La Trisomie 21 nécessite une prise en charge précoce et pluridisciplinaire
Entretien réalisé par Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
«La trisomie 21 peut se définir comme une anomalie chromosomique congénitale qui est provoquée par la présence d'un chromosome surnuméraire pour la 21ᵉ paire de chromosomes. Donc au lieu de 46 chromosomes, le trisomique aura plutôt 47 chromosomes, avec trois chromosomes sur la 21ᵉ paire», fait savoir Adalbert Guy Nog, psychomotricien camerounais, enseignant de psychomotricité à l’institut panafricain de psychomotricité et de relaxation, basé à Douala, au Cameroun, et directeur du Centre d’éducation, de rééducation et de psychomotricité au sein de la même institution. Dans certains endroits, les personnes trisomiques, anciennement appelées «mongoles», peuvent faire face à une marginalisation, car certaines croyances lient cette pathologie à des mauvais sorts.
Dans un entretien avec Radio Vatican – Vatican News, le psychomotricien invite les parents à accueillir les enfants trisomiques comme un don de Dieu et à les accompagner avec tous les soins possibles, car cette pathologie exige une prise en charge précoce, pluridisciplinaire et permanente. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
Ce jeudi 21 mars se célèbre la Journée mondiale de Trisomie 21. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’on entend par Trisomie 21?
Avant d'arriver à la définition de la trisomie 21, je voudrais expliquer trois notions, qui permettent de mieux comprendre ce qu’est le syndrome de Down. Je commence par définir le chromosome, qui est une structure cellulaire située à l'intérieur du noyau de chaque cellule et qui contient le matériel génétique de l'organisme. C'est le chromosome qui est généralement responsable des caractéristiques que nous voyons à l'œil nu, comme la taille, la couleur de la peau, les cheveux, le sexe et ainsi de suite. La deuxième notion est le caryotype, qui est une photographie des chromosomes d'une cellule qui sont généralement classés par paires appelées chromosomes homogènes. Dans un caryotype, on distingue donc des chromosomes homologues ou autosomes qui sont 2 à 2 semblables. Dans la formule chromosomique, nous aurons 2n est égal à 44 autosomes plus ‘XX’ pour un sujet féminin et 2n est égal à 44 autosomes plus ‘XY’ pour un sujet masculin; ‘n’ étant le nombre de paires de chromosomes. La troisième notion est ce qu’on appelle anomalie chromosomique. Une anomalie ou une aberration chromosomique est une modification du nombre ou de la structure des chromosomes. Dans la normalité des cas, le nombre de chromosomes est de 46, répartis en 23 paires. Pour les trisomiques, on a 47 chromosomes au lieu de de 46. La trisomie 21 peut donc se définir comme une anomalie chromosomique congénitale qui est provoquée par la présence d'un chromosome surnuméraire pour la 21ᵉ paire de chromosomes. Au lieu de 46 chromosomes, le trisomique aura plutôt 47 chromosomes avec trois chromosomes sur la 21ᵉ paire.
Pourquoi célébrer une Journée mondiale de Trisomie 21?
Une journée mondiale permet généralement une grande sensibilisation sur un sujet donné. Concernant la trisomie 21, une telle journée permet aussi de sensibiliser les populations autour de cette pathologie, mais également sur l'accès aux soins de santé et sur le programme d'intervention précoce. Parce que plus la prise en charge est précoce, plus elle peut donner des bons résultats.
Selon les statistiques de l’OMS, «il est estimé que la prévalence du syndrome de Down est compris entre 1 sur 1 000 et 1 sur 1 100 naissances vivantes à travers le monde. Chaque année, environ 3 000 à 5 000 enfants naissent avec cette anomalie chromosomique». Quelles en seraient les causes?
