Recherche

Préparatifs dans la cathédrale catholique de Jakarta, avant l'arrivée du Pape en Indonésie, du 3 au 6 septembre 2024. Préparatifs dans la cathédrale catholique de Jakarta, avant l'arrivée du Pape en Indonésie, du 3 au 6 septembre 2024.   (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

Le Pape en Asie-Pacifique, grand laboratoire des défis de l’Église et de ses évolutions

Premier Pape non occidental, le Pape argentin ne déroge pas à l’intérêt porté par le Siège apostolique au continent asiatique, et participe, au contraire, à sa meilleure représentation dans l’appareil ecclésial. Entretien avec l’historien Olivier Sibre, directeur des études et de la recherche à l’Institut Georges Pompidou, auteur notamment de «Le Saint-Siège et l’Extrême-Orient (Chine, Corée, Japon), de Léon XIII à Pie XII» (Collection de l’École Française de Rome, 2012).

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Après un voyage en Thaïlande et au Japon en 2019, le Pape revient en Asie du Sud-Est pour son 45e déplacement hors d’Italie. Durant treize jours, l’évêque de Rome sillonnera la capitale indonésienne, deux villes de Papouasie-Nouvelle-Guinée aux portes de l’Océanie, puis se rendra au très catholique Timor pour finir dans l’étonnant kaléidoscope singapourien. Décryptage des enjeux pastoraux, diplomatiques et missionnaires de ce périple riche et contrasté en Orient extrême avec l’historien Olivier Sibre, spécialiste des relations entre le Saint-Siège et cette partie du monde.

Quels éléments biographiques, spirituels et intellectuels portent le Pape François, Argentin, à être attiré par l'Asie?

La première chose est son expérience de jésuite, puisqu'il a connu l'époque du généralat du père Pedro Arrupe à la Compagnie de Jésus. Le père Arrupe a eu une expérience de supérieur des Jésuites au Japon, en particulier à Hiroshima à la fin des années 1930. Il vit la période de la guerre du Pacifique, puis les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki, et la reconstruction. Plus jeune, le Pape François rêve de partir en mission au Japon. En tant que jésuite bien sûr, il est aussi influencé par Matteo Ricci, figure de l’inculturation missionnaire des jésuites au XVIe, XVIIe siècle en Chine, et dont le procès de béatification est bien avancé. Pour ces différentes raisons, il y a forcément un intérêt pour l'Asie lié à son parcours personnel.

 

Ensuite, nous sommes dans une grande continuité de l’intérêt porté par les Papes à l’Asie orientale. Pour le Saint-Siège et l'Église catholique, la Chine en particulier, mais pas seulement, est une priorité pluri décennale et même multiséculaire. À la fin du XIXe siècle, la Chine est le pays où l’Église envoie le plus de missionnaires et de congrégations pour l’évangélisation. En 1982, Jean-Paul II écrivait déjà dans une longue lettre à tous les évêques du monde que «l’Église en Chine est la préoccupation principale et constante de mon pontificat». Bien sûr, l’Asie orientale ne se réduit pas à la Chine, mais les défis de l’Église dans cette partie du monde ne peuvent se comprendre sans y faire une place de choix au «dossier chinois».

Toutefois, il est vrai que dans la vision du Pape argentin d’une Église globale, la Global Church du Sud global, l'Asie-Pacifique étant au cœur de l'économie et des transformations du monde, François s'inscrit aussi dans ce besoin de relever le défi de la présence de l'Église dans les différents pays d'Asie.

Comment caractériseriez-vous l'approche propre à François de ce continent? Quelle est sa manière personnelle d'entremêler enjeux diplomatiques, missionnaires et pastoraux en Asie?

Dans ses différents grands textes, dont Evangelii Gaudium et les deux suivants, la doctrine sociale de l'Église, pour lui, doit s'enraciner dans une expérience vécue, dans un style évangélique et apostolique. Il place la mission au cœur de son pontificat.

