Les alentours d'une église de Lviv après une frappe aérienne, le 26 mars 2022. Les alentours d'une église de Lviv après une frappe aérienne, le 26 mars 2022.   (AFP or licensors)

Ukraine: anniversaire de l’indépendance, l’Église latine invoque la paix et la liberté

À l'occasion de la fête de l'indépendance de l'Ukraine, l'évêque de Lutsk et président de la Conférence des évêques de rite latin du pays explique aux médias du Vatican comment les Ukrainiens vivent cette célébration.

Svitlana Dukhovych et Taras Kotsur – Cité du Vatican

L'Ukraine célèbre samedi 24 août le jour de l'indépendance au milieu de la guerre pour la troisième année consécutive. Deux ans et demi se sont écoulés depuis le début de l'invasion russe, le 24 février 2022. L'indépendance de l'Union soviétique s'est déroulée pacifiquement il y a 33 ans, le 24 août 1991. Aujourd'hui, «l'indépendance nous coûte beaucoup», elle a «un prix très élevé pour nous», explique Mgr Vitalij Skomarovskyj, évêque de Lutsk et président de la Conférence des évêques de rite latin en Ukraine. L’évêque rappelle les nombreux morts de cette guerre et invoque la paix et la bénédiction de Dieu pour le peuple ukrainien.

Que signifie pour la société ukrainienne, et en particulier pour les chrétiens, le fait de célébrer un nouvel anniversaire de la restauration de l'indépendance, alors qu'une guerre à grande échelle dure depuis deux ans et demi?

Nous avons acquis notre indépendance et notre souveraineté nationale à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique. Nous en remercions Dieu. Je me souviens qu'à l'époque, de nombreuses personnes étaient étonnées de voir que tout s'était déroulé sans victimes, de manière très pacifique. D'autres pays ont payé un certain prix pour cela. Par exemple, dans les pays baltes, il y a eu des émeutes, des troupes ont été envoyées, il y a eu des victimes. Mais ici, en Ukraine, tout s'est déroulé de manière pacifique. Et puis, avec l'indépendance, nous avons renouvelé tous les attributs de notre État: le drapeau, l'hymne, le jour de l'indépendance, d'autres fêtes nationales, etc. Mais, à mon avis, tout cela a été perçu comme un dû. Cette indépendance nous coûte maintenant beaucoup: la guerre a commencé parce que l'agresseur voulait nous priver de notre indépendance, de notre souveraineté et de l'existence même de notre peuple. Avant, nous faisions la fête, mais nous ne comprenions pas vraiment ce que nous célébrions et nous ne valorisions pas ce que nous avions. Aujourd'hui, nous nous battons pour cette indépendance, qui a un prix très élevé pour nous. Et pour nous, croyants, ce sont toujours des jours de prière, de prière profonde, pour que Dieu préserve notre indépendance, nous donne la paix et nous bénisse.

Quels mots aimeriez-vous adresser à toutes les familles qui ont perdu des êtres chers dans cette guerre?

Tout d'abord, je voudrais exprimer ma compassion, mon affection et mes prières. La première prière est pour nos soldats tombés au combat. Nous prions pour eux, nous prions pour leurs âmes, nous prions tout le temps. J'entends cette prière tous les jours pendant la messe, et pas seulement dans notre église, mais aussi dans d'autres églises. Nous prions également pour ceux qui sont en deuil, afin que Dieu les réconforte, leur donne la force de continuer et leur donne la paix dans leur cœur. Leur perte est grande, mais cette prière les aide, tout comme la prière de l'Église tout entière. Un soutien concret est également utile: il existe aujourd'hui de nombreuses initiatives destinées aux familles et aux enfants qui ont perdu leurs parents dans cette guerre. Il est très important que les églises cherchent et trouvent des occasions de les aider. De nombreuses initiatives sont mises en œuvre, notamment une assistance psychologique, une aide financière et une aide à la réadaptation psychologique des enfants. Des personnes du monde entier participent à la mise en œuvre de ces projets. Je pense donc qu'il s'agit là aussi d'un don de Dieu pour lequel nous sommes reconnaissants.

 

Vous avez fréquenté le séminaire et reçu l'ordination sacerdotale avant même la Déclaration d'indépendance. Selon vous, pourquoi la liberté est-elle importante pour le développement de la société, pour sa dimension religieuse et pour l'affirmation de la dignité humaine?

Aujourd'hui, les gens oublient peu à peu ce qu'était la vie sans indépendance, sous le socialisme, ils perdent le souvenir de l'atmosphère qui régnait alors. Moi aussi, je l'oublie peu à peu... Mais je me souviens du moment où nous avons obtenu la liberté religieuse: tout a commencé en Union soviétique. À la fin des années 1980, de petites pousses de cette liberté commençaient à fleurir lorsqu'ils nous ont enfin permis d'ouvrir quelques nouvelles paroisses ou de construire une église. C'était un grand miracle, car cela ne s'était jamais produit auparavant: les églises étaient tout simplement fermées.... Je me souviens aussi qu'avec la restauration de l'indépendance, au début des années 1990, il y a eu une grande crise économique et pour cette raison, beaucoup de gens ont été déçus parce qu'ils avaient perdu un certain sens de la stabilité qu'ils avaient auparavant.

Mais je me souviens que les croyants étaient très heureux parce qu'ils pouvaient désormais professer librement leur foi, en parler sans crainte, ne pas avoir peur d'emmener leurs enfants à l'église et de leur enseigner leur foi. Ils n'avaient plus peur d'être humiliés pour leur foi au travail, à l'école ou ailleurs. Tout cela a également permis de surmonter les difficultés que connaissait notre pays à l'époque et, avec le temps, la situation économique s'est également améliorée. Par rapport à la période soviétique, un autre grand changement a été constitué par une nouvelle attitude à l'égard des gens. Les gens ont désormais le sentiment de leur propre dignité. C'est une raison importante pour laquelle nous voulons faire partie de la famille des nations européennes. En effet, en Europe, la dignité d'une personne est respectée. Et nous aimerions vivre dans une famille où les personnes sont considérées comme telles et non comme un rouage de la machine ou un outil. Nous aimerions vivre dans cette famille de nations, mais on veut nous en empêcher.

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24 août 2024, 09:43