Combattre les stéréotypes pour lutter ensemble contre le VIH
Entretien réalisé par Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
«Suivons le chemin des droits – Notre santé, nos droits», c’est le thème choisi par l’Organisation mondiale de la santé en la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le SIDA cette année. Une occasion pour souligner la nécessité d’adopter des lois et politiques inclusives pour garantir l’accès universel au dépistage, à la prévention et au traitement. Bien qu’elle semble tomber dans l’oubli, cette maladie demeure une menace et urgence sanitaire mondiale. Aujourd’hui, malheureusement, les stéréotypes et le non-respect des droits des personnes vivant avec VIH sapent les progrès accomplis dans la lutte contre ce virus.
Pour sa part, l’Union des comités d’assainissement et d’actions culturelles, une structure d’encadrement des jeunes et de protection de l’environnement au Tchad, s’engage également dans la sensibilisation de la population au VIH/SIDA, et dans la lutte contre la stigmatisation des personnes affectées par cette maladie. C’est ce qu’a expliqué le secrétaire général de l’UCAAC, Abdelkader Amine Mahamat, dans une interview accordée aux médias du Vatican. Évoquant les défis et les progrès accomplis dans cette lutte contre le VIH/SIDA, il a lancé, en outre, un appel à reconnaître les droits et la dignité des personnes atteintes de cette maladie.
Quels sont les objectifs poursuivis par l’UCAAC?
L'UCAAC mène plusieurs activités parce qu'au Tchad, nous rencontrons des problèmes liés à la gestion des déchets ménagers. Nous évacuons les ordures ménagères deux fois par semaine. Nous nous occupons aussi du reboisement dans les lieux publics, apportant ainsi notre contribution à la protection de l'environnement. Nous nous occupons également de l'encadrement des adolescents et des jeunes. Ce qui représente vraiment un défi parce que c'est l'âge la plus turbulente pour un jeune, passer de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à la jeunesse. En ce sens, nous avons un programme qu'on appelle «Parcours citoyen», qui essaie d’inculquer de bonnes pratiques à la jeunesse dans le cadre de la citoyenneté, du respect de la loi et dans la revendication de leurs droits.
Par ailleurs, nous essayons d'accompagner les jeunes dans la prévention contre le VIH, en parlant de la sexualité en milieu des jeunes parce qu'au Tchad, il est rare de voir des parents aborder de tels sujets avec leurs enfants à cause des coutumes et des traditions. Et nous intervenons aussi dans la partie «stigmatisation» parce qu'il y a des jeunes qui ont eu le SIDA à la naissance, puisque contaminés par un parent infecté. Face à ce contexte de discrimination, l’UCAAC conscientise les autres jeunes afin de reconnaître les droits et la dignité de ceux et celles qui vivent avec le VIH.
Quels sont les défis qui se présentent dans votre secteur afin de mieux venir en aide aux personnes vivant avec VIH?
Le défi majeur qu'on a actuellement, c'est avec les organisations confessionnelles. Quand on prévoit des activités dans les organisations confessionnelles, en allant vers les centres de formation catholiques ou protestants, pour sensibiliser les jeunes et les instruire en matière de sexualité, nous rencontrons beaucoup de résistances. Ce qui nous contrait à revoir déjà la stratégie de communication. Nous parlons plus de la fidélité, de l'abstinence, mais pas du port des préservatifs qui est une information importante à donner aux jeunes. Il faudrait, en effet, qu'on leur présente cet aspect-là pour qu'il ne puisse pas tomber dans un drame quelque part.
Le deuxième aspect, c'est la réaction des parents lorsque nous leur présentons la situation d’un de leurs enfants infecté par le VIH. Ils ne veulent pas y croire et essaient de cacher la maladie. Certains se rendent chez des guérisseurs, des marabouts pour prendre des décoctions, alors que le virus est en train de faire son chemin dans l’organisme de l’enfant. Le temps qu'on se rende compte, ce dernier est déjà affaibli, ses organes n'agissent plus, et c’est trop tard. Et donc, l'acceptation d'un membre de famille infecté, c'est vraiment un problème parce qu'on considère le SIDA comme un sujet de scandale et un déshonneur à la famille, alors que c'est une maladie comme toutes les autres.
Quelle pourrait être votre lecture quant à la prise en charge du VIH au Tchad et aussi en termes de progrès concernant la sensibilisation à cette maladie?
La sensibilisation n'est pas tellement un défi parce que les gens nous acceptent et nous écoutent, mais c’est plutôt la mise en pratique de ce que nous disons. Alors, du côté de la prise en charge, je crois qu'il y a des structures qui sont déjà bien établies. Il y a, par exemple, une structure de personnes vivant avec le VIH/SIDA, avec laquelle l’UCAAC collabore bien. Lorsqu’un cas est détecté, nous prenons contact avec cette structure, qui prend directement en charge la personne infectée de manière efficace.
Les personnes vivant avec VIH que vous accompagnez et soutenez, souffrent-elles de manière générale de quelques stéréotypes liés à leurs conditions?
Oui, en effet! Des fois, nous avons des témoignages terribles. Il y a certains, par exemple, certains jeunes dont les parents refusent de partager le repas avec eux. Et il y en a d’autres qui, lorsqu’ils rendent visite à une personne atteinte du VIH, ils sont vivement interpelés. C’est une situation difficile d’autant plus que ces personnes infectées la vivent quotidiennement.
Dans ce cas, quel appel pourriez-vous lancer pour que la société apprenne à reconnaître les droits des personnes vivant avec VIH afin de porter un regard positif sur elles?
Déjà, il faut arriver à faire comprendre à la communauté que le VIH ne se transmet pas en saluant, ne le transmet pas en mangeant avec la personne infectée, encore moins en dormant à ses côtés. Ce n'est pas une maladie contagieuse comme la tuberculose, mais plutôt une maladie qui transmet au contact du sang. Il faudrait donc que les gens comprennent cela et qu'ils essaient d'accepter ces personnes, ces séropositifs comme des personnes normales. Qu'on leur accorde cette chance de vivre, de retrouver le sourire et d’être acceptés comme tout le monde.
Oui, d'ailleurs le thème choisi pour cette année est «Suivons le chemin des droits», un thème voulu par l'OMS pour souligner la nécessité d'adopter des lois et des politiques inclusives pour garantir l'accès universel au dépistage, à la prévention et au traitement. À ce sujet, que met en œuvre l’UCAAC en termes de stratégie pour rendre concret cet appel de l'OMS pour cette année?
Cet appel passe par la sensibilisation. Tout ce que l'on doit faire, c'est sensibiliser, conscientiser et amener le public à comprendre que chaque personne infectée a ses droits et doit être acceptée comme tout être humain. C’est très important.
Quel pourrait être votre dernier mot, un appel ou un message?
Je dirais que dans cette lutte contre le VIH, il y a de l'espoir. Il y a de cela dix ans, quinze ans, au Tchad, les gens ne prenaient pas les ARV. Actuellement, ils acceptent de les prendre publiquement. Cela veut dire qu'il y a un travail qui a été fait. Il y a donc l'espoir qu'on arrive, dans les années à venir, à apprendre déjà aux patients la prise en charge individuelle, c'est-à-dire apprendre aux patients, à la personne séropositive à se traiter. Nous espérons que dans les années à venir, on puisse arriver à une amélioration des conditions de traitement du patient séropositif.
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