Cela se répercute sur l’ensemble de la structure curiale. Par la nouvelle Constitution apostolique Praedicate Evangelium, le Pape pilote directement le dicastère pour l’Évangélisation confié à deux pro-préfets, dont un Asiatique, alors qu’historiquement l’autorité du cardinal préfet de la Propagande (évangélisation des peuples) le faisait qualifier de Papa rosso. Quant à la concurrence sur l’évangélisation du Papa negro, le général de la Compagnie de Jésus, elle n’a de toute façon plus d’objet. Le Pape a avant tout pour objectif de promouvoir une Église présente aux défis sociaux, économiques et culturels locaux inscrits dans la mondialisation, et de trouver toutes les adaptations possibles sur les questions de relations plus politiques et officielles entre l'Église catholique et les autorités locales.

L'exemple de la Chine est caractéristique. L’accord signé à Pékin en 2018 entre le Saint-Siège et la RPC, reconduit à plusieurs reprises, est une convention qui vise à maintenir un lien avec le pouvoir communiste, en essayant de maintenir et de trouver une solution à l'unité de l'Église, divisée jusqu’ici entre «l’Église clandestine» et «l’Église officielle» de l’Association patriotique, en particulier donc sur la question cruciale de la nomination des évêques et de pouvoir continuer à répondre aux défis de l’évangélisation de la Chine contemporaine, en disposant d’un cadre officiel pour maintenir au mieux un espace de liberté au culte et et à l’enseignement catholique.

Dans la Chine qui se développe et s’enrichit se pose des enjeux de sécularisation, déjà induits par la politique d’État en direction des minorités religieuses, qui peuvent paraître semblables à ceux d’autres sociétés asiatiques comme le Japon, la Corée du Sud, Taiwan ou Singapour.

Singapour n’a pas la même histoire depuis 1964-1965 sur le plan de la législation des cultes, et donc de la liberté religieuse et du pluralisme religieux que son voisin indonésien. Le gouvernement singapourien a toujours fait du pluralisme culturel et religieux la spécificité et même l’identité de la cité-État face à ses deux grands voisins, la Malaisie et l’Indonésie. La réalité nationale est donc prise en compte par le Saint-Siège, mais on perçoit aussi une tentative, en particulier par la synodalité, engagée à l’échelle régionale depuis 1970, d’aboutir à plus de transversalité et d’action commune dans l’évangélisation, tout en posant les conditions d’un voisinage pacifique entres les pays concernés qui sollicitent la coopération des Églises locales et la diplomatie du Saint-Siège. On retombe ainsi sur les textes généraux du pontificat qui essaient de dégager les grandes lignes de transformation des sociétés mondiales sans s'arcbouter ou se crisper nécessairement sur les différences politiques et culturelles locales.

Dans une perspective historique, comment l'intérêt des Souverains pontifes pour l'Extrême-Orient s'est-il aiguisé?

Dès la fin du XIIIe siècle, c’est la création de la mission catholique en Chine par Jean de Montecorvino, mort à Pékin en 1328, l’arrivée des jésuites en Chine et au Japon au XVIe siècle, la réception d’une ambassade japonaise par Grégoire XIII en 1585, puis d’une autre ambassade nippone envoyée auprès du Pape Paul V en 1615, la béatification très précoce des martyrs japonais par Urbain VIII (1627), la création de la Propaganda Fide (1622), et l’envoi de prêtres missionnaires apostolique en Asie (MEP, 1658), la création des deux premiers vicariats apostoliques de la Cochinchine (1659), ou encore l’envoi de Mgr Charles Thomas Maillard de Tournon visiteur apostolique en Chine et aux Indes orientales (1701) créé cardinal en 1707, lorsque la question des «rites chinois» engendrait un conflit théologique, canonique, et missionnaire pour plusieurs siècles.

