Recherche

Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie. Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie. 

JRS Ethiopie: assister et aider à l’intégration des réfugiés

En Éthiopie, le Service Jésuite des Réfugiés (JRS) œuvre pour soutenir les réfugiés en offrant des programmes d’assistance variés et en favorisant leur intégration. Avec une population de plus d’un million de réfugiés et demandeurs d’asile, ce pays est le deuxième plus grand refuge en Afrique pour les personnes contraintes de quitter leur pays, avec les défis que cela comporte. Les témoignages de réfugiés illustrent à la fois les difficultés quotidiennes et les réussites obtenues grâce au JRS.

Christian Kombe, SJ – Addis-Abeba

Le thème de l’édition 2024 de la Journée mondiale du réfugié célébrée le 20 juin, «Pour un monde qui accueille les personnes réfugiées», met l’accent sur l’inclusion et la solidarité, rappelant l’importance de tendre la main à ceux qui sont forcés de fuir leur pays. C’est ainsi que le comprennent les membres de l’équipe du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) en Éthiopie. Une occasion pour eux de réfléchir sur les enjeux et défis de leurs initiatives visant non seulement à répondre aux besoins fondamentaux des réfugiés, mais aussi à aider à leur intégration dans la communauté d’accueil.


La situation des réfugiés en Éthiopie

«Actuellement, l'Éthiopie accueille plus d’un million de réfugiés de différentes nationalités et de divers pays, principalement des pays voisins africains», nous explique Solomon Brahane, directeur national de JRS Éthiopie. Selon les chiffres produits par le Haut-Commissariat des réfugiés pour mai 2024, les 1.043.667 réfugiés qui sont dans ce pays de la Corne de l’Afrique viennent principalement du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Érythrée et du Soudan, notamment en raison du conflit en cours. Mais l’Éthiopie accueille également, en nombre plus réduit, des personnes en provenance du Kenya voisin, du Yémen, de la République démocratique du Congo, ou encore de la Syrie, faisant de lui le deuxième plus grand pays d’accueil des réfugiés en Afrique après l’Ouganda. Si différentes formes de catastrophe naturelles et de conditions environnementales insoutenables, comme des régimes politiques oppressifs, contraignent les personnes à quitter leurs pays, la guerre et les conflits armés restent la principale raison qui obligent les gens à trouver un refuge ailleurs. «Je suis venue en Éthiopie en 2005 à cause de la guerre», témoigne Florida Macumo, une réfugiée burundaise, bénéficiaire des programmes du JRS pour les réfugiés urbains à Addis-Abeba. Les mêmes raisons ont poussé Kwan Akol à quitter le Soudan du Sud en 2001, à l’époque où le pays faisait encore un avec le Soudan voisin.

Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie.

Une réponse diversifiée aux besoins des réfugiés

«Le JRS est opérationnel à Addis-Abeba et dans le camp de réfugiés de Dolo Ado, situé dans l'État régional Somali», explique Solomon Brahane. Dans ces deux sites situés respectivement en milieu urbain et dans les camps, le Service Jésuite des Réfugiés offre divers programmes d’assistance et d’aide à l’intégration, comprenant l’éducation non formelle, les cours de langue, les initiatives récréatives, les activités génératrices de revenus, l’aide d’urgence, la protection de l’enfance et les services psychosociaux.

Cette gamme de programmes offre aux personnes réfugiées un soutien aussi bien personnalisé que communautaire leur permettant de se former, d’acquérir des compétences, et de retrouver une forme de normalité, malgré les nombreux défis auxquels ils sont confrontés, souligne le directeur national de JRS. L’organisation développe également des initiatives pour favoriser la réconciliation et la cohésion au sein des communautés des personnes réfugiées, souvent marquées par des conflits dont certains trouvent leur racine dans les pays de provenance.

Aline Ingabire, originaire de la République démocratique du Congo, est arrivée en Éthiopie en 2012, ayant perdu des membres de sa famille durant la guerre. Elle se rappelle de ce moment où, accompagnée de son frère, épuisée après un long voyage qui l’a vue passer par l’Ouganda et le Kenya, elle a bénéficié des services du JRS, d’abord pour s’installer dans les camps des réfugiés, puis lorsqu’elle s’est installée comme réfugiée urbaine à Addis-Abeba. «Quand je suis arrivé au camp, nous avons commencé une nouvelle vie. Nous nous sommes enregistrés et ils m'ont montré où nous pouvions vivre avec d'autres réfugiés de mon pays. Nous sommes restés là dans le camp pendant environ cinq ans. Mais il y avait aussi des problèmes. Les réfugiés n'obtenaient pas assez de nourriture et l'eau n'était pas suffisante.» Dans la capitale éthiopienne depuis 2018, Aline vit avec sa sœur, mais a perdu les traces de son frère. Elle participe aux activités des femmes réfugiées bénéficiant de l’assistance du JRS.

Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Activités au Centre communautaire des Réfugiés du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) à Addis-Abeba, en Ethiopie.

Intégration et accompagnement

L'intégration des réfugiés dans la communauté d’accueil est une priorité pour le JRS, souligne Hanna Petros, directeur de projet du Centre communautaire pour les réfugiés (RCC) du JRS à Addis-Abeba. Les efforts visant cette intégration se caractérisent notamment en associant la communauté hôte dans les programmes mis en place pour les réfugiés comme la formation professionnelle et l’éducation non formelle, les cours de langue (amharique et anglais), de musique et d’informatique.

