À Venise, le Pape rappelle l’importance des artistes et le rôle éducateur de l'art
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
C’était le deuxième temps fort de la visite du Pape François à Venise. Après la rencontre avec les détenues de la prison pour femmes de la Giudecca, le Saint Père s’est rendu à l’église de la Madeleine, chapelle du même centre de détention, où il a rencontré les artistes qui prennent part à la Biennale de Venise. L’exposition internationale d’art qui restera ouverte au public jusqu’au 24 novembre, rassemble dans cette ville du nord-est de l’Italie plusieurs artistes.
Dans son discours le Pape a fait part du désir qui l’habitait de rendre visite à la Biennale d’art de Venise, après avoir accueilli, en juin dernier, un grand groupe d’artistes à la Chapelle Sixtine. Exprimant aux artistes sa proximité et sa gratitude pour leur œuvre de beauté, François a adressé un message clair: «le monde a besoin d’artistes». Pour preuve, l’évêque de Rome a fait remarquer que les événements artistiques sont fréquentés par des personnes de tous âges. Il a aussi mentionné les Chapelles du Vatican et le premier pavillon du Saint Siège construit dans le cadre de la Biennale d’architecture il y a six ans sur l'île de San Giorgio, en collaboration avec la Fondation Cini.
L’art, une «ville refuge» pour tous
Pour le Pape, «l'art a le statut de "ville refuge"», «une ville qui désobéit au régime de la violence et de la discrimination pour créer des formes d'appartenance humaine capables de reconnaître, d'inclure, de protéger, d'embrasser tout le monde». Cela étant, François avoue ne pas se sentir étranger aux côtés des artistes, comme se sentirait tout être humain. «Je me sens chez moi», a-t-il confessé.
Les «villes refuge», a expliqué le Saint Père, sont une institution biblique, mentionnée dans le code deutéronomique, «destinée à empêcher l'effusion de sang innocent et à modérer le désir aveugle de vengeance, à garantir la protection des droits de l'homme et à rechercher des formes de réconciliation». Avec ce rôle pacifique que peut jouer l’art, le Pape souligne l’importance d’établir, à partir des différentes pratiques artistiques, une sorte de «réseau de villes refuge», qui puisse collaborer pour débarrasser le monde des contradictions. «Des antinomies insensées, et désormais vides, qui cherchent à prendre le dessus dans le racisme, la xénophobie, l'inégalité, le déséquilibre écologique et l'aporophobie, ce terrible néologisme qui signifie "phobie des pauvres"», a détaillé François. Pour le Saint Père, «derrière ces antinomies, il y a toujours le rejet de l'autre», l'égoïsme qui «fait fonctionner comme des îles solitaires au lieu d'archipels collaboratifs». Pour guérir le monde, le Pape propose aux artistes, d’imaginer des villes qui n'existent pas encore sur la carte, «des villes où aucun être humain n'est considéré comme un étranger». Ainsi, au lieu de dire «étrangers partout», on dira «frères partout».
L’art éduque à un regard contemplatif
S’exprimant sur le nom du pavillon où a eu lieu cette rencontre, «Avec mes yeux», François a souligné l’importance du regard dont nous avons tous besoin. Seul Jésus est le Maître éternel, capable de regarder chacun avec l’intensité d’un amour qui ne juge pas, mais proche et encourageant. L’art, a déclaré François, éduque à ce type de regard, ni possessif, ni objectivant, mais à la fois ni indifférent, ni superficiel. Il nous éduque à un regard plutôt «contemplatif». Le Saint Père donne ici l’exemple des artistes qui sont de ce monde, tout en étant appelés à le dépasser. Dans le même ordre d’idée, il souligne l’urgence pour eux de savoir distinguer l’art du marché, pour éviter que la créativité soit «vampirisée», que le marché ne vole l’innocence et qu’il n'instruise froidement sur ce qu’il faut faire.
Les femmes, co-protagonistes de l'aventure humaine
Ayant reçu les artistes à la prison féminine de la Giudecca, le Pape a eu une pensée pour des artistes comme Frida Khalo, Corita Kent ou Louise Bourgeois. Il a invité l’art moderne à ouvrir les yeux du monde, «en nous aidant à valoriser à sa juste valeur la contribution des femmes, en tant que co-protagonistes de l'aventure humaine». Si personne n'a le monopole de la douleur humaine, «…il y a une joie et une souffrance qui s'unissent au féminin sous une forme unique et que nous devons écouter, car elles ont quelque chose d'important à nous apprendre», a déclaré François, avant d’inviter les artistes à réfléchir sur la question adressée par Jésus aux foules, à propos de Jean le Baptiste: «Qu’êtes-vous allés regarder au désert? un roseau agité par le vent? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir?» (Mt 11, 7-8).
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