Le Pape exhorte l’audiovisuel public italien à œuvrer pour le beau, le bien et le vrai
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Devant le PDG, les membres du conseil d’administration, les journalistes, techniciens, artistes, employés et leurs familles, le Pape a salué le double anniversaire du mastodonte audiovisuel dont l’histoire se mêle à celle de la péninsule et à celle du Vatican. «La Rai a toujours suivi de près les pas des successeurs de Pierre depuis sa création», observe François, invitant le groupe, fondé en 1924 pour sa partie radio, à regarder tant vers le passé que vers l’avenir. La Rai détient cinq chaines de télévision généralistes et trois stations de radio nationales, outre des chaines thématiques.
Témoins et protagonistes des changements du siècle, «les médias influencent nos identités, pour le meilleur et pour le pire», a déclaré le Pape, offrant une réflexion sur la mission précise de service public, qui implique de considérer la communication «comme don à la communauté».
Méditant d’abord sur le mot de «service», l’évêque de Rome a déploré la réduction du terme à sa signification instrumentale, entrainant une confusion entre «service et servir, dévouement et utilisation». Il a défini le travail des membres du groupe avant tout comme «une réponse aux besoins des citoyens, dans un esprit d'ouverture universelle, avec une action capable de s'articuler sur l'ensemble du territoire sans tomber dans le localisme, dans le respect et la promotion de la dignité de chaque personne». Sans oublier de «contribuer à la vérité et au bien commun qui prend des implications spécifiques dans les domaines de l'information, du divertissement, de la culture et de la technologie».
Le caractère symphonique de la vérité, variété de voix
Dans le domaine de l'information, le Souverain pontife a rappelé que servir signifie essentiellement rechercher et promouvoir la vérité, «par exemple en s'opposant à la diffusion des fausses nouvelles et aux desseins sournois de ceux qui cherchent à influencer l'opinion publique de manière idéologique, en mentant et en désagrégeant le tissu social».
La vérité est une, elle est harmonieuse, elle ne peut être divisée par l'intérêt personnel, a-t-il souligné, mettant en avant sa dimension «symphonique». «Nous la saisissons mieux en apprenant à écouter la variété des voix -comme dans un chœur- plutôt qu'en criant toujours sa propre idée», a-t-il insisté, défendant le droit des citoyens à une information correcte, transmise sans préjugés, et invitant à «ne pas tirer de conclusions hâtives mais prendre le temps nécessaire pour comprendre et réfléchir, lutter contre la pollution cognitive, car l'information doit aussi être "écologique"».
Enfin, il s'agit de garantir un pluralisme respectueux des différentes opinions et sources car, comme le disait saint Jean-Paul II dans son Message pour la Journée mondiale de paix 2002: «La vérité [...], même lorsqu'elle est atteinte -et cela se produit toujours de manière limitée et perfectible- ne peut jamais être imposée. La vérité est proposée, jamais imposée», a cité le Pape argentin, exhortant «à cultiver le dialogue» et «à tisser des fils d'unité par l’écoute».
Rechercher la beauté et la réflexion
Outre l’information, François a rappelé à la radio-télévision publique italienne que le pluralisme concerne aussi le cinéma, la fiction, les séries télévisées, les programmes culturels et de divertissement, les reportages sportifs ou les programmes pour enfants. À cet égard, «dans notre époque riche en technologie mais parfois pauvre en humanité», le Pape a plaidé pour la recherche de la beauté, pour initier des dynamiques de solidarité, sauvegarder la liberté, œuvrer pour que toute expression artistique «aide chacun à s'élever, à réfléchir, à s'émouvoir, à sourire et même à pleurer d'émotion, à trouver un sens à la vie, une perspective de bien, un sens qui ne soit pas celui de la capitulation devant le pire».
Être un instrument de croissance de la connaissance
Le successeur de Pierre s’est ensuite arrêté sur le terme «public» accolé au service. Il implique un engagement de bien commun à donner la parole en particulier aux derniers, aux plus pauvres, aux sans-voix, aux laissés-pour-compte. François a souligné la nécessité d’être «un instrument de croissance de la connaissance, à faire réfléchir et non à aliéner, à entrer en orbite, à ouvrir de nouveaux aperçus de la réalité et non à alimenter des bulles d'indifférence intéressées, à éduquer les jeunes à rêver en grand, avec l'esprit et les yeux ouverts». «Ce mot peut nous faire peur: rêver. Ne jamais perdre la capacité de rêver, mais rêver en grand!»
Selon lui, l'ensemble du système médiatique doit «être provoqué et stimulé pour sortir de lui-même et se remettre en question, pour regarder au-delà», sans courir derrière l’audimat au détriment du contenu. Le Pape invite enfin la Rai, qui entre chaque jour dans des millions de foyers italiens, à ne pas penser sa présence comme à un «bureau de toutologues» (de Monsieur-je-sais-tout, ndlr), mais comme à un groupe d'amis qui frappent à la porte pour surprendre. «N'oubliez pas ceci: la vraie communication est toujours une surprise, elle vous surprend!», a-t-il conclu.
Le Souverain pontife avait déjà reçu les centaines d'employés de la Rai lors d'un précédent double anniversaire. En janvier 2014, le groupe célébrait 90 ans d'existence radiophonique et 60 ans télévisuelle. Il les avait alors appelés à veiller pour conserver un haut niveau éthique de la communication, et éviter la désinformation, la diffamation et la calomnie.
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