Recevant le clergé catholique arménien, le Pape prie pour le Haut-Karabagh
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Dans un dense discours remis, non prononcé en raison d’un rhume persistant, le Pape a évoqué «par les mots mais surtout par la prière» le drame du Haut-Karabagh vidé de ses habitants. «Que de guerres, que de souffrances», s’est-il lamenté. «La Première guerre mondiale devait être la dernière, et les États se sont regroupés dans la Société des Nations, "prémices" des Nations unies, pensant que cela suffirait à préserver le don de la paix. Mais depuis, que de conflits et de massacres, toujours tragiques et toujours inutiles», s’est attristé François, relançant ce cri pour la paix: «Cela suffit! Faisons tous résonner le cri de la paix, afin qu'il touche les cœurs, même ceux qui sont insensibles à la souffrance des pauvres et des humbles. Et surtout, prions. Je fais cela pour vous et pour l'Arménie; et vous, souvenez-vous de moi!»
François est ensuite revenu sur les caractéristiques du bon évêque, dont le choix est «l’une des grandes responsabilités» du synode. Les membres de l'Église patriarcale de Cilicie pour les catholiques arméniens sont réunis en synode à Rome jusqu’au vendredi 1er mars. «Je vous prie de choisir les évêques avec soin, afin qu'ils soient dévoués au troupeau, fidèles à la pastorale, jamais carriéristes. Ils ne doivent pas être choisis en fonction de leurs sympathies ou de leurs tendances, et vous devez faire très attention aux hommes qui ont "le nez dans les affaires" ou à ceux qui "ont toujours leur valise à la main", laissant le peuple orphelin», a détaillé le Pape.
«Les évêques ne s'achètent pas au marché»
Selon François, un évêque qui voit son éparchie comme un lieu de passage vers une autre plus «prestigieuse» oublie qu'il est marié à l'Église et risque de commettre un «adultère pastoral». «Il en va de même lorsque l'on perd son temps à négocier de nouvelles destinations ou promotions: les évêques ne s'achètent pas au marché, c'est le Christ qui les choisit comme successeurs de ses apôtres et bergers de son troupeau», a-t-il poursuivi, ajoutant que dans un monde «plein de solitude et d'éloignement», ceux qui nous sont confiés doivent sentir de notre part «la chaleur du Bon Pasteur, notre attention paternelle, la beauté de la fraternité, la miséricorde de Dieu».
Non sans s’attarder sur les structures, «qui ne sont que des moyens», François a encouragé à la charité pastorale, à la recherche et à la promotion du bien avec un regard évangélique et d'ouverture: de même qu’à l'indispensabilité d'une collaboration encore plus étroite avec l'Église apostolique arménienne, majoritaire dans le pays.
«Une aube appelée à rayonner la prophétie chrétienne»
Dans les pas de saint Grégoire de Narek (951-1010), deuxième docteur de l’Église venu d’Orient, «d’une impressionnante pertinence prophétique», le Souverain pontife a exhorté le clergé catholique arménien à s’appuyer sur le Christ, qui guérit les blessures par le pardon et l’amour. Ils ont «une grande responsabilité», comme témoins «premiers-nés» de la lumière de saint Grégoire l’Illuminateur, premier à accueillir la lumière du Christ dans l’histoire.
«Vous êtes une aube appelée à rayonner la prophétie chrétienne dans un monde qui préfère souvent les ténèbres de la haine, de la division, de la violence et de la vengeance», leur a rappelé François, conscient du petit nombre de fidèles arméniens catholiques. «Mais rappelons-nous que Dieu aime faire des merveilles avec les petits.»
Loin du faste des richesses et de l'arrogance du pouvoir, le Pape les a encouragés à s’occuper des petits et des pauvres en montrant l’exemple d’une vie évangélique, en accueillant les réfugiés, en soutenant ceux qui sont dans la diaspora comme des frères et des sœurs, des fils et des filles. Enfin, le Souverain pontife a insisté sur la nécessité de prier, beaucoup, «pour préserver cet ordre intérieur qui permet de travailler en harmonie, en discernant les priorités de l'Évangile».
Pleine transparence dans le domaine économique
«Que vos Synodes soient donc bien préparés, que les problèmes soient étudiés avec soin et évalués avec sagesse, que les solutions, toujours et uniquement pour le bien des âmes, soient appliquées et vérifiées avec prudence, cohérence et compétence, en assurant surtout une pleine transparence, y compris dans le domaine économique», leur a-t-il lancé. Le Pape a rappelé que les lois doivent être connues et appliquées non par formalisme, mais parce qu'elles sont les instruments d'une ecclésiologie qui permet même à ceux qui n'ont pas de pouvoir de faire appel à l'Église avec des droits codifiés, en évitant l'arbitraire du plus fort.
Proximité pastorale loin de la psychologie princière
Le successeur de Pierre a ensuite médité sur la pastorale des vocations en crise dans un monde sécularisé, requérant l’enracinement dans une vie chrétienne authentique, «loin de toute psychologie princière». De même, les prêtres, surtout les jeunes, ont besoin de la proximité des pasteurs, qui favorisent la communion fraternelle entre eux, «dociles à la créativité de l'Esprit Saint, pour servir le Peuple de Dieu avec la joie de la charité, et non avec la rigidité et la répétitivité stérile des bureaucrates». Le Pape a conclu par une prière à saint Nersès le Gracieux, catholicos de l’Église apostolique arménienne, connu pour ses efforts à réunir l’Église d’Arménie et l'Église de Byzance, intéressé à rétablir l'unité entre Byzance et Rome.
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