Disons que la cause, c'est en réalité ce chromosome surnuméraire qui vient s'ajouter sur les deux autres de la 21ᵉ paire. Mais on peut ici dégager ce qu'on peut appeler des facteurs de risque, généralement liés au vieillissement des ovocytes. L'aspect physiopathologique explique que le risque de trisomie 21 peut-être directement lié à l'âge maternel. Plusieurs cas de figure peuvent être envisagés. Mais c'est généralement le fait de faire des enfants à un âge assez retardé pour les femmes, qui est à l'origine de ce problème.
Et quelle serait la prévalence en Afrique?
Sur le continent, et particulièrement au Cameroun, les statistiques sont assez rares. Et même quand elles sont existantes, elles sont presque inaccessibles. Ce que je peux faire, c'est regarder, dans mon centre ou dans d’autres structures d'accompagnement des enfants à besoins spécifiques. Si je prends le cas de mon centre, sur 30 naissances, j'ai cinq trisomiques. Si je fais le calcul, je peux donc estimer que la trisomie 21 peut représenter 10 à 15 % de la population des personnes à besoins spécifiques. Dans d’autres centres, les proportions sont presque les mêmes. On peut ainsi estimer à 10 % les cas de trisomie 21 en Afrique.
Et que dire de la sémiologie autour de la trisomie 21?
Cette sémiologie peut se répartir sur plusieurs plans. D'abord, sur le plan physique, il y a des caractéristiques physiques au niveau de la tête, avec un visage arrondi, les yeux plus écartés et une fente palpébrale plus oblique. Il y a un petit périmètre crânien, un cou court, des conduits auditifs souvent étroits. On peut également noter le fait que les mains sont trapues, avec des doigts de petite taille. Les pieds sont courts avec des plantes de pieds plats. Il y a un retard de croissance qui apparaît après l’âge de quatre ans et une tendance à l'embonpoint. Sur le plan fonctionnel, on note davantage le risque de déclarer des troubles perceptifs, donc des troubles visuels, auditifs et autres. On peut également citer des malformations cardiaques qui touchent près de 40% des enfants atteints de trisomie 21 et l'occlusion intestinale qui oblige généralement une chirurgie. Elle concerne 10% des nouveau-nés atteints de trisomie 21. Sur le plan cognitif, la trisomie 21 est généralement associée à une déficience mentale légère ou moyenne. On peut également citer des arrêts de développement dendritique dès l'âge de quatre mois, et un retard de développement du système nerveux. Concernant les troubles associés à l’aspect psychomoteur, la trisomie 21 a ce qu'on appelle des perturbations de la fonction tonique. Les trisomiques présentent généralement une hypotonie généralisée qui est majorée par une hyperlaxité ligamentaire.
Qu’est-ce que cela signifie?
Cela signifie qu’il y a une flexibilité beaucoup plus exagérée. On peut dire un ballant excessif au niveau des articulations.
On peut également noter des retards au niveau des acquisitions posturales et locomotrices. Il y a des troubles de la motricité fine et du graphisme qui sont généralement d'origine tonique et spatiale. On peut également noter le retard de langage, le retard de la structuration spatiale. Au niveau du développement psychoaffectif, du comportement et de la relation aux autres, de l'intégration du schéma corporel, de l'image du corps, on peut également noter des difficultés.
Vous êtes psychomotricien et vous êtes dans la pratique. Vous travaillez avec les personnes atteintes du syndrome de Down. Y a-t-il des conséquences sociales liés à la trisomie 21? Et comment mieux prendre en charge les personnes atteintes de cette pathologie?
Pour la prise en charge, comme je l'ai dit, elle doit être précoce, c'est-à-dire dès la naissance, pour que les défauts de l'enfant soient corrigés. Elle doit également être permanente, vues les maladies congénitales qui accompagnent généralement la trisomie 21, comme les troubles cardiaques et des troubles respiratoires. Ces troubles doivent bénéficier d'une surveillance médicale permanente. La prise en charge doit également être pluridisciplinaire, parce que si on regarde l'étendue des conséquences de la trisomie 21 sur le développement de l'enfant, on va constater qu’aucun aspect de son développement n'est épargné. Ce qui signifie qu’un seul spécialiste ne peut pas prendre en charge toutes ces conséquences qui requièrent un regard beaucoup plus global.
