30 août: une année après, le Gabon célèbre son «coup de libération»
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Le 30 août 2023, des militaires gabonais réunis au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) mettaient fin à 55 ans de règne des Bongo sur le Gabon. C’était au terme des élections contestées qui avaient données pour vainqueur le président sortant Ali Bongo, qui briguait un troisième mandat successif après quatorze ans passés à la tête du pays. Depuis une année, ce pays d’Afrique centrale est dirigé par le président de la Transition, le général Brice Oligui Nguema, qui est à la tête du CTRI. Le premier anniversaire de ces événements est célébré ce vendredi, sous le signe de la libération et de la restauration des institutions, a indiqué au cours d’une interview accordée à Vatican News Mgr Matthieu Madega, évêque de Mouilla.
«Coup de libération» et non pas «coup d’État»
Pour Mgr Madega, c’est pour mettre fin à une série d’élections mal organisées et avec une transparence «non avérée» que le CTRI «a dû prendre les choses en main». Cet acte, estime le prélat, ne doit donc pas être appelé coup d’État mais «coup de libération», car il appartient aux gabonais de donner un sens à ce qui s’est passé dans leur pays. Pour illustrer ses propos, l’évêque de Mouilla évoque deux exemples: pour parler de bibliothèque, les anglais parlent de «library», alors que pour les francophones, librairie s’entend d’un magasin qui vend les livres. Deuxièmement, lorsque les français ont mis fin à un système en place en 1789, ils ne l’appelèrent pas coup d’État mais «révolution». Ainsi, «le sens que le Gabon donne à ce 30 août est un sens de marche vers la restauration des institutions et vers la restauration du bon et meilleur vivre ensemble», déclare-t-il.
La transition, un processus de restauration, de maturation et de prise de conscience
Le prélat gabonais estime que cette libération est ressentie, d’une manière générale, comme une marque d’arrêt à des mauvaises organisations des institutions. Concernant le quotidien des Gabonais, Mgr Madega considère que l’heure n’est pas encore au bilan, car une année n’est pas assez pour faire une évaluation exhaustive et il faut du temps pour changer certaines habitudes qui se sont installées. «Plus une maladie a duré dans le corps, habituellement plus long est le traitement et moins la maladie a duré, souvent, le traitement peut être bref», fait-il remarqué. La transition engagée va demander à tout le Gabon, et même à toute l’Afrique d’entrer dans un processus de restauration, de maturation, de prise de conscience qui va durer dans le temps, avec la persévérance, souligne l’évêque de Mouilla.
Le dialogue national inclusif
Au nombre des progrès réalisés, Mgr Madega évoque le dialogue national et inclusif, qui a enregistré une forte participation, avec plus de 38 000 contributions, «une première dans l’histoire du Gabon» en termes de sollicitations et du nombre de participants. Elles étaient envoyées par des groupes ou des personnes individuelles, de l’intérieur du pays et de la diaspora. Les résultats constituent des propositions qui contribueront à inspirer des décisions pour l’avenir du pays, estime le prélat.
Union, Justice et travail
Pour un meilleur vivre-ensemble, Mgr Madega s’inspire de la devise de la Nation pour exhorter ses compatriotes à plus d’union, de justice et de travail pour le bien de tous. «Les enfants du Gabon doivent se considérer comme partenaires d’une même Nation», déclare-t-il. Il invite aussi à plus d’efficacité, de détermination et d’abnégation dans le travail et dans les responsabilités, afin de créer l’espérance d’un mieux-être pour tous. La justice et l’équité doivent être de mise dans ces efforts et tout cela doit se faire dans la concorde, comme le dit l’hymne national, souligne-t-il. Il appelle par ailleurs les partenaires du Gabon à privilégier des relations bilatérales respectueuses.
La participation de l’Église
Dans sa mission d’évangéliser en œuvrant pour «le salut de l’homme et de tout l’homme», l’Église continuera à former les consciences, à inciter à la charité, en s’inspirant de la Doctrine sociale de l’Église qui touche le concret des personnes. Elle continuera aussi à prêcher la fraternité, afin de faire comprendre que «nous sommes tous tendus vers une même destination finale, afin de nous faciliter la félicité au Gabon». L’Église de ce pays aimerait aussi aller aux périphéries, en portant les soucis des pauvres, des veuves, des orphelins, de ceux qui n’ont pas de moyens pour se scolariser ou se faire soigner. Elle accompagnera et encouragera toute bonne action afin que la richesse du Gabon soit au bénéfice de chaque habitant. Elle tirera aussi des sonnettes d’alarme au cas où il y aurait des injustices et s’élèvera contre tout vent de division, explique Mgr Madega.
Que le 30 août resserre les liens des Gabonais
L’évêque de Mouilla exhorte aussi à éviter des médisances et ne pas se faire des coups-bas, à savoir «annoncer le bien», sans passer son temps «à simplement indiquer les autres comme des maux». Comme critère de discernement, il appelle «à savoir choisir le bien et renoncer au mal». «Toute proposition faite avec violence et avec forcing est rebutante» et «c’est de l’intoxication», déclare-t-il. Il faut plutôt s’asseoir, prier et discerner ensemble, afin de trouver des solutions partagées, conseille le prélat. Mgr Madega invite à célébrer ce 30 août avec sérénité et calme, en voyant d’abord les progrès qui ont été accomplis, et en laissant le bilan pour un moment opportun. Il souhaite aussi que cette célébration resserre davantage les liens des gabonais vivant sur le territoire national comme dans la diaspora. Le prélat encourage toute initiative en faveur de la paix et du développement du Gabon, de l’Afrique et de toute l’humanité.
Le programme officiel des célébrations de ce 30 août destinées à marquer ce tournant politique prévoyait jeudi l'inauguration de plusieurs infrastructures de transport aérien -dont la compagnie aérienne nationale Fly Gabon-, routier et maritime; puis vendredi, une parade militaire, un match de football entre députés et membres du gouvernement, un concert et un feu d'artifice. Des défilés sont aussi prévus dans les neuf provinces du pays.
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