Milei avait annoncé en janvier des mesures d'urgence à destination des plus démunis, comme le doublement des bons alimentaires, jusqu'à 91.000 pesos (103 dollars) et des allocations familiales, à 41.000 pesos (43 dollars). L'état d'urgence alimentaire avait déjà été décrété dans le pays en 2019. Il fut instauré en 2002 lors de la grande crise économique que traversait le pays.
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