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Le Pape exhorte à affronter les conflits pour promouvoir la paix

Dans le cadre de sa visite pastorale à Vérone dans le nord de l’Italie, samedi 18 mai, le Pape François a participé à l’«Arène de la paix», une grande conférence portant sur les divers défis mondiaux, et regroupant le travail de plus de 500 associations.

Alexandra Sirgant – Envoyée spéciale à Vérone, Italie

12 500 personnes étaient réunies ce samedi matin dans l’amphithéâtre romain, malgré la chaleur digne d’un jour d’été. Des fichus blancs, floqués du mot «Pace» (Paix), abritent les têtes de certains participants, tandis que d’autres se protègent du soleil en recouvrant leurs épaules de drapeaux aux couleurs de l’arc en ciel, également symbole de paix, thème centrale de cette conférence regroupant 500 associations sous forme de dialogue présidée par le Pape François dans le cadre de sa visite pastorale à Vérone. La première édition de cette assemblée populaire à Vérone remonte à 1986, portant alors sur l’éducation à la paix et au désarmement. Des sujets, qui presque quarante ans après, ont à nouveau été traités aujourd'hui.

 

Parmi cinq groupes de travail -paix et désarmement, écologie intégrale et style de vie, travail et économie, démocratie et droits, et migration-, cinq paires d’interlocuteurs ont été choisies pour s’adresser au Pape.

Deux entrepreneurs de la paix en Terre Sainte

Parmi les drapeaux brandis par la foule, quelques-uns sont argentins, en hommage au Pape d’Amérique latine, d’autres ukrainiens, mais ce sont ceux aux couleurs de la Palestine qui dominent, à l’image de la place prise par le conflit en Terre Sainte dans cette rencontre. La prise de parole de Maoz Inon, Israélien dont les parents ont été assassinés le 7 octobre, et Aziz Sarah, Palestinien, également meurtri par cette guerre dans laquelle il a perdu un frère, a ému la foule entière. «Nous sommes des entrepreneurs et nous croyons que la paix est la chose la plus importante que nous puissions réaliser» ont assuré les deux hommes, main dans la main. «Il ne peut y avoir de paix sans une économie de paix. Une économie qui ne tue pas. Une économie de justice». Se tournant vers le Pape, les deux hommes s’interrogent: «Comment aider les jeunes à devenir des entrepreneurs de paix alors que les lieux d'éducation sont souvent influencés par le paradigme technocratique et la culture du profit à tout prix?». Les milliers de participants se lèvent alors pour acclamer les deux jeunes hommes, que le Souverain pontife prend dans ses bras, les embrassants chacun. «Devant la souffrance de ces deux frères, qui est la souffrance de deux peuples, il est difficile de reprendre la parole» souligne alors le Pape. «Ils ont eu le courage de s’embrasser» ajoute-t-il, faisant référence à la thématique choisie pour cette édition des Arènes de la paix, «Justice et paix s’embrasseront», extrait du Psaume 84. Invitant chacun à un court instant de silence, François a ensuite appelé à prier pour tous les enfants de cette guerre, ainsi que les autres guerres dans le monde.

Ralentir pour mieux écouter

La paix n’est pas seulement mise à mal par les conflits armés, mais aussi par les atteintes à l’environnement. Représentants le groupe de travail sur l’écologie, la porte-parole d’une association vénitienne luttant contre la pollution de l’eau accompagnée d’une jeune ougandaise, font part au Pape de leurs inquiétudes face à un époque marquée par «la rapidité et l’immédiateté». Le Saint-Père exhorte à «ralentir la course, à ne pas se laisser submerger par les activités et faire de la palce en soi pour l’action de Dieu». «Ralentir» est le maitre mot selon le Saint Père, même s'il «peut sembler déplacé, il s’agit d'une invitation à recalibrer nos attentes et nos actions en adoptant un horizon plus profond et plus large».

Être aux côtés des plus petits

Élargir son esprit et se tourner vers l’autre est également ce à quoi tendent les représentants du groupe de travail sur la migration, composé d’un Brésilien du Mouvement des sans-terre, une organisation regroupant des paysans d’Amérique latine ne disposant plus de terre pour cultiver, et d’une représentante italienne de Médecins sans frontières. «Nous aussi, nous avons à cœur de construire la paix et nous avons constaté que la première étape consiste à se mettre du côté des victimes, à les écouter, à les laisser raconter leur histoire et à faire entendre leur voix. (…) Mais ce n'est pas une étape facile à franchir: comment vivre cette conversion de perspective ? Qu'est-ce qui peut nous y aider ?», s’interrogent-ils.

«C’est Jésus» leur répond François. «Lui qui appelle les petites et les exclus, et les place au centre (…), les présente à tous comme témoins d’un changement nécessaire et possible». Le Pape argentin invite ainsi «à être aux côtés des plus petits, respecter les droits de l'homme» pour mettre fin à toutes les formes de guerre et de violence.

Ne pas ignorer les conflits

Cependant, répondant aux questions de deux représentants de la Communauté Sant’Egidio et Pax Christi sur la manière saine et constructive de vivre le conflit, François rappelle que «s'il y a un dynamisme positif dans la société, alors il y a aussi des conflits et des tensions». «Nous sommes souvent tentés de penser que la solution aux conflits et aux tensions est de les supprimer: je les ignore, je les cache, je les marginalise. Ce faisant, j'ampute la réalité d'un élément inconfortable mais aussi important. Nous savons que le résultat final de cette façon de vivre les conflits est d'accroître l'injustice et de générer des réactions de malaise et de frustration, qui peuvent même déboucher sur des gestes violents. Une autre réponse à courte vue consiste à tenter de résoudre les tensions en faisant prévaloir l'un des pôles, en réduisant la pluralité des positions à une seule perspective. Là encore, c'est une impasse: on recherche l'uniformité au lieu de l'unité, on craint sans fondement la pluralité». Pour faire face aux conflits, le Pape appelle à faire preuve d’écoute attentive, de silence et de dialogue.

L’individualisme mettant à mal l’engagement  

Le Pape François, répondant à une activiste afghane, s’est ensuite arrêté sur la figure du leader, qui ne peut être celle «d’un solitaire au-dessus de tous les autres, appelé à décider et à agir en leur nom et en leur faveur» car c’est de là que naissent le sentiment de solitude, de la part des responsables, mais aussi le désengagement du reste de la société.

Fustigeant le mal de l’individualisme, sous les applaudissements de la foule, François invite à éveiller chez les jeunes la passion de la participation «pour transmettre le message que le chemin vers l'avenir ne passe pas seulement par l'engagement d'un individu, aussi bien intentionné et bien préparé soit-il, mais qu'il passe par l'action d'un peuple, dans lequel chacun fait sa part, chacun selon ses tâches et selon ses capacités».

Le Saint-Père a conclu plus d’une heure d’échange en appellant chacun des paticipants à «se tourner vers les femmes pour trouver la paix». Rappelant les messages des mères israéliennes et palestiniennes, «tisseurs de dialogue en Terre Sainte», François invite chacun à s’engager et à s’impliquer car «les idéologies n'ont pas de pieds pour marcher, elles n'ont pas de mains pour guérir les blessures, elles n'ont pas d'yeux pour voir la souffrance d'autrui. La paix se fait avec les pieds, les mains et les yeux des peuples concernés».

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18 mai 2024, 13:00