Le Pape appelle à prier pour les humanitaires qui risquent leur vie
Lisa Zengarini – Cité du Vatican
Alors que la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de l'aide humanitaire, le 19 août, le Souverain pontife a invité chacun à prier pour les travailleurs humanitaires, «en particulier pour ceux qui sont morts ou ont été blessés en aidant les personnes touchées par les guerres et les catastrophes».
La Journée internationale des Nations unies est célébrée chaque année depuis 2008 pour rendre hommage à tous les volontaires qui risquent leur vie pour apporter une aide humanitaire dans le monde entier, et pour commémorer ceux qui sont morts ou ont été blessés alors qu'ils travaillaient pour des causes et des besoins humanitaires. Dans un message posté sur le réseau social X lundi, François a fait remarquer combien les humanitaires montrent que nous pouvons «être tous frères en prenant soin des autres».
2024: année la plus meurtrière pour les humanitaires
Avec la multiplication des conflits armés dans plusieurs régions du monde, le nombre de morts parmi les travailleurs humanitaires augmente aussi de façon spectaculaire.
2024 sera probablement l'année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les humanitaires, en particulier pour ceux qui travaillent dans leur propre pays. 192 travailleurs humanitaires ont déjà été tués cette année, dont 119 membres du personnel local.
Mort record d'humanitaires à Gaza
Comme le rappelle Caritas Internationalis, l'organisation caritative de l'Église catholique, cette augmentation spectaculaire est due en grande partie aux personnes tuées à Gaza à la suite de l'attaque du Hamas à la frontière sud d'Israël le 7 octobre dernier, avec un total d'au moins 274 humanitaires tués au cours des dix derniers mois. Ce nombre est supérieur au nombre total de travailleurs humanitaires tués dans le monde au cours des deux années 2021 et 2022.
Caritas a également perdu deux travailleurs humanitaires nationaux dans la bande de Gaza: Viola, technicienne de laboratoire, a été tuée avec son mari et sa petite fille lors du raid israélien sur l'église orthodoxe Saint-Porphyre à Gaza en octobre, et Issam Abedrabbo, pharmacien dévoué et père de famille, âgé de 35 ans, tué avec deux de ses fils, laissant une de ses filles orpheline.
Ces décès sont loin d'être accidentels, affirme Jean-Yves Terlinden, directeur de la coopération internationale et de l'action humanitaire de Caritas Belgique, rappelant que les forces israéliennes auraient mené au moins huit frappes sur des convois et des bâtiments utilisés par des opérateurs humanitaires à Gaza depuis octobre 2023. «Ces attaques se sont produites en dépit du fait que les agences humanitaires avaient fourni leurs coordonnées aux autorités israéliennes pour assurer leur protection», observe-t-il. Selon Caritas Internationalis, cette perte sans précédent de personnel humanitaire «a été aggravée par un système humanitaire de plus en plus affecté par les priorités politiques.»
L’organisation souligne que l'Union européenne et les États-Unis continuent d'apporter un soutien militaire à Israël, «y compris des bombes qui ont entraîné la mort d'un nombre effarant de civils et d'humanitaires, ainsi que d'autres formes de soutien matériel». Et ce, bien que les États-Unis et tous les membres de l'UE aient signé le traité des Nations unies sur le commerce des armes (TCA), qui oblige les États membres à contrôler les exportations d'armes et à veiller à ce qu’elles ne franchissent pas les embargos existants ou ne finissent pas par être utilisées pour commettre des violations des droits de l'Homme.
Comme l'a confirmé Amnesty International ce lundi, depuis l'entrée en vigueur du TCA il y a près de dix ans, certains des plus grands exportateurs d'armes au monde continuent à ignorer ouvertement ces règles en procédant à des transferts d'armes illégaux, ce qui entraîne des pertes de vies humaines dévastatrices dans les zones de conflit, y compris à Gaza.
Caritas exhorte à respecter le droit humanitaire international
Le réseau caritatif catholique a donc exhorté certains États membres de l'UE à «être à la hauteur de leurs valeurs en tant qu'acteurs humanitaires de principe et à éviter d'être complices de violations du droit international humanitaire» en se désengageant du soutien militaire aux acteurs qui violent ce droit.
«Sans ce désinvestissement, la diplomatie humanitaire continuera d'être minée par des États qui, d'une part, condamnent les violations du droit humanitaire international et, d'autre part, apportent un soutien militaire et économique aux parties qui commettent ces violations», affirme la déclaration.
Caritas a également rappelé que c'est de plus en plus le personnel humanitaire national qui est en danger. En 2024, un rapport de Humanitarian Outcomes and Global Interagency Security Forum révèle que le nombre de victimes subies par les organisations nationales et locales a augmenté régulièrement au cours des sept dernières années et, en 2022, a dépassé celui des ONG internationales.
Des mesures de protection requises
Cependant, les décès des opérateurs humanitaires nationaux, dont beaucoup sont employés directement par les donateurs et les organisations internationales ou travaillent en étroite collaboration avec eux, sont beaucoup moins médiatisés que ceux des travailleurs humanitaires internationaux.
Caritas Internationalis a donc demandé à l'UE de prendre des mesures efficaces et d'augmenter les ressources financières pour garantir leur sécurité, et d'attirer davantage l'attention des médias et des politiques sur la situation des travailleurs humanitaires locaux.
Travailleurs humanitaires tués en RDC
Parmi les autres zones critiques où les humanitaires ont payé le prix ultime cette année, avec les civils, figurent les provinces orientales de la République démocratique du Congo, déchirées par la guerre, où six travailleurs humanitaires ont été tués et 11 enlevés entre janvier et juin de cette année, avec plus de 200 incidents ciblant directement les humanitaires sur le terrain.
Dans un message adressé à l'occasion de la journée de lundi, le coordinateur humanitaire en République démocratique du Congo, Bruno Lemarquis, a déploré que «malgré la gravité de ces meurtres et de ces souffrances, le monde n'ait pas manifesté suffisamment d'indignation face à cette situation catastrophique».
Il a également noté que, bien que les Nations unies et les ONG locales et internationales restent plus que jamais engagées à fournir l'aide nécessaire aux personnes touchées par ces crises, le plan de réponse humanitaire pour 2024 n'est financé qu'à 35% à ce jour, ce qui signifie que des centaines de milliers de personnes vulnérables sont laissées pour compte, appelant donc à davantage de dons.
Appel à l'action
La Journée mondiale de l'aide humanitaire (JMA) a été instituée cinq ans après l'attentat à la bombe contre l'hôtel Canal à Bagdad, en Irak, qui a tué 22 travailleurs humanitaires en 2003, dont le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Irak, Sergio Vieira de Mello.
«Nous devons agir pour protéger les civils et les travailleurs humanitaires de la violence; nous devons agir contre l'impunité des auteurs d'attaques contre les travailleurs humanitaires et les civils», a affirmé Burno Lemarquis, catégorique: «Lorsque nous ne protégeons pas les civils et les travailleurs humanitaires, nous ne respectons pas les principes fondamentaux des droits de l'Homme et nous ne soulageons pas les personnes en détresse.»
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici