Dans la baie de Manille, des pêcheurs luttent pour survivre
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Autrefois, la baie de Manille était un terrain de pêche abondant, mais maintenant elle est en train d’être engloutie et de devenir un lieu industriel, commercial, résidentiel et touristique en raison des projets massifs de bétonisation», déplore Pablo Rosales, président de l’association Pangisda.
Depuis la fin des années 1990, cette association regroupe les petits pêcheurs de la baie de Manille pour défendre leurs droits face à l’urbanisation galopante voulue par le gouvernement.
Une urbanisation dévorante
Aujourd’hui, les 190 kilomètres de la baie de Manille sont à 90% urbanisés. Mais l’appétit constructeur des autorités ne s’arrête pas là. Manille et ses 16 millions d’habitants doivent trouver de la place: les autorités veulent désormais construire des îles dans la baie de près de 2000 km2.
«L'objectif est de convertir près de 26 000 hectares d'eau de la zone de pêche en terre et de mettre en place les infrastructures nécessaires pour faire du business», précise Pablo Rosales. Un des projets en cours, baptisé Solar City Project, vise en effet à la construction de trois îles accueillant des immeubles futuristes.
La survie des petits producteurs
Les petits pêcheurs se battent contre les «reclamations», les accords de construction donnés par le gouvernement, et qui mettent en danger la survie des 100 000 pêcheurs qui travaillent quotidiennement dans la zone.
«Les familles de cette région comptent en moyenne six personnes, donc on approche des 600 000 familles impactées. Et cela n'inclut pas les autres secteurs, dépendants de la pêche», déplore le président de Pangisda, lui-même pêcheur. L’association estime à plusieurs millions les personnes vivant de la pêche dans la baie de Manille.
L’impact sur l’environnement
Début 2023, le gouvernement avait déclaré la baie de Manille comme zone morte, c’est-à-dire avec un taux d’oxygène trop faible pour la faune marine, en raison de la pollution extrême. Les nombreuses marées noires (au moins 12 depuis 2000), les rejets des terminaux pétroliers et des cargos, la pollution due aux constructions…tous ces déchets finissent dans l’eau et asphyxient les poissons et les pêcheurs.
«Le gouvernement ne se préoccupe pas de l'environnement. Tous ces projets sont destructeurs et rendent la vie misérable des gens autour», estime Pablo Rosales. De plus, de nombreuses inondations touchent la baie de Manille, dont la montée des eaux progresse d’environ 1,5 cm/an.
Des actions à l’international
Le collectif Pangisda a rejoint le Forum mondial des pêcheurs qui tient sa 8e assemblée depuis le 14 novembre. «Notre organisation s'est engagée à devenir membre de l'organisation internationale des pêcheurs, car nous pensons que le problème de la pêche aux Philippines ne peut être résolu uniquement par les pêcheurs philippins», explique le président de Pangisda.
Le Forum mondial, qui compte 29 organisations membres de 23 pays et représente plus de 10 millions de pêcheurs du monde entier, défend les droits des petits pêcheurs devant les instances internationales et notamment devant les Nations unies (FAO et OIT), face aux pêcheurs industriels.
L’organisation philippine fait également partie des associations soutenues par le CCFD-Terre Solidaire.
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