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Un char T-72AE dans une usine d'armement en République tchèque (REUTERS). Un char T-72AE dans une usine d'armement en République tchèque (REUTERS).  (REUTERS)

Investir pour le bien commun plutôt que dans l’armement

À l'issue de la 16e réunion annuelle de la «Global Alliance for Banking on Values» (GABV), plus de 71 banques éthiques appellent la finance à cesser d'investir dans les guerres. Entretien avec Barbara Setti, du département de recherche de la Fondation, selon qui «les dépenses mondiales en matière de défense atteindront 9 % en 2023. Avec les guerres en Ukraine et en Terre sainte, les entreprises du secteur reviennent sur le devant de la scène».

Stefano Leszczynski – Cité du Vatican

Les quinze plus grandes banques européennes investissent 87,72 milliards d'euros dans l’industrie de l'armement. Ce sont les données qui ressortent du rapport commandé par la Fondazione Finanza Etica et la Global Alliance for Banking on Values (GABV), réalisé par Merian Research et présenté lors de la réunion annuelle de la GABV qui s'est conclu ce jeudi 29 février dans le nord de l'Italie. 

L'étude souligne qu'entre 2020 et 2022, les institutions financières -y compris les grandes banques, les grandes compagnies d'assurance, les fonds d'investissement, les fonds souverains et les fonds de pension- ont soutenu l'industrie de la défense à hauteur d'au moins 1 000 milliards de dollars.

Barbara Setti, du secteur de la recherche de la Fondazione Banca Etica, a expliqué à Vatican News l'importance des données contenues dans le rapport. «Les dépenses mondiales de défense en 2023 ont augmenté de 9%, ce qui signifie plus de 2 200 milliards de dollars. Un chiffre calculé par défaut car réussir à obtenir ces données a été un travail très compliqué parce que l'industrie de l'armement n'est pas très transparente, il n'y a pas de base de données officielle qui recueille tous les investissements, les prêts et les services de toutes les institutions bancaires et financières dans le monde dans le secteur de l'armement

Quelles sont les répercussions sur la valeur boursière de ce secteur?

La valeur boursière du secteur aux États-Unis a augmenté de 25 % en un an et demi. L'indice des valeurs aérospatiales européennes a quant à lui augmenté de plus de 50 % au cours de la même période.

Quelles sont les conséquences de ces investissements importants dans le secteur de l'armement?

Il est clair que les banques et autres institutions financières jouent un rôle actif dans ce contexte, dans la mesure où les données nous indiquent que les grandes banques, les grandes compagnies d'assurance, les fonds d'investissement, les fonds de pension et les fonds souverains ont tous soutenu l'industrie de la défense à hauteur d'au moins mille milliards de dollars et, dans 99,9 % des cas, de manière tout à fait consciente. À l'heure actuelle, l'industrie de l'armement est une industrie rentable et, par conséquent, une industrie qui mérite d'être soutenue, ce qui facilite les conflits militaires.

Quel est le lien entre la finance et la politique dans ce secteur particulier?

Avec la guerre en Ukraine et l'escalade du conflit israélo-palestinien, les entreprises du secteur de la défense sont revenues sur le devant de la scène après une période où elles étaient coupées des grands fonds de pension ou des fonds souverains. En novembre 2023, les ministres de la défense de l'Union Européenne ont signé une déclaration commune visant à faciliter l'accès de l'industrie de la défense au financement.

Le rapport de votre Fondation a également fait une analyse comparative entre ce qui est investi dans l'armement et ce qui pourrait être fait dans d'autres secteurs avec les mêmes montants. Ces hypothèses sont-elles réalistes ?

Oui, nous avons repris une analyse menée par un institut international indépendant, le Bureau international de la paix, dans laquelle il est démontré qu'avec les ressources financières nécessaires pour faire fonctionner une frégate européenne de classe FREMM - un énorme navire militaire - on pourrait payer les salaires de près de 11 000 médecins pendant un an; un avion de chasse F-35 quant à lui, équivaut à plus de 3 000 lits dans une unité de soins intensifs, tandis qu'un sous-marin nucléaire vaut près de 10 000 ambulances. Et il ne s'agit pas d'un exercice de calcul un peu naïf, mais plutôt d'un signe montrant que la politique décide d'orienter les investissements vers un certain secteur plutôt qu'un autre.

Ainsi, l'affectation des ressources financières reste un choix, si l'on ne recherche pas exclusivement le profit ?

C'est précisément la question de la finance éthique. Le profit est une composante, mais pas la seule, de ce que les institutions financières font de l'argent des épargnants. Pour créer une finance qui ne se contente pas d'offrir des rendements à très court terme, mais qui vise la société et le bien commun, il faut tenir compte des impacts à moyen terme, des impacts sociaux, des impacts environnementaux, des pactes de bonne gouvernance.

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01 mars 2024, 17:12