Présidentielle au Sénégal: les enjeux d'un scrutin inédit
Entretien réalisé par Myriam Sandouno – Cité du Vatican
C’est un scrutin tant attendu au Sénégal, pays d'Afrique de l'Ouest, où environ 7,3 millions d’électeurs sont inscrits sur les 18 millions d’habitants. Dimanche 24 mars, l'élection présidentielle se déroulera sans deux poids lourds de la scène politique sénégalaise: Macky Sall, président sortant ayant renoncé à briguer un nouveau mandat, et Ousmane Sonko, principal opposant, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel.
Retrait de candidats
17 candidats sont désormais en lice sur les 19 de départs. En raison du retrait de deux candidats mercredi 20 et jeudi 21 mars, au profit de Diomaye Faye, candidat du parti dissout, Pastef, et poulain d’Ousmane Sonko. Ces derniers étant sortis de prison dans la soirée du jeudi 14 mars, à dix jours de l’élection présidentielle.
Une élection en plein carême chrétien et ramadan
Dans cette course, un autre candidat fait parler de lui. Amadou Ba, choisi par l’actuel chef d’État qui se décrit comme le «le candidat de la continuité». Ce vendredi 22 mars, s’achève à minuit la campagne électorale en plein ramadan, et carême chrétien. À travers ces élections, les Sénégalais espèrent tourner la page d’une crise politique et institutionnelle qui a secoué le pays ces dernières années.
Babacar Ndiaye, analyste politique et directeur de la recherche du Think Tank Wathi basé à Dakar, se prononce sur les enjeux de scrutin.
En termes d'enjeux, on peut dire qu'il y a vraiment des visions, des projets qui s'opposent. Par exemple, je prends ce cas précis, nous avons le candidat du pouvoir, en l'occurrence Amadou Ba, ancien Premier ministre, qui se présente un peu comme le candidat de la continuité. Dans son discours, il s’engage à perpétrer cet héritage-là, en continuant le travail effectué par le président Macky Sall, qui avait défini un cap par rapport à son projet politique qui devait aller jusqu'à 2035. De l'autre côté, au sein de l'opposition, nous avons des candidats qui appellent à une rupture, à une manière différente d'exercer le pouvoir, de voir la gouvernance.
Un deuxième candidat s'est retiré hier de la course présidentielle en faveur du candidat d'Ousmane Sonko, sorti récemment de prison. Comment son candidat se positionne-t-il dans cette course présidentielle?
Quand on regarde un peu ces dernières années le Pastef, donc le parti d'Ousmane Sonko, on a l'impression qu'ils ont pu développer un discours très bien reçu par les jeunes. On a l'impression qu'une frange importante de la jeunesse sénégalaise s'identifie dans ce discours-là. Et d'ailleurs, quand on regarde un peu les meetings, on se rend compte que beaucoup de jeunes, justement, sont dans ces mobilisations-là qui sont effectuées par le Pastef.
Ils disent qu'ils ont une manière différente de voir la politique avec notamment les questions de gouvernance, les questions liées à l'éthique, les questions de patriotisme économique. On les présente comme étant un «parti antisystème». Ils sont aussi dans cette dimension, j'allais dire, panafricaniste. Et je crois que, d'une certaine manière, ce discours aussi intéresse les jeunes dans le contexte actuel dans lequel on est.
En l'absence du chef d'État sortant Macky Sall et du principal opposant Ousmane Sonko, quelles sont les options possibles qui pourraient s'ouvrir à l'issue de ce scrutin?
Au Sénégal, on a toujours l'habitude d'avoir le président sortant candidat à sa réélection. On a souvent connu ce schéma-là. Et donc là, on a un schéma qui est inédit où le président de la République n'est pas candidat. En général, lorsque le président était candidat, il y avait ce qu'on appelle cette «prime au sortant» avec un score qui permettait de le retrouver au second tour.
Là nous avons des candidats qui vont à la rencontre des Sénégalais. Toutes les options sont possibles. Est-ce que quelqu'un peut gagner au premier tour? Nous verrons bien. Peut-être que ce qui est plus probable c'est qu'il y ait un second tour, mais il faut rester prudent. Les Sénégalais vont le déterminer. Tout reste possible en termes d'options par rapport à ces élections présidentielles.
Et justement au vu de cette instabilité politique vécue ces dernières années, quel profil de chef d'état réclament les Sénégalais aujourd'hui?
Je crois qu'il faut un leader, un président qui puisse juste répondre aux préoccupations des Sénégalais. La préoccupation première aujourd'hui c'est d'abord la majorité de la population, qui sont les jeunes. Il faut déterminer quelle marge de manœuvre on a pour créer de l'emploi de manière massive. Il y a les questions liées à la gouvernance politique, donc quel type de président on sera? Quel type de président on va être?
Parce qu'il y a ce diagnostic de dire aussi que le président de la République a trop de pouvoir et qu'il faut d'une certaine manière rééquilibrer les pouvoirs entre l'exécutif, le législatif, donc l'Assemblée nationale avec plus de prérogatives, mais aussi le pouvoir judiciaire. On sort de trois années difficiles avec un contexte qui a été très tendu, avec quand même, pour le rappeler, plus de 60 morts dans le cadre de manifestations et surtout beaucoup de jeunes. À partir de cette élection-là, le gagnant devra ouvrir un nouveau chapitre dans lequel les Sénégalais vont se remettre au travail et donc ce président-là aura à relever ce challenge pour le bien-être des populations et des Sénégalais de manière générale.
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