Concernant la considération sociale des trisomiques, il faudrait dire que les mentalités sont en train d'évoluer avec les outils de communication, dont l’internet. Les populations essayent davantage de comprendre ce que c'est que la trisomie 21 et les considérations, on peut dire néfastes, qu'on avait sur les personnes trisomiques tendent à disparaître.
Quelles considérations, par exemple?
Celles qui consistent par exemple à les considérer comme une malédiction.
Y a-t-il une possibilité d'en guérir? Sinon, comment la prévenir?
Oui. Concernant la prévention, on peut éviter des grossesses à un âge avancé, puisque cela semble être la cause primordiale de la trisomie 21. Sur le plan curatif, il n'y a, présentement, aucune technique thérapeutique. Ce qu'on fait le plus souvent, c'est de permettre à l'enfant de devenir beaucoup plus autonome, avec des techniques rééducatives.
Toujours selon l’OMS, «les stéréotypes qui continuent d’exister autour de la trisomie 21 peuvent influencer négativement la manière dont les individus atteints du syndrome de Down et d’une déficience intellectuelle sont traités, devenant ainsi un obstacle à leur épanouissement personnel. Par exemple, ceux-ci peuvent être erronément considérés comme des enfants, sous-estimés, exclus, voire maltraités». Que dites-vous au sujet des stéréotypes à l’égard des personnes atteintes du syndrome de Down? Et comment mieux sensibiliser contre ces stéréotypes?
Il faudrait dire que ce sont des mauvaises considérations à l’égard des personnes trisomiques. Aucun couple ne souhaite avoir un enfant trisomique. Et quand cela arrive, il faudrait que les parents prennent cela comme un don de Dieu, pour assurer l'accompagnement de l'enfant. Ces considérations continuent, dans certaines sociétés, parce que la sensibilisation n'a pas encore atteint toutes les marches. Ce que je peux préconiser, c'est de continuer la sensibilisation. Plus la population sera informée des manifestations et des causes et des moyens thérapeutiques qui existent, moins les personnes trisomiques seront marginalisées. Ce qu'il faut faire, c'est donc de multiplier les actions de sensibilisation, comme pendant la Journée internationale de la trisomie 21, pour permettre à la population de comprendre ce que c'est que la trisomie 21 et également de maîtriser les différentes alternatives thérapeutiques qui peuvent exister.
Pourquoi est-ce que la célébration de la Journée mondiale du Syndrome de Down est liée, dans certains pays, au port des chaussettes dépareillées et de différentes couleurs?
C’est une action symbolique, qui permet tout simplement de montrer l'acceptation de la différence et de continuer la lutte pour que les différences discriminatoires ne puissent plus exister entre les trisomiques et les «personnes normales».
Auriez-vous un mot de la fin?
Je voudrai d’abord inviter les parents à accepter, lorsque cela se produit, une naissance trisomique dans la famille, pour assurer un bon accompagnement, parce que l'accompagnement parental est très important pour la prise en charge. La deuxième chose, c'est que la prise en charge doit être précoce pour que le maximum de problèmes qu'on a soulevés au niveau de la sémiologie puissent être corrigés. Elle doit également être permanente pour permettre une meilleure qualité de vie et de santé aux personnes trisomiques qui ont des problèmes digestifs, des problèmes de respiration et de problèmes cardiaques. On peut également dire aux parents de ne pas être pressés, mais patients, car la rééducation, c'est quelque chose qui se met progressivement en place. Et lorsqu'on est parfois pressé, on va aller de structure en structure sans toutefois trouver la solution immédiate souhaitée pour l’enfant. La rééducation n'est pas comme un traitement médicamenteux qui donne ses effets dans l'immédiat.
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