En 1831, Grégoire XVI envoie les premiers missionnaires en Corée et crée le vicariat apostolique de Corée. Mgr Bernard Petitjean, premier vicaire apostolique au Japon, qui séjourne à Rome pour le Premier Concile du Vatican, apprend au Pape Pie IX qu'il a retrouvé des catholiques (17 mars 1865, Urakami), les kakure kirishitan, cachés depuis plusieurs siècles au Japon, après les persécutions et la fermeture de l'époque Tokugawa au XVIIe siècle. Pie IX verse des larmes d'émotion sur la résilience et la résistance de ce christianisme dans un pays longtemps fermé aux étrangers, après avoir tenté d’établir des relations directes avec l’empereur de Chine en 1860 par l’intermédiaire de Mgr Spelta. Léon XIII écrit au mikado et érige la hiérarchie catholique au Japon dans la foulée de la promulgation de la constitution Meiji (1889), érige la première délégation apostolique en Inde (Bangalore, 1884), et la hiérarchie catholique dans cette colonie britannique (1886). Pie X envoie l’évêque de Portland, Mgr William O’Connell, au Japon, comme représentant extraordinaire au lendemain de la victoire nippone sur les Russes à Tsushima, et autorise le retour des jésuites au Japon qui donneront naissance à l’université catholique Sophia. Il érige également la délégation apostolique de Sydney pour l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Indes néerlandaises (Indonésie) et l’ensemble du Pacifique (1914). Benoît XV envoie le premier délégué apostolique à Tokyo, le futur cardinal Pietro Fumasoni-Biondi qui a réalisé une visite apostolique des missions des Indes britanniques, signe la grande lettre apostolique sur les missions, Maximum illud du 30 novembre 1919, appelée la Charte contemporaine des missions avant le Concile Vatican II, après avoir nommé Mgr de Guébriant (MEP), visiteur apostolique en Chine et en Sibérie, et inspirée des rapports des pères missionnaires lazaristes Vincent Lebbe et Antoine Cotta sur les missions en Chine.

Pie XI érige la délégation apostolique à Pékin (1922) avec Mgr Celso Costantini, consacre les premiers évêques chinois et le premier évêque japonais dans la basilique Saint-Pierre en 1926 et en 1927, et permet la création de l’université catholique Fu-jen de Pékin. Ces consécrations s’inscrivent dans son pontificat missionnaire (Rerum ecclesiae, 1926) sous la figure de Thérèse de Lisieux proclamée patronne des missions, et non sans lien avec sa théologie du Christ-Roi (Quas Primas, 11 décembre 1925). Il érige aussi la délégation apostolique en Indochine (1925). Pie XII continuera ainsi en établissant des relations diplomatiques avec Tokyo et le régime nationaliste chinois (1942) et par la consécration de nouveaux ordinaire autochtones. En 1946, il crée le premier cardinal chinois Tian Gengxin, érige la hiérarchie catholique en Chine, et envoie un internonce apostolique à Nankin, Mgr Antonio Riberi (expulsé en septembre 1951 puis installé à Taipeh), publie également l’encyclique Ad Sinarum Gentem (7 octobre 1954), tandis que l’ancien ministre et diplomate chinois Lu Zhengxiang devenait le premier abbé mitré chinois. La délégation apostolique de Séoul est également érigée en 1949 (Mgr Patrick James Byrne, mort en novembre 1950 lors de marches forcées organisées par les troupes communistes). Bien sûr, le Saint-Siège s’implique largement dans l’action de médiation, d’information sur les prisonniers de guerre, et le volet humanitaire pendant la guerre du Pacifique, la guerre civile chinoise, les reconstructions, ou la guerre de Corée. Jean XXIII érige la hiérarchie catholique en Corée (1962).

On oublie aussi que la diplomatie de Paul VI eut une action importante au moment de la guerre du Vietnam, mobilisant tout l'appareil humanitaire de l’Église pendant la guerre et pour aider à la reconstruction, tout en proposant ses bons offices et médiations. Il crée le premier cardinal coréen en 1969 (KIM Su-hwan), fait un grand pèlerinage en Asie orientale, Océanie et Australie en 1970. Enfin, il poursuit l’érection de représentations pontificales en Asie, en particulier en Asie du Sud-Est, et réduit le représentant pontifical à Taiwan au rang de chargé d’affaires au moment où la République populaire de Chine récupère le siège de la Chine nationaliste au Conseil de sécurité des Nations unies. Et l’on n’évoquera pas ici l’engagement permanent de Jean-Paul II en direction de la Chine: durant les 26 ans et demi de son pontificat, le Pape s’est adressé au peuple chinois, à ses dirigeants, aux catholiques chinois et a fait référence à la Chine en général (y compris aux catholiques de Taiwan), au moins soixante fois, sans compter les deux voyages en Corée (congrès eucharistique en 1989 et canonisation des martyrs de Corée en 1984), aux Philippines, en Indonésie etc.  

