Pour François, les fruits du martyre sont la défaite des bourreaux

Jean-Benoit Harel - Cité du Vatican 

«C’est un livre qui fait du bien, parce qu’il montre à la fois la force du mal et les fruits du martyre». Le livre dont parle le Pape François s’intéresse aux martyrs d’Argentine dans la décennie 1970.

Cette décennie en Argentine est secouée par de nombreux renversements politiques. En 1966, la «Révolution argentine» renverse le président en place et instaure un régime autoritaire qui verra défilé trois dictateurs militaires. Après un intermède entre 1973 et 1976 qui voit le retour de l’homme d’État Juan Perón puis de sa femme Isabel Perón, un nouveau coup d’État généralise l’état d’urgence et instaure une dictature militaire jusqu’en 1983.

Une histoire ininterrompue de martyrs

Évoquant la basilique Saint-Barthélemy à l’île Tibérine, qui accueillle de nombreux martyrs du XXe siècle, victimes du nazisme, du communisme, de génocides ou d’autres épisodes barbares, le Saint-Père assure que le martyre est inhérent au christianisme. «L’histoire ancienne du martyre des chrétiens ne s’est jamais interrompue. Des idéologies folles continuent à alimenter la haine et à tuer beaucoup de gens, simplement parce qu’ils n’ont pas cessé d’être disciples de Jésus» assure-t-il.  

Dans cette basilique romaine se trouve également la ceinture épiscopale du bienheureux Mgr Angelelli, évêque argentin de La Roja assassiné en 1976, et ouvertement opposé à la dictature militaire. Le Pape François a gardé «un souvenir indélébile» de ce modèle d’évêque martyr, qu’il a côtoyé en tant que jeune père provincial en Argentine.

Cet évêque qui avait «une oreille à la parole de Dieu et une oreille au peuple» selon le Pape, l’a marqué pour son affection qu’il avait pour son peuple. «Je me souviens de l’affection avec laquelle il caressait les personnes âgées, avec lesquelles il cherchait les pauvres et les malades, lorsqu’il demandait justice» écrit François, et poursuit «il était convaincu que l’homme fait de boue cachait en lui un projet de la Trinité, un projet de Dieu, un mélange de terre et de ciel». François l’a reconnu bienheureux le 27 avril 2019.

Présentation du livre au Vatican ce vendredi 2 février en présence de Marco Gallo.

Hommage aux martyrs du monde entier

Ce livre veut rendre hommage à ceux qui voyaient ce projet de Dieu et qui en ont payé le prix de leur vie en Argentine dans les années 70. Le Pape cite également les Pères Pallotins habitant près de sa propre maison en Argentine, tués dans une attaque au cœur de Buenos Aires. Pour le Saint-Père, les meurtriers voulaient «éliminer l’influence de l’Église, faite de liberté, de vérité et d’amour».

Pour François, «l’Église a aujourd’hui un grand besoin de témoins, des saints de tous les jours, ceux de la vie ordinaire, et de ceux qui ont le courage d’accepter la grâce d’être des témoins jusqu’à la fin, jusqu’à la mort». Or, le martyr ne doit pas se voir comme un héros mais comme une grâce de Dieu qui lui offre le courage de témoigner poursuit le Saint-Père. Car les martyrs sont victimes et deviennent «une cible et finissent "dans l’oeil du cyclone", parce qu’ils témoignent Jésus et son amour».

Encourageant à la lecture de l’ouvrage du professeur Marco Gallo, qu’il a lui-même encouragé dans la recherche nécessaire préalable à l’écriture, le Pape François reconnait les mérites des martyrs d’Argentine mais également du monde entier: «ce livre ouvre une fenêtre non seulement sur l’Argentine, mais sur un monde de témoins de la foi qui continuent à verser leur sang dans de nombreuses parties du monde».