Recherche

Les funérailles du père Perez, le 22 octobre 2024. Les funérailles du père Perez, le 22 octobre 2024.  

Au Chiapas, une population otage des cartels

Extorsions, taxes à payer aux groupes armés, meurtres… Dans l’État du Chiapas au Mexique, à la frontière avec le Guatemala, la population vit sous le joug des narcotrafiquants. L’assassinat du père Marcello Perez, défenseur des droits humains, le 20 octobre dernier, témoigne une nouvelle fois du sentiment de toute-puissance des criminels dans la région. Entretien avec le cardinal Felipe Arizmendi Esquivel, évêque émérite du Chiapas.

Johan Pacheco, Marine Henriot – Cité du Vatican

C’est lui qui avait ordonné prêtre le père Marcelo Perez, il y a 22 ans. Le cardinal Felipe Arizmendi Esquivel, évêque émérite du Chiapas, pleure sa disparition. «Que son sacrifice, comme celui d'autres prêtres tués par fidélité à leur ministère, soit une semence de paix et de vie chrétienne». 

Issue de l’ethnie Tzotzil, le père Marcelo Perez s’est toujours engagé au service des communautés indigènes, prônant le dialogue entre les différentes communautés. Dans son église de San Cristóbal de la Casas, il n’a eu cesse, pendant une vingtaine d’années, d’être «un serviteur des causes du peuple, en particulier de la paix, la réconciliation et la fraternité», salue le cardinal Arizmendi. Régulièrement, le prêtre recevait des menaces. Il dénonçait la vente de drogue et la violence qui secoue le Chiapas.

Deux jours après l’assassinat, l’auteur présumé a été arrêté. Le jour même, des centaines de personnes assistaient aux funérailles du père Perez à San Andrés Larrainzar, dont il était originaire.

Une violence protéiforme

Depuis quatre ans, l’État du Chiapas sombre dans la lutte entre grands groupes criminels. Ceux-ci s’affrontent pour le contrôle du trafic de drogue, de l’extorsion et du trafic de migrants.

Dans le village du père Perez, raconte le cardinal Arizmendi, «il n'y a pas de violence parce que tout le monde paie ce que les groupes armés exigent en termes de ‘’cobro de piso’’ (racket)». Chaque marchand doit payer une taxe sur ce qu’il vend aux groupes armés. Ce système d'extorsion est généralisé dans la société. Par exemple, pour construire une maison, «les matériaux doivent être vendus à ceux qui décident de les vendre et au prix qu'ils fixent», détaille le cardinal.

Et la population n'ose pas dénoncer la situation auprès des autorités locales, de peur des représailles. «L'autorité civile a une très grande responsabilité et doit faire davantage pour que ces groupes qui se sont sentis libres d'agir, que ce soit pour l'extorsion ou le trafic de drogue, puissent être désarmés, démantelés», plaide l’évêque émérite du Chiapas.

Dans les terres, certaines communautés indigènes s’affrontent pour le pouvoir politique. Sur la côte pacifique, explique le cardinal mexicain, les migrations se sont intensifiées et ces populations sont livrées à elles-mêmes, «personne ne peut s'occuper suffisamment d'eux, ni le gouvernement, ni nous, ni la communauté.» 

Travailler pour la paix

«La construction de la paix ne dépend pas seulement du gouvernement, elle dépend de nous tous, de chacun, du gouvernement, de la société, de l'Église, des familles, de l'éducation, des écoles, des médias», plaide le cardinal Arizmendi, «faisons tous ce que nous pouvons pour garantir la paix entre nous.» 

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

28 octobre 2024, 14:55