L'Asie a toujours été, et la Chine singulièrement, un horizon historique, pour ne pas dire eschatologique, de la papauté. Je pense qu'il faut inscrire le Pape François dans cette continuité. En 2007, la lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois est aussi un texte crucial car il réexplique ce qu’est l'Église aux Chinois, l’histoire de l'ecclésiologie catholique, comment elle se positionne dans la société, etc. Il y a un vrai travail pédagogique pour essayer d'articuler ce qu'est l'Église et de l'insérer dans les structures chinoises et la culture chinoise. C’est toujours la stratégie d’inculturation qui trouve ses racines chez les jésuites de Matteo Ricci et promue au moins depuis Pie XI qui connaissait bien les écrits du père jésuite depuis ses fonctions à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan.

“L'Asie a toujours été, et la Chine singulièrement, un horizon historique, pour ne pas dire eschatologique, de la papauté.”

Pour le Pape François, un élément nouveau est la création très fréquente de nouveaux cardinaux sur des sièges qui jusqu'ici n'étaient pas cardinalices dans des pays qui n’étaient pas encore représentés au Sacré Collège. Par exemple, le cardinal Bo, archevêque de Rangoun, qui est président de la Fédération des conférences épiscopales d'Asie, et de même pour un certain nombre de sièges d'Asie du Sud-Est.

Ce n’est à mon avis pas forcément lié au potentiel de conversion de ces régions. On dit souvent que l'Asie est l'avenir de l'Église. Mais si vous regardez les dernières statistiques, on s'aperçoit qu'il y a une progression du nombre de catholiques, mais qui est proportionnelle à la croissance de la population générale. S'il y a un seul continent au monde où véritablement il y a actuellement une certaine dynamique, c'est l'Afrique. Et en Asie orientale, il y a un contraste entre les pays dits développés comme le Japon, Taïwan, la Corée du Sud, et les pays «émergents», comme c’est le cas en Asie du Sud-Est, par ailleurs dans des pays où le catholicisme est toujours minoritaire voire très minoritaire, en-dessous de 5% de la population totale.

Qu’a déjà apporté l'Asie au gouvernement de l'Église universelle dans sa composition ou son approche, assiste-t-on à une désoccidentalisation de la Curie?

Le Pape François, sur certains points, a repris une dynamique du pontificat de Paul VI, notamment l'élargissement et l'internationalisation du Sacré Collège, qui a en réalité débuté sous Pie XII qui crée le premier cardinal chinois et le premier cardinal en Inde (1953). Paul VI crée en 1967 le premier cardinal indonésien et en 1969 le premier cardinal coréen. Jean-Paul II a poursuivi le mouvement.

La nouveauté se situe plutôt au niveau de l’appareil diplomatique qui s’est progressivement et plus récemment internationalisé, en se désitalianisant pour s’occidentaliser de façon plus générale dans un premier temps –on peut suivre par exemple ces dernières décennies l’origine géographique des étudiants de l’Académie pontificale ecclésiastique– que du Collège des Cardinaux. Au consistoire du 18 février 2012, Benoît XVI avait déjà créé neuf cardinaux asiatiques dont quatre indiens. François a par ailleurs ouvert l'appareil curial aux personnalités asiatiques comme le cardinal Lazarus You Heung-sik, préfet du dicastère pour le Clergé par exemple. Une reconnaissance assez tardive dans l’histoire du Saint-Siège pour une Église coréenne longtemps ultra dynