Traité de paix à Gaza: une option inenvisageable pour la société israélienne
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Les attaques de l’armée israélienne se poursuivent: ce jeudi 6 mai, au moins 37 personnes sont décédées dans un bombardement contre une école de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). De son côté, Tsahal a revendiqué cette frappe qui visait «une base du Hamas». Ces frappes israéliennes dans la bande de Gaza sont quotidiennes depuis l'attaque du 7 octobre, et sont soutenues par une grande partie de la société israélienne qui espère toujours un retour des otages, encore retenus par le Hamas.
D’un méga-pogrom à un traité de paix
«Il faut distinguer entre une trêve durable et une trêve permanente qui équivaudrait à un traité de paix» explique Denis Charbit, professeur de science politique à l’Open University d’Israël. En effet, si la grande majorité des Israéliens sont favorables à une trêve provisoire, dans le but d’une libération des otages et d’un retour des militaires dans leurs familles, quelques-uns continuent de souhaiter la poursuite de la guerre pour obtenir les objectifs fixés, notamment l’éradication du Hamas.
Toutefois, le traité de paix, pour une coexistence pacifique et stable des deux peuples, n'est pas à l'ordre du jour. «Le passage d'un méga-pogrom à un traité de paix, où enfin on serait des alliés définitifs, tout ça est vécu comme une jolie utopie, magnifique, extraordinaire, mais dont on ne voit pas comment on y accède» assure Denis Charbit. Après l'attaque du 7 octobre, perçue non pas comme «une déclaration de guerre» mais comme «une volonté d’extermination», la méfiance des Israéliens s’est accrue et a éloigné encore un peu plus la solution d’un possible traité.
L’entente mutuelle aura pris de sérieux coups, notamment en raison des signes du soutien du peuple palestinien aux actions terroristes du Hamas. «Ce qui peut expliquer cette réserve des Israéliens, ce sont les civils qui ont applaudi au massacre, qui ont applaudi lorsque les terroristes revenaient avec leurs victimes sur leurs motos, qui ont tenté de bloquer la voiture de la Croix-Rouge dans laquelle se trouvaient les otages qui devaient être relâchés en novembre…» décrypte le professeur.
Une résolution complexe et lointaine
Sans véritable interlocuteur, avec une Autorité palestinienne discréditée par les Palestiniens eux-mêmes et une organisation terroriste aux commandes à Gaza, difficile d’envisager une discussion sur l’avenir explique le politologue.
Favorable à une solution à deux États, ligne défendue par la diplomatie du Saint-Siège, Denis Charbit énumère les obstacles concrets qui empêchent les Israéliens d’avancer dans cette direction. La question du maintien de l’ordre dans la bande de Gaza reste par exemple un sujet peu évoqué.
La libération des otages
Huit mois après, la société israélienne reste traumatisée par l’attaque du 7 octobre et son millier de mort. Plus encore, le sort des otages encore aux mains des terroristes du Hamas soulève l’indignation des habitants de l’État hébreu. «Même les Israéliens les plus modérés disent: “tant que les otages ne sont pas libérés, ne nous demandez pas d'avoir une compassion pour les Palestiniens“» témoigne Denis Charbit.
La gestion des otages sera probablement la raison de la chute politique de Benyamin Netanyahou, qui n’est pas critiqué sur la manière dont il mène la guerre explique Denis Charbit. «Ils sont nombreux en Israël, à en vouloir définitivement, éternellement à Netanyahou de ne pas avoir fait de la libération des otages la priorité» souligne-t-il. D’autant plus que malgré la supériorité militaire technique de l’armée israélienne, aucun otage n’a été libéré par les opérations lancées à la suite du 7 octobre.
Le plan américain
Dans l’espoir de trouver une résolution au conflit, le président américain Joe Biden a présenté vendredi 31 mai un plan, qu’il a appelé «une feuille de route pour un cessez-le-feu durable et la libération de tous les otages». Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a donné son accord pour discuter de ce plan, malgré l’opposition absolue de l’extrême-droite religieuse, membre de la coalition qu’il dirige.
Denis Charbit estime qu’en cas d’accord, la fragile coalition du Premier ministre perdrait donc probablement les députés d’extrême-droite mais accueillerait plusieurs députés centristes du parti de Benny Gantz. Benyamin Netanyahou obtiendrait ainsi un sursis à la tête du gouvernement israélien, mais pour quelques semaines seulement.
De prochaines élections
Pour le professeur de science politique, c’est la figure de Benny Gantz, ancien chef d’état-major de l’armée israélienne et député centriste, qui selon les sondages, serait le plus en mesure de rassembler les Israéliens et de «défendre les intérêts d’Israël à partir d’une vision plus rationelle».
Mais il ne faut pas s’attendre à un revirement complet de la politique israélienne avec un chef de gouvernement centriste, prévient Denis Charbit: «Auront-ils l'audace de discuter d'un État palestinien? Très franchement, je ne crois pas. Les Israéliens ne sont pas prêts encore à l'entendre».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici