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Fermeture de la clinique de MSF dans la commune de Tabarre à Port-au-Prince le 20 novembre 2024. Fermeture de la clinique de MSF dans la commune de Tabarre à Port-au-Prince le 20 novembre 2024.   (AFP or licensors)

Confrontée à des violences sans précédent, MSF suspend ses activités à Port-au-Prince

L’ONG Médecins Sans Frontières suspend pour la première fois en trente ans de présence en Haïti l’ensemble de ses activités à Port-au-Prince, contrôlée à 80% par les gangs. Les soignants et médecins ont été ces dernières semaines agressés et menacés à plusieurs reprises, y compris par les forces de l’ordre, explique la responsable des opérations en Haïti pour MSF.

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

Nouveau tournant dans la violence de gangs à Port-au-Prince. Les ONG opérant dans la capitale haïtienne, telle que Médecins Sans Frontière (MSF) sont désormais directement ciblées et menacées sur le terrain par les forces de l’ordre. Dans un communiqué publié le 20 novembre, MSF a annoncé suspendre ses activités à Port-au-Prince jusqu’à nouvel ordre. Si les activités de santé maternelle dans le sud du pays, à Port-à-Piment, se poursuivent, quatre hôpitaux ont été fermés dans la capitale, ainsi que deux cliniques de prise en charge de victimes de violences sexuelles, une équipe de clinique mobile et plusieurs cliniques de soins de santé primaires. Ces dernières structures prennent en charge tous types de pathologie et accueillent habituellement près de 3000 patients par mois, détaille Sarah Château, responsable des opérations en Haïti pour MSF, mais l’ONG est surtout l’une des rares à offrir des soins de santé secondaires dans le pays caribéen.

Cependant, se désole l’humanitaire, les conditions ne sont plus réunies pour permettre aux soignants et aux médecins d’effectuer leur travail en sécurité. «Jusqu’à présent, on avait régulièrement des incidents auprès de nos patients, ce qui est inadmissible et nous a amené à suspendre plusieurs fois nos activités, mais uniquement l’activité concernée», explique Sarah Château. «Là, ce qui nous fait suspendre toutes nos activités pour la première fois, c’est que ce ne sont plus uniquement les patients qui sont potentiellement victimes de ces groupes de vigilance, de ces forces armées, de ces opérations extrajudiciaires, mais c'est l'ensemble de nos équipes que la police arrête régulièrement à différents checkpoints, et menace de mort ou de viol».

«On se retrouve directement cible» déplore Sarah Château, responsable des opérations en Haïti pour MSF.

Une ambulance attaquée, le personnel agressé

L’incident de trop a eu lieu le 11 novembre dernier, lorsqu’une ambulance de MSF, portant à son bord trois blessés par balle, a été arrêtée par les forces de l’ordre. L’ambulance est alors détournée de son parcours, et emmenée sur le parking d’un autre hôpital public, où elle sera attaquée par une vingtaine d’hommes armés. Les assaillants ont exécuté au moins deux des trois patients pris en charge en agressant le personnel médical sur leur passage.

Après 30 ans de présence en Haïti, MSF fait face à une recrudescence de violence inédite à laquelle l’organisation cherche des explications. Concernant l’incident du 11 novembre, il coïncide avec l’investiture du nouveau Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé après le limogeage controversé de Garry Conille par le Conseil présidentiel de transition. Mais l’instabilité politique ne suffit pas pour expliquer cette violence sans précédent selon Sarah Château: «Les facteurs sont multiples, c’est une crise sécuritaire et humanitaire qui s’étale dans le temps, les perspectives de sortie de crise sont quasiment inexistantes pour la population, donc elle se fédère de plus en plus, et de façon de plus en plus violente, autour de ces groupes de vigilance de quartiers, de milices de quartiers qui se font justice eux-mêmes».

«La neutralité dans ce contexte n’existe pas»

Parallèlement, dans ce contexte d’instabilité institutionnelle, les dirigeants des forces armées changent constamment, et cela se répercute sur les différentes brigades sur le terrain. «On est en dialogue avec l’institution de la police, explique pourtant Sarah Château, mais la neutralité dans ce contexte-là n’existe pas. Elle est compliqué à comprendre. Nous soignons tous les blessés par balles, tous les patients (…) mais on est perçu comme soignant les bandits alors qu'on soigne aussi des policiers, on soigne des militaires, on soigne surtout la population civile».

«On est perçu comme soignant les bandits» explique Sarah Château, responsable des opérations en Haïti pour MSF.

L’association médicale humanitaire internationale parle de suspension et non de retrait, et assure vouloir reprendre ses activités le plus vite possible. Mais pour cela, l’ONG a besoin de garanties, et de «réassurance». «On a besoin d'un message officiel public de la part des autorités et d'une note de service diffusée auprès de tous ces officiers de police expliquant le travail de MSF et ordonnant de cesser les menaces et les attaques sur nos équipes», a souligné la responsable des opérations en Haïti.

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22 novembre 2024, 15:09