Pour une Église où laïcs et pasteurs vivent une «véritable fraternité»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Évêques, prêtres, laïcs, soit 200 participants venus de 72 conférences épiscopales: le Pape a profité de la venue de cet échantillon de l’Église universelle en Salle du Synode pour partager avec lui une «belle vision de l’Église».
Mission et formation
Pour François, l’Église est d’abord «orientée vers la mission», et l’on «marche ensemble pour évangéliser». «Un peuple uni dans la mission», comme le décrit le Concile Vatican II (Lumen Gentium 8,12), est un «aspect décisif», a-t-il insisté. La mission donne «ce sens d’ecclésialité». Il est essentiel, comme dans les Évangiles ou les Actes des Apôtres, d’évangéliser ensemble. «Partager la mission, en effet, rapproche pasteurs et laïcs, crée une communion d’intention, manifeste la complémentarité des différents charismes et ainsi suscite en tous le désir de marcher ensemble», a souligné le Pape.
Pour accomplir cette mission dans la «corresponsabilité», il est nécessaire d’être formé. «La formation doit être orientée vers la mission», et non pas se limiter aux seules théories, a averti le Saint-Père, «car cela finit en idéologies», et l’idéologie «est terrible, c’est une peste».
«Je suis chrétien»
Ensuite, «ce qui nous relie» dans l’Église est «le fait que nous soyons chrétiens baptisés, notre appartenance à Jésus», a expliqué le Souverain Pontife.
Pour développer sa pensée, le Pape s’est référé aux sources de l’Histoire de l’Église. «Il s’agit de récupérer une ‘ecclésiologie intégrale’, comme c’était le cas dans les premiers siècles, dans laquelle tout est unifié dans l’appartenance au Christ et dans la communion surnaturelle avec lui et avec les frères, dépassant une vision sociologique», fondée sur des catégories sociales.
«L’accent doit être mis sur l’unité et non pas sur la séparation, non pas sur la distinction», a déclaré François. Pour le Peuple de Dieu, «l’élément fondamental est l’appartenance au Christ», a-t-il insisté, citant les premiers martyrs chrétiens qui disent d’abord et simplement «je suis chrétien», et non «j’appartiens à tel ou tel mouvement ou communauté», ou bien «j’occupe tel ou tel rang». Dans l’Ancien Testament on ne parle d’ailleurs jamais de «laïc», a fait remarquer le Successeur de Pierre, mais de «croyants», «disciples», «frères», «saints», termes applicables à tous les baptisés.
Aujourd’hui encore, dans un monde de plus en plus sécularisé, a poursuivi le Pape, «ce qui nous distingue vraiment comme Peuple de Dieu est la foi au Christ, non pas l’état de vie considéré en soi». En d’autres termes, «nous sommes baptisés, chrétiens, disciples de Jésus. Tout le reste est secondaire».
Cette «commune appartenance au Christ nous rend tous frères», en particulier entre prêtres et laïcs.
Dépasser les divisions
Le Saint-Père a poursuivi en parlant alors de l’Église «où l’on vit une véritable fraternité entre pasteurs et laïcs, en travaillant côte-à-côte chaque jour, dans tout domaine de la pastorale».
Le Pape s’est élevé contre la «tentation la plus grave en ce moment», celle «d’agir en autonomie ou sur des rails parallèles qui ne se rencontres jamais» - «le clergé séparé des laïcs», les consacrés des fidèles et des prêtres, «la foi intellectuelle» d’une «foi populaire», la Curie romaine des Églises particulières, les mouvements charismatiques des paroisses, a cité François entre autres divisions.
«Il y a encore tant de chemin à parcourir pour que l'Église vive comme un corps, comme un vrai Peuple, uni par l'unique foi au Christ Sauveur, animé par le même Esprit sanctificateur et orienté vers la même mission d'annoncer l'amour miséricordieux de Dieu le Père», a déclaré le Souverain Pontife.
François a rappelé que les ministres ordonnés «ne sont pas les patrons», mais «les serviteurs», «les pasteurs». Il a à nouveau vivement critiqué le cléricalisme, s’appuyant sur la mise en garde du cardinal de Lubac à ce sujet (dans Méditations sur l’Église). Mais «pire encore que le prêtre, que l’évêque tombés dans le cléricalisme, ce sont les laïcs cléricalisés», a-t-il regretté en les qualifiant d’une «peste dans l’Église».
Le Pape a également précisé que «la nécessité de valoriser les laïcs ne dépend pas d'une quelconque nouveauté théologique, ni d'exigences fonctionnelles liées à la diminution du nombre de prêtres; elle ne découle pas non plus de revendications catégorielles visant à accorder une "revanche" à ceux qui ont été mis à l'écart dans le passé». Elle se fonde plutôt sur cette vision de l'Église «en tant que peuple de Dieu, dont les laïcs font pleinement partie avec les ministres ordonnés».
Des laïcs aux rôles variés
Ceci posé, quelle mission accorder aux laïcs? «L’apostolat des laïcs est avant tout témoignage», a expliqué le Saint-Père, témoignage de sa propre vie, de la prière, du service, de l’accueil, de la proximité, qui constitue aussi une «formation sur le terrain».
«Il est vrai que les laïcs sont avant tout appelés à vivre leur mission dans les réalités séculières dans lesquelles ils sont immergés chaque jour, mais cela n'exclut pas le fait qu'ils ont aussi les capacités, les charismes et les compétences pour contribuer à la vie de l'Église: que ce soit dans l'animation liturgique, la catéchèse et la formation, les structures de gouvernance, l'administration des biens, la planification et la mise en œuvre des programmes pastoraux, etc.», a poursuivi le Pape. «C'est pourquoi les pasteurs doivent être formés, dès leur séminaire, à une collaboration quotidienne et ordinaire avec les laïcs, afin que la communion vivante devienne pour eux une manière naturelle d'agir, et non un fait extraordinaire et occasionnel», a-t-il ajouté, estimant que «cette coresponsabilité vécue entre laïcs et pasteurs permettra de dépasser les dichotomies, les peurs et la méfiance mutuelle».
Exemples de collaboration avec les prêtres
«Les fidèles laïcs ne sont pas des "invités" dans l'Église, ils sont chez eux, ils sont donc appelés à prendre soin de leur propre maison», a complété François, avant d’indiquer une série de missions attribuables aux laïcs. «Les laïcs, et en particulier les femmes, doivent être davantage valorisés dans leurs compétences et leurs dons (...). Ils peuvent apporter l'annonce de l'Évangile dans leur langage "quotidien", en s'engageant dans diverses formes de prédication. Ils peuvent collaborer avec les prêtres pour former les enfants et les jeunes, pour aider les fiancés dans leur préparation au mariage et pour les accompagner dans leur vie conjugale et familiale. Ils doivent toujours être consultés lors de la préparation de nouvelles initiatives pastorales (...). Ils doivent avoir voix au chapitre dans les conseils pastoraux des Églises particulières. Ils doivent être présents dans les bureaux des diocèses. Ils peuvent aider à l'accompagnement spirituel des autres laïcs et contribuer à la formation des séminaristes et des religieux», a-t-il assuré, en insistant sur ce «charisme laïc» et non presbytéral, de l’accompagnement spirituel.
«Nous pourrions dire: laïcs et pasteurs ensemble dans l'Église, laïcs et pasteurs ensemble dans le monde», a conclu François devant les participants au congrès, les invitant à «poursuivre ensemble», dès leur retour de Rome, «le renouveau de l'Église et sa conversion missionnaire».
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