Le Pape François «véritable homme de paix» selon Ahmed Al-Charaa

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

«Je ne considère pas les chrétiens syriens comme une minorité, mais comme une partie intégrante et importante de l'histoire du peuple syrien». Au cours de la rencontre entre Ahmed Al-Charaa (Abou Mohammed al-Joulani sous son nom de guerre), et Ibrahim Faltas, vicaire de la Custodie de Terre Sainte, le nouveau dirigeant syrien a réaffirmé son «estime» et de son «respect» pour les chrétiens.

Celui qui a renversé le régime de Bachar al-Assad a rencontré les dirigeants de plusieurs confessions chrétiennes dans le palais présidentiel de Damas le 31 décembre 2024, et s’est voulu rassurant. D’après le père Faltas, qui a rédigé une tribune pour L’Osservatore Romano, Ahmed Al-Charaa a même cité l’exemple des pères Hanna et Loai, deux prêtres qu’il a rencontrés dans le gouvernorat d’Idlib: «j'ai appris à connaître leur engagement en faveur des habitants de cette région. Ils ont aidé et soutenu tous ceux qui se sont adressés à eux, sans aucune distinction».

«Une grande admiration pour le Pape François»

Au cours de cette rencontre, l’ancien membre d’Al-Qaeda en Irak et de l’État islamique, désormais au pouvoir en Syrie a assuré avoir «une grande admiration, estime et respect pour le Pape François: c'est un véritable homme de paix». «J'ai apprécié ses appels et ses actions en faveur de la paix et des peuples en difficulté», a-t-il ajouté.

En sa qualité de vicaire de la Custodie de Terre Sainte, le père Faltas s’est entretenu en privé avec Ahmed Al-Charaa, faisant part de son inquiétude pour l’avenir des chrétiens en Syrie. «Nous nous efforçons de faire revenir ceux qui ont dû quitter la Syrie. Nous avons l'intention de ramener les Syriens expatriés chez eux et les chrétiens syriens reviendront vivre et professer leur foi en Syrie», a répondu le dirigeant syrien.

En fin de rencontre, le père Faltas a détaillé la mission de la Custodie de Terre Sainte, son devoir de veiller sur les Lieux Saints et sur les chrétiens de la Terre du Christ. Il a ensuite offert à Ahmed Al-Charaa la médaille de la canonisation des saints martyrs de Damas, canonisés le 20 octobre 2024 par le Pape François, convaincu «que leur intercession a contribué à ouvrir la voie à la paix en Syrie».

Vers la stabilité politique et sociale en Syrie?

Déplorant les nombreuses violations des droits de l’homme sous le régime de Bachar al-Assad, le nouveau visage du gouvernement syrien a énuméré les difficultés du peuple lorsqu’il a arraché les rênes du pouvoir: absence de développement économique, prisons inhumaines, corruption généralisée, territoire millénaire détruit, aucune liberté politique… Lui, au contraire, veut travailler «à l’unité et à la paix». «Cela prendra du temps, mais je suis convaincu que nous parviendrons à la stabilité politique et sociale en Syrie», a-t-il encore estimé.

Le père Faltas rapporte encore que le dirigeant syrien a évoqué «le changement de structure gouvernementale qui conduira à la stabilité politique du pays, à travers des étapes planifiées, afin d'atteindre l'équilibre démocratique», et l’a assuré «d'une plus grande attention aux droits essentiels du peuple syrien».

Pèlerinage d’espérance en Syrie

Cette visite s’est effectuée dans le cadre d’un voyage du père Ibrahim Faltas à travers le Liban et la Syrie. Il raconte qu’«avec l'esprit du charisme franciscain, nous marchions à travers des villes et des villages détruits, entourés d'une nature contaminée et outragée par la violence de la guerre».

Après le Liban, qui a subi les échanges nourris de tirs et de bombardements entre le Hezbollah et Israël en octobre et novembre dernier, la délégation de la Custodie s’est rendue en Syrie. Le père Faltas a d’ailleurs souligné l’absence de blocages et de barrages sur les routes syriennes. «La renaissance du peuple syrien commence par la possibilité d'une rencontre entre les enfants d'une même terre pour faire tomber les barrières et les conflits qui les ont divisés».

«Un nouveau cours de l'histoire syrienne a commencé, nous le confions au Prince de la Paix, nous le suivons avec nos cœurs ouverts à l'espérance», a conclu Ibrahim Faltas. Au total, 300 franciscains œuvrent pour la Custodie au service de la Terre Sainte, dont 35 d'origine syrienne.