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Vue générale sur Singapour, le 1er décembre 2022. Le Pape est attendu dans la cité-État du 11 au 13 septembre 2024. Vue générale sur Singapour, le 1er décembre 2022. Le Pape est attendu dans la cité-État du 11 au 13 septembre 2024.   (AFP or licensors)

La grande traversée du Pape dans les îles d’Asie du Sud-Est

À près de 88 ans, l’évêque de Rome prend douze jours pour parcourir plus de 30 000 kilomètres à travers deux continents, Asie et Océanie, à la jonction de deux géants civilisationnels et démographiques, le sous-continent indien et la Chine. Objectif, conforter les catholiques dans leur foi et ancrage local et positionner l’Église comme un acteur-clé de dialogue et de paix dans la région.

Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Port Moresby et Singapour

C’est le pays le plus musulman au monde, c’est le pays le plus catholique du monde. C’est une terre vaste et pauvre d’Océanie, c’est un micro-État riche et condensé d’Asie. L’incipit dickensien revisité d’Un conte de deux cités sied parfaitement aux quatre pays honorés par ce 45e voyage apostolique.

Ce jeu des contrastes et des focales reflète la grande diversité culturelle et religieuse du Sud-Est asiatique et des confettis océaniens. L’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Timor oriental et Singapour ont un passé colonial en commun, elles furent un temps des périphéries occidentales. En un XXIe siècle mondialisé et morcelé dont l’Est et le Sud se recomposent à grande vitesse, le Pape venu, lui aussi du Sud, a récemment doté chacune de ces capitales d’un siège cardinalice.

Ceintes par l’Inde, la Chine et l’Australie, traversées par la ligne de l’équateur et quatre fuseaux horaires, Jakarta, Port Moresby, Dili et Singapour, accueillent pour la troisième et deuxième fois un Souverain pontife. Paul VI et Jean-Paul II ayant déjà foulé ces jeunes terres missionnaires, où l’inculturation de l’Évangile, le dialogue avec les autres religions et confessions chrétiennes, le maintien de la paix et tous les enjeux de la modernité, dans leur déclinaison démographique, technologique, sociétale et écologique, se posent. Comme dans le reste du monde, les protestants évangéliques font florès dans chacun de ces quatre États, non sans défis œcuméniques à relever pour les Églises catholiques locales ou la majorité musulmane dans le cas indonésien.

 

Harmonie religieuse et tolérance en Indonésie

L’archipel aux 17 000 îles évangélisé par l’un des cofondateurs de la Compagnie de Jésus, saint François-Xavier, est un mastodonte démographique de 276 millions d’âmes, dont 3% sont catholiques. Le quatrième pays le plus peuplé du monde a fondé son régime en 1945 sur la philosophie du Pancasila, soit l’inscription de cinq principes dans la Constitution. Ils garantissent la tolérance des croyances et centralisent un État étendu sur le double de la distance entre Paris et Moscou. 

Dans la capitale indonésienne, une étape symbolique attend le Successeur de Pierre, près du tunnel de l’amitié de Jakarta avec le grand imam. Le passage souterrain relie la cathédrale de l’Assomption à la mosquée Istiqlal, où François rencontrera le 5 septembre les représentants musulmans du pays et d’autres religions.

Dans le sillage du Document sur la fraternité humaine signé à Abou Dhabi, la déclaration de Jakarta co-signée par les organisations islamiques indonésiennes et le Vatican promeut l’harmonie entre les peuples, la paix et aborde le changement climatique. Signe de son attention aux plus vulnérables, le Pape doit recevoir à la nonciature apostolique un groupe de pauvres et de réfugiés accompagnés par la communauté de Sant’Egidio. À la Maison de la Jeunesse «Grha Pemuda» de Jakarta, l’évêque de Rome doit aussi échanger avec les jeunes du réseau éducatif argentin Scholas Occurentes, qu’il a érigé comme fondation de droit pontifical en 2015, et qu’il souhaite rencontrer à chaque déplacement.

L'Église catholique mélanésienne

4 000 kilomètres plus loin, près de la Grande Barrière de Corail du Pacifique, le Pape François se rendra au chevet d’enfants malades et handicapés de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Pendant trois jours, à Port Moresby, au sud, et à Vanimo, au nord, François partagera des moments avec un jeune clergé local et des missionnaires. Mais c’est surtout la ferveur populaire du troisième plus grand État insulaire du monde fait de 600 îles et 800 langues qui attend le Saint-Père dans un pays encore pauvre et comptant 26% de catholiques, où les fidèles peuvent marcher des jours durant pour participer à des célébrations eucharistiques. Entre modernité occidentale, sous l’influence proche de l’Australie et persistante du Royaume-Uni via le Commonwealth, et l’héritage de pratiques, rites et systèmes traditionnels autour du clan, de la communauté et de mille et une unités politiques, le Pape devrait adresser à la terre papoue un message de pacification sociale, de protection de la Création, valorisant la précieuse culture mélanésienne.

La reconnaissance timoraise

Dans le jeune Timor-Oriental, François sera le premier Pape à venir depuis l’indépendance. Dans ce pays le moins peuplé d’Asie du Sud-Est, quasiment chaque habitant est baptisé dans la religion catholique et la reconnaissance envers l’action et la médiation de l’Église de Jean-Paul II pour la liberté retrouvée, immense. Le Timor-Oriental a d’ailleurs établi des relations avec le Saint-Siège le jour même de son indépendance, le 20 mai 2002, fait signer par son Parlement la Déclaration sur la Fraternité humaine en 2022. Récipiendaire du Nobel de la Paix en 1996, le président timorais José Ramos-Horta a été reçu par François au Palais apostolique en janvier dernier, ils se retrouveront au palais présidentiel de Dili, le 9 septembre.

Singapour, carrefour civilisationnel

De cette moitié d’île lointaine, isolée, l’un des pays les plus pauvres d’Asie, François se transportera vers le plus riche et frénétique du continent qui monopolise les meilleures places dans les classements universitaires, la cité-État de Singapour. Le contraste mis en abyme. Cette cité du lion –Singapora en sanskrit– où l’ambition capitaliste côtoie une spiritualité prégnante aux quatre coins des gratte-ciels, grouille de six millions d’habitants dont un de travailleurs étrangers, essentiellement chrétiens car philippins. Une ville-escale de tous les superlatifs où, forte de dix religions officiellement reconnues, l’harmonie et la tolérance prédominent. Le Pape en aura un échantillon lors de la deuxième rencontre interreligieuse du voyage au Catholic Junior College. À la croisée des mondes malais, indiens et chinois, plaque tournante d’informations et renseignements internationaux à l’image d’ailleurs du Vatican, nombreux sont ceux à guetter dans la parole pontificale des signes en direction de la Chine. Comme ce fut le cas en Mongolie il y a un an. Une délégation de catholiques de Hong Kong prendra en tout cas part à la messe présidée par François, le 12 septembre. Des catholiques vietnamiens pourraient aussi s’y trouver, certains d’entre eux étant travailleurs migrants dans le micro-État. Le nonce apostolique à Singapour, Mgr Marek Zalewski, arrivé fin janvier à Hanoi comme premier représentant pontifical résident au Vietnam, constitue déjà un trait d’union.

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02 septembre 2024, 15:00