«En tant que réfugiée, j'ai rencontré de nombreux problèmes, mais quand je suis arrivée au JRS, j'ai reçu une éducation, différents types d'apprentissage: anglais, informatique, musique, qui m’aident beaucoup dans ma vie», témoigne Sarah Tesfaye, qui a quitté son Érythrée natale il y a cinq ans.

Kwan Akol, qui a pu effectuer des études supérieures en Éthiopie grâce à une bourse du HCR, obtenant un diplôme en anthropologie sociale, est un habitué du Centre communautaire des Réfugiés. Il y a trouvé une vocation en tant qu’enseignant d’anglais. Depuis trois ans, il collabore avec le JRS, en aidant les autres réfugiés à s’intégrer grâce à la maîtrise de l’outil de communication. Qamar Ali, une réfugiée yéménite, vivant dans la capitale éthiopienne depuis 2013, a également bénéficié de la possibilité de travailler en collaborant avec le JRS. «Quand que je suis arrivée ici, c'était un peu différent à cause de la différence de culture et de langue. J'ai trouvé un poste au JRS. J'ai commencé par suivre des cours d'informatique pour améliorer mes compétences. Ensuite, j'ai découvert la section de garde d'enfants ici au JRS. J'ai postulé pour devenir enseignante pour enfants», confie-t-elle.

Pour venir en aide aux personnes réfugiées à travers ses divers projets, JRS Éthiopie collabore avec divers acteurs, souligne M. Brahane. «Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés est le principal donateur pour notre programme urbain. Nous collaborons aussi avec différentes congrégations religieuses à Addis, dont les Sœurs Salésiennes, les pères Salésiens et les Missionnaires de la Charité.»


Multiples défis

Cependant, les défis restent nombreux pour assister les réfugiés dans le pays de la Corne de l’Afrique. Pour Solomon Brahane, la contrainte des ressources et le déficit de financement dans le secteur humanitaire, alors que le nombre de réfugiés ne fait qu’augmenter, constituent les principales difficultés. Par ailleurs, les conflits dans le pays aggravent la situation humanitaire. S’ils causent des déplacements parmi les populations locales, ils affectent également les réfugiés tant dans les régions touchées par les conflits qu’ailleurs avec l’inflation des biens et des services qui en résulte.

Du côté des réfugiés, en dépit de l’assistance du JRS et des autres organisations humanitaires, les défis du quotidien sont tout aussi significatifs. «Le problème que nous rencontrons ici à Addis, c’est la vie, qui est très difficile. Ce n'est pas facile de vivre ici. Nous ne pouvons pas trouver d’emploi. C’est très difficile», confie Florida. Le manque d’emplois pousse d’aucuns à se rabattre sur l’informel. En plus des difficultés économiques, les réfugiés, notamment les nouveaux venus, font également face à de longs délais pour les démarches d’enregistrement ou de renouvellement des documents requis par l’État, ce qui les oblige à s’établir dans les camps; une option intenable pour de nombreux réfugiés urbains en raison des conditions de vie précaires qui y prévalent, témoigne un érythréen sous le couvert de l’anonymat.

Le gouvernement éthiopien, conscient de ces défis, travaille sur des initiatives visant à améliorer et à offrir plus de droits aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, y compris l'intégration dans différents systèmes nationaux, précise le directeur de JRS Éthiopie.

Un réfugié expose ses œuvres d'art pour la journée mondiale du réfugié, célébrée le 20 juin 2024 (Addis-Abeba – Ethiopie).
Un réfugié expose ses œuvres d'art pour la journée mondiale du réfugié, célébrée le 20 juin 2024 (Addis-Abeba – Ethiopie).

Perspectives d’avenir

Au milieu de tant des difficultés, «nous avons tout de même de nombreuses histoires de réussite», confie Hanna Petros, mentionnant notamment la collaboration du JRS avec le corridor humanitaire pour aider les réfugiés les plus vulnérables, et qui a permis à environ 500 réfugiés d'être réinstallés en Italie. «Nous avons également réussi à inscrire des enfants autistes dans des écoles spécialisées grâce à nos partenariats, et nous avons soutenu de nombreux réfugiés à travers nos programmes de moyens de subsistance et d'assistance», souligne-t-elle.

Le Service Jésuite des Réfugiés prépare actuellement son plan stratégique pour les cinq prochaines années, visant à étendre ses activités à d'autres régions de l'Éthiopie. «Nous espérons que le JRS pourra s'étendre dans les prochaines années pour répondre aux besoins des réfugiés et des demandeurs d'asile à Addis-Abeba ainsi que dans différentes régions du pays», conclut Solomon Brahane.

Beaucoup de réfugiés, quant à eux, espèrent que leurs pays d’origine puissent retrouver un jour la paix, et le rêve du retour demeure constant en eux. Mais, entretemps, d’aucuns voient dans l’Éthiopie une seconde patrie où ils peuvent reconstruire leur vie, tandis que d’autres estiment que leur voyage pour un lendemain meilleur ne s’achève pas au pays de la Corne de l’Afrique, rêvant de gagner d’autres horizons.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

22 juin 2024, 16:10