75 ans après leur création, les conventions de Genève piétinées
Marine Henriot – Cité du Vatican
C’est avec un air grave que le Pape François avait abordé la question à la suite de l’Angélus du 27 octobre. «Demain (28 octobre, ndlr) s'ouvrira à Genève une importante Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 75 ans après les conventions de Genève», avait-t-il rappelé depuis la fenêtre du Palais apostolique. «Puisse cet événement éveiller les consciences pour que, lors des conflits armés, la vie et la dignité des personnes et des peuples, ainsi que l'intégrité des structures civiles et des lieux de culte, soient respectées, conformément au droit international humanitaire».
Un éveil des consciences nécessaire, éclaire Julia Grignon, directrice scientifique de l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM), présidente de la sous-commission droit international humanitaire et action humanitaire de la CNCDH (la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme), «le droit international humanitaire aujourd'hui est considérablement violé. Les images qui remontent quotidiennement des conflits ne laissent aucun doute à ce sujet.»
Selon la Croix-Rouge, le droit international humanitaire est un ensemble de règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés sur les populations civiles. Boussole du droit international humanitaire, les conventions de Genève ont été adoptées en 1949 au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Le danger pour les travailleurs humanitaires
Depuis le début de l’année, 30 volontaires du réseau de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont été tués alors qu’ils venaient en aide à la population sur le terrain. L’Unrwa, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a de son côté payé un tribut particulièrement lourd avec plus de 200 tués dans la guerre entre Israël et le mouvement islamique palestinien Hamas, rappelle l’AFP.
Comme en témoignent les files de camions remplis d’aides humanitaire à Rafah en Égypte, aux portes de Gaza, les entraves à la circulation de l'aide humanitaire sont croissantes. Une situation dramatique pour les travailleurs humanitaires, note Julia Grignon, qui déplore également des «doubles frappes» sur ces employés civils sur le terrain, comme actuellement dans le sud du Liban. «C'est-à-dire qu'il y a une pratique qui consiste à frapper à un endroit, engendrant des blessés et des malades. Donc des secouristes, des paramédicaux se déploient pour aller chercher ces blessés et ces malades. Et là, une deuxième frappe intervient pour tuer les personnes qui portent secours.»
L’inaction des Etats
S’il n’existe aucun conflit dans le monde où le droit international humanitaire n’aurait pas été violé, il y a aujourd’hui une forme de violence débridée et un relâchement du respect du droit, qui se lisent de deux manières, explique la spécialiste depuis Genève, «C'est-à-dire que d'une part, des États justifient les violations qu'ils commettent en instrumentalisant ou en distordant le droit, ou d'autres vont prétendre que ce ne sont pas eux qui ont commis des violations, mais que ce sont d'autres personnes.»
Irrespect de la part de certains pays, et laisser-faire de la part d’autres, «il y a un manque de volonté politique à la fois de la part des parties au conflit, mais aussi de tous les États tiers, pour véritablement se mobiliser et pour ramener le respect du droit international humanitaire», déplore la directrice scientifique de l’IRSEM.
Le 7 novembre prochain, l'ambassade de Suisse près le Saint-Siège organisera avec l'Université Pontificale Grégorienne un colloque sur l'"Esprit de Genève" et les conventions qui, 75 ans après leur établissement, sont plus que jamais fragilisées.
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