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Des Soudanais fuient la violence dans l'ouest du Darfour. Des Soudanais fuient la violence dans l'ouest du Darfour. 

La guerre civile au Soudan toujours plus meurtrière après l’assaut d’un hôpital

Le Soudan est secoué depuis plus d’un an par un conflit sanglant opposant les paramilitaires du général Daglo aux forces gouvernementales du général Al-Burhan. Dans le Darfour, région la plus touchée et située au sud-ouest du pays, l’assaut d’un important hôpital dimanche 9 juin fait craindre une aggravation de ce conflit oublié.

Vianney Groussin - Cité du Vatican

La ville d’El-Facher est la seule capitale des cinq États du Darfour à échapper encore au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR) du général Daglo. Pour autant, les habitants étaient habitués aux combats de rue et aux bombes selon Maximilien Kowalski, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) dans la région: «MSF travaillait depuis longtemps dans cet hôpital qui s'appelle South Hospital, et qui est sur la ligne de front. Donc il y a eu plusieurs fois des bombes qui sont tombées à proximité, des balles perdues qui sont arrivées sur la façade de l'hôpital, etc. On avait envisagé de commencer à déménager les activités et en fait, il y a cette attaque qui a un peu bousculé les choses».

«On a franchi une ligne avec cette attaque»

Dans l’après-midi du 9 juin, les FSR paramilitaires ont pris d’assaut l’hôpital qui était le seul à pourvoir opérer dans toute la ville. «Un commando armé de deux voitures et sept soldats est rentré dans l'hôpital et a ouvert le feu», raconte Maximilien Kowalski, «ils ont volé le coffre avec l'argent du ministère de la Santé, il y a eu du matériel de volé et notamment les médicaments dans la pharmacie, et en partant, pour charger tout ça, ils nous ont aussi dérobé une de nos ambulances». L’hôpital avait commencé à être évacué la semaine précédente, mais il restait encore quelques personnes travaillant à l’intérieur: «Par chance, la totalité des staffs ont réussi à partir de l'hôpital et à fuir cette attaque, donc ils ont tous pu se réfugier dans notre dans notre maison le soir même».


«On a quand même franchi une ligne aujourd'hui avec des hommes armés qui rentrent et qui ouvrent le feu dans un hôpital», estime Maximilien Kowalski, qui constate à regret que le conflit s’intensifie. D’autant que l’hôpital d’El-Facher était particulièrement important: «C'était le seul hôpital avec une capacité chirurgicale qui traitait les blessés de guerre, avec un bloc opératoire […] c’était l’hôpital de référence». Depuis, c’est dans un autre hôpital que MSF tente de reprendre les soins, au ralenti: «Nous avons aidé le ministère à déplacer les activités dans un autre hôpital qui s'appelle Saudi Hospital, pour lequel ils ont déjà recommencé les activités chirurgicales en mode dégradé. Parce qu'il y a énormément de choses à faire, notamment en termes de livraison de médicaments, d'accès à l'eau, d'accès à l'électricité. On a seulement réussi à livrer du fioul aujourd'hui (mardi 11 juin, ndlr) pour démarrer le générateur».

«Il ne faut pas que le Soudan devienne une crise oubliée»

Deux jours après cette attaque, le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan s’est dit «extrêmement préoccupé» de la situation au Darfour, et a appelé les témoins à lui transmettre les preuves permettant à l’instance internationale d’enquêter. «Nous ne pouvons et nous ne devons pas permettre que le Darfour devienne, une fois encore, le lieu où les atrocités sont oubliées du monde», a-t-il déclaré. Selon les statistiques publiées mardi par l'Organisation internationale pour les migrations, plus de 10 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du Soudan en raison des nombreux conflits que le pays a connu, dont près de 8 millions à cause de la guerre débutée en avril 2023.


Maximilien Kowalski, qui est basé au Tchad en attendant de pouvoir se rende au Darfour, appelle lui aussi à ne pas fermer les yeux sur le Soudan: «ce qui est très important, c'est qu'il ne faut pas que le Soudan devienne une crise oubliée. Il faudrait pouvoir garantir l'accès à plus de médicaments, pouvoir emmener de la nourriture sur place pour distribuer aux populations, et surtout garantir un déplacement de sécurité pour la plupart des civils et les hôpitaux»

Entretien avec Maximilien Kowalski

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12 juin 2024, 11:28