Le village d'Ariha au nord de la Syrie, théâtre de combats entre rebelles et forces du régime syrien, dans la province d'Alep, le 28 novembre 2024. Le village d'Ariha au nord de la Syrie, théâtre de combats entre rebelles et forces du régime syrien, dans la province d'Alep, le 28 novembre 2024.   (AFP or licensors)

Au seuil de l’Avent, le retour des bombes sur Alep

«Nous confions au Saint-Père la ville d'Alep et tous ses habitants, une nouvelle fois meurtris». Au moment où les groupes djihadistes sont entrés dans la deuxième ville syrienne vendredi 29 novembre, le frère mariste Georges Sabé lance, depuis Alep, un appel à l’aide pour la fin des combats, sollicitant tous les efforts des diplomaties internationale et vaticane. «En signe d’encouragement», le religieux souhaiterait que le Pape mentionne la Syrie endolorie après l’Angélus ce dimanche.

Delphine Allaire – Cité du Vatican

«Espérer contre toute espérance.» Le passage de l’épître de saint Paul aux Romains prend tout son sens en ces heures où la peur se mêle à la prière à Alep, bombardée ce vendredi pour la première fois en quatre ans par les djihadistes. Les Syriens d’Alep regardent avec angoisse la progression des combats ces dernières heures entre des djihadistes et les forces armées syriennes. Depuis mercredi 27 novembre, les combats ont fait plus de 255 morts, opposant le Hayat Tahrir al-Sham et d’autres groupes islamistes à l’armée de Bachar Al Assad. Malgré les renforts envoyés autour de la deuxième ville du pays, la crainte du spectre de la guerre et d’un retour des djihadistes est réelle. Il s'agit des plus violents affrontements depuis 2020 dans le nord-ouest de la Syrie où la province d'Alep, en grande partie aux mains du régime de Bachar al-Assad, jouxte le dernier grand bastion rebelle et djihadiste d'Idleb.

«La panique a envahi les Alépins»

Alors que des drones volent au-dessus de lui, le frère Georges Sabé, religieux mariste dans la ville depuis douze ans, témoigne de «la panique» ayant envahi les Alépins. Il raconte comment la cité syrienne a été frappée de façon «fulgurante» et «surprenante», presque «bizarre» selon lui, par une violence djihadiste «farouche», dès le lendemain de l’annonce du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. Depuis trois jours, les bombardements réciproques ont lieu toute le journée. Ce vendredi matin, des missiles sont tombés sur la cité universitaire d’Alep, tuant quatre jeunes étudiants et en blessant sept autres. Selon l'ONU, plus de 14 000 personnes ont déjà été déplacées par les combats en cours depuis mercredi, près de la moitié d'entre eux sont des enfants. 

 

«C'est une menace très grave pour la ville et pour tous les habitants. Nous sommes en train de prendre toutes les précautions possibles pour nous protéger et en même temps garder le moral», confie le père Sabé, assurant que personne n’est parvenu à trouver le sommeil la nuit dernière dans sa communauté. L’anxiété est palpable, la situation suivie minute par minute. Comme en 2020, la fameuse route M5 reliant Alep au reste de la Syrie a été coupée à 20 kilomètres au sud d'Alep, étant occupée par des éléments armés, et l’aéroport de la ville a été fermé. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, ONG basée à Londres disposant d'un vaste rayon de sources dans le pays, les djihadistes ont ensuite pris le contrôle de cinq quartiers de la ville.

Appel aux diplomaties internationale et vaticane

L’offensive surprise a déclenché l'envoi de renforts armés supplémentaires par le régime de Bachar el-Assad, suscitant l’inquiétude du père Sabé aussi pour tous les jeunes en service militaire. «Cela nous fait revivre des situations d'il y a quatre ans que nous avions plus ou moins dépassées. Nous croyions plutôt à l'accord syro-russo-turc mettant fin à une situation menaçante, mais stable. Il n'y avait pas d'attaques, il n'y avait pas de bombardements. Nous pensions que les négociations entre la Russie et la Turquie calmeraient le jeu et apaiseraient les tensions. Tout a été chambardé et nous ignorons pourquoi», se lamente-t-il, déplorant combien, une fois de plus, Alep et ses habitants paient cher le prix de la guerre dont ils commençaient à se relever.

«Alep essaie de respirer mais ne cesse d'être opprimée. Nous payons encore très cher notre présence et notre avenir», relève-t-il, exhortant la diplomatie internationale à mettre un terme à ces violences dans cet autre coin de Terre Sainte: «Maintenant cela suffit, il faut se pencher sur l'Orient, sur le Proche-Orient, la situation au Liban, en Syrie, à Gaza». Le frère Sabé lance aussi un appel au secours au Souverain pontife, qui a souvent évoqué la Syrie bien-aimée et martyrisée dans ses appels: «Si le Saint-Père le peut, dans l'Angélus de dimanche, qu'il nous dise un mot d'encouragement». Le religieux souhaite aussi que la Curie romaine, «dans la mesure du possible», «surtout la diplomatie vaticane», agisse pour «que les choses soient un peu plus calmes et un peu plus reposantes pour tous les chrétiens et pour tous les Syriens d'Alep».

Des célébrations de l'Avent annulées ce premier dimanche

Ces violences surviennent juste avant l’entrée dans l’Avent. Par précaution, la communauté mariste s’est vu contrainte d’annuler les célébrations de préparation à Noël ce week-end. Suivant l’évolution de la situation, elle espère malgré tout que les méditations et temps de l’Avent pourront se dérouler la semaine prochaine.

«Nous croyons et continuons à croire dans l'espérance. Nous croyons à la lumière. C'était l'un des premiers thèmes que nous allions célébrer la semaine prochaine. Espérons que la lumière revienne. Espérons-le. Parfois, c'est très difficile», s’attriste-t-il, souhaitant par-dessus-tout confier au Pape François la ville d’Alep et tous ses habitants. «Nous espérons qu’un jour la Syrie et le Proche-Orient si meurtri connaitront une paix stable». «Nous restons unis dans la prière. Elle est notre seule espérance», souffle-t-il.

Témoignage depuis Alep du frère mariste Georges Sabé

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29 novembre 2024, 13:03