Au Liban, les civils fuient la guerre qui gagne le sud de leur pays
Olivier Bonnel - Envoyé spécial à Beyrouth
Dans un gros bâtiment de béton et de verre où siège l’association Hadeal, des enfants jouent bruyamment dans un grand salon, sous l’œil vigilant de leurs parents. Nous sommes à Antélias, ville située à quelques kilomètres au nord de Beyrouth. Depuis 5 mois, une trentaine de familles y ont été accueillies, toutes ont fuit le Sud du Liban. Leurs villages sont en effet bombardés presque quotidiennement par l’armée israélienne. «Ici nous offrons un espace convivial pour ces familles, avec des chambres au calme et surtout un environnement accueillant pour les enfants» explique Charbel Merhej, le directeur du centre, qui évoque «une grande famille».
Hadeal est une toute jeune ONG, fondée en septembre 2023, quelques semaines avant le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël. L'association est née grâce au soutien de Mgr Hanna Alwan, l'un des vicaires du patriarcat maronite de Beyrouth et a réuni une trentaine de volontaires. Dans le centre, vivent désormais une centaine de personnes, au gré des arrivées et des bombardements sur la frontière sud. Karim a fui vers le nord à bord d’un taxi, accompagné de son frère et de sa mère âgée de 80 ans. «Je n’ai pas l’espoir de revenir tout de suite sur mes terres… peut-être que cela arrivera, mais je crains que cette guerre ne dure. Mais à la moindre opportunité on rentrera», raconte t-il. «Dans certains de nos villages, il y a des maisons qui ont été volées ou détruites… et ça sera un vrai problème après la guerre» précise cet agriculteur de 53 ans.
«Le Liban est notre terre»
Non loin, Leïla est assise aux côtés de ses petits-enfants. Avec ses proches, elle a dû quitter son village de Qouzah: «Dès le début de la guerre nous avons fui, raconte t-elle, je prie pour retourner dans mon village, que cette guerre cesse, je prie le Bon Dieu pour que mes petits-enfants aient un avenir au Liban car c'est notre terre».
Dans le centre d’accueil, outre un abri et des espaces conviviaux pour les familles, il faut aussi s’occuper des enfants qui ne vont plus à l’école. Les professeurs, restés dans le sud, envoient les devoirs via Zoom ou Whatsapp. Simon Terrier, jeune volontaire de l’Œuvre d’Orient les aide au soutien scolaire, une tâche qu’il découvre et qui demande beaucoup d’attention. «On a des décrochages scolaires, et on doit reprendre les bases avec certains élèves».
Selon Simon, «les enfants ne sont pas tant affectés que cela par la guerre qui fait rage au sud, car c'est une question qui les dépasse. En revanche on ne peut pas dire la même chose des jeunes qui sont en études supérieures ou des jeunes pères de familles, qui eux ont beaucoup de mal à se projeter dans l'avenir».
Un évêque suit particulièrement cette guerre qui empiète sur le Liban, Mgr Charbel Abdallah, l’archevêque maronite de Tyr, la grande ville du sud du pays. Plusieurs villages de son diocèse tout comme les paroisses se sont vidés ces derniers mois. «Dans le village de Qouzah il n'y a plus que deux ou trois personnes qui restent pour assister à la messe avec le curé» explique t-il. Le Liban du Sud a souvent été un territoire de conflits, «mais cette fois-ci l'ampleur est beaucoup plus dangereuse» s'inquiète Mgr Abdallah.
La grande crainte est que les chrétiens ne reviennent jamais dans la région et que la balance démographique soit déséquilibrée. Mais selon le prélat, l'actuel conflit ne devrait pas porter atteinte aux bonnes relations entre les communautés. L’archevêque maronite rappelle que durant la guerre de 2006, (qui opposa Israël au Hezbollah, ndlr), le village chrétien de Rmeich a accueilli 20 000 personnes de la ville voisine de Ayta El Chaeb, à majorité chiite.
«Les Libanais sont un seul cœur, qu'ils soient chiites, sunnites ou chrétiens. Nous sommes unis en face du danger» rappelle l’archevêque de Tyr. Le 4 mars, un émissaire américain s’est rendu à Beyrouth, estimant qu’une solution diplomatique était «la seule issue» pour mettre un terme à cette guerre transfrontalière. Les chrétiens du Liban, comme beaucoup d’habitants du pays du Cèdre aimeraient eux que leur pays cesse d’être pris en otage des conflits de la région.
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