Séisme en Birmanie, la solidarité de l'Église s'organise
Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
À 12h51, heure précise où le tremblement de terre d’amplitude 7,7 a frappé la Birmanie vendredi 28 mars, les sirènes ont retenti dans tous le pays afin de marquer le début d’un temps de recueillement solennel, consacré aux victimes. Plus de 2 700 morts, 3 900 blessés et des centaines de disparus, selon les dernières estimations datant du 1er avril des autorités birmanes. Des chiffres largement sous estimés selon les ONGs, mais aussi les sinistrés eux-mêmes. «Bien que plusieurs jours se soient écoulés depuis le tremblement de terre, de nombreuses personnes sont toujours prises au piège et attendent d'être secourues», relate un professeur basé à Sagaing, ville située dans le centre du pays, sur les bords de l'Irrawaddy, à quelques kilomètres de l’épicentre du séisme. Les opérations de secours sont freinées par les répliques à répétition et l'absence d'infrastructures routières. «Un grand nombre de corps n'ont pas été enterrés et les housses mortuaires sont très demandées. En raison de l'impossibilité de récupérer certains corps et de la chaleur, des odeurs nauséabondes ont commencé à se répandre dans la ville».
Une catastrophe naturelle venue s'ajouter à la catastrophe humaine
À une vingtaine de kilomètres de là, dans la région de Mandalay, où résident 2,5 millions de personnes, les dégâts sont considérables. «La ville de Mandalay a été détruite à près de 70%», déplore un missionnaire français, basé aux abords de la deuxième ville du pays. Étant en zone rurale, loin des tours d’immeubles et des grands bâtiments, son village n’a pas enregistré de décès, et peu de blessés. Mais les habitants restent sous le choc, «les gens sont fatigués, cela fait un trauma de plus». La première secousse a eu lieu à l’heure de la sieste, alors que les villageois étaient pour la plupart en extérieur, somnolant à l’ombre en cette saison chaude où les températures montent jusqu’à 40°c. «Cela a probablement sauvé des vies», relève le missionnaire. Si son village a été épargné, le prêtre, joint par téléphone, reste témoin de la souffrance des sinistrés dans les zones alentours: «J'ai des connaissances qui font les recherches dans les débris, et après avoir retrouvé les corps, il faut les réassembler pour pouvoir les présenter aux familles. C'est vraiment tragique».
Non loin de là, un village musulman a été largement endeuillé, le tremblement de terre ayant eu lieu en fin de matinée lors de la prière du vendredi. «C’était le vendredi du Ramadan, donc beaucoup de croyants musulmans étaient dans les mosquées, et dans certains cas les mosquées se sont écrasés sur eux, ça a été terrible», raconte le missionnaire. La communauté musulmane, qui représente seulement 4% de la population dans ce pays à majorité bouddhiste, a payé un lourd tribut, avec près de 700 morts selon l’agence américaine Associated Press.
Si la communauté chrétienne a été, selon les dernières informations, plutôt épargnées, ces sites ont subi d’importantes destructions. Plusieurs églises catholiques de Mandalay ont été endommagées. Dans l'État de Shan, le faux plafond de la cathédrale Saint-Joseph de la ville de Taunggyi s’est effondré, informe un autre missionnaire français, situé dans au nord de la région de Sagaing, à plusieurs centaines de kilomètres de là. Joint par téléphone plusieurs jours après le séisme, ce séminariste raconte ne pas avoir senti de secousses, et s’être rendu compte de l’ampleur des dégâts plus de 24 heures après, n’ayant eu accès à internet qu’une dizaine de minutes en l’espace de quatre jours. «Cette catastrophe naturelle vient s’ajouter à la catastrophe humaine en cours depuis 2021 avec énormément de combats, notamment dans la région Sagaing ou dans l’état Shan», déplore-t-il. «La population était déjà très affaiblie par cela, avec beaucoup de refugiés qui vivent dans des camps et dans des conditions très précaires, sans compter une crise économique majeure». «Le pays souffre énormément, il n’avait pas besoin de ça…».
L'aide humanitaire peine à arriver
Les besoins humanitaires sont immenses. Les sinistrés manquent d’eau potable, de nourriture "sèche", de matériel médical, mais aussi de couvertures et de moustiquaires pour dormir en extérieur, car tous les bâtiments menacent de s’effondrer. Le pont Ava, qui reliait Sagaing à Mandalay, n’est plus. L’autre pont, précise le professeur birman résidant à Sagaing, «est très instable, ce qui le rend très dangereux, seuls les petits véhicules sont autorisés à l’emprunter en nombre limité. Pour apporter de l’aide à Sagaing il faut passer par la rivière.». La livraison par les airs est également compliquée, la plupart des aéroports étant abîmés. «L’aide s’achemine petit à petit, mais cela est compliqué parce que l’aéroport de Mandalay est fermé car son tarmac n’est pas praticable, les avions ne peuvent pas atterrir» précise le missionnaire français présent dans la région. «Ainsi, l’aide ne peut venir que par la route, depuis Rangoon, au sud du pays, mais il y a plus de 8 heures de route entre Rangoon et Mandalay».
À cela s’ajoute les blocages politiques engendrés par une guerre civile qui oppose depuis 2021 l’armée à plusieurs factions ethniques. Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, a appelé, dans une interview accordée à Radio Vatican-Vatican News, à un cessez-le-feu et à ce que l’aide soit livrer sans entrave aux populations touchées. Mais les frappes de la junte militaire ont repris juste après le séisme dans l’État Shan, au nord-est du pays, selon des informations relayées par l’AFP.
L’Église auprès des sinistrés
«Le jour du tremblement de terre, nous avons quand même fait le chemin de croix à 17 heures», confie le prêtre français dans la région de Mandalay. «Nous continuons à célébrer les sacrements et la messe, et puis nous essayer de nous aider les uns les autres». En construisant par exemple des petites huttes afin d’offrir à chacun un abri.
Les partenaires du réseau Caritas coordonnent actuellement des interventions d’urgence, centrées sur l’accès à l’eau potable, la distribution de denrées alimentaires, les soins médicaux et les abris temporaires. Selon un communiqué du Secours catholique, publié ce mardi, une cellule d’urgence a été mise en place et une équipe est partie par la route vers Mandalay pour mener un diagnostic avec d’autres organisations internationales. Un appel au don pour soutenir la population birmane été lancé.
Les prières et la proximité spirituelle de François, exprimées dans un télégramme envoyé le 28 mars et signé par le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Saint-Siège, sont arrivées jusqu’aux missionnaires. «Cela nous permet de nous dire que l’on est pas complètement seul, que l’on est pas oublié, car c’est parfois l’impression que nous avons en Birmanie. C’est beau de voir le souci du père commun de l’Église pour ce petit troupeau qu’est l’Église en Birmanie. Cela nous donne du baume au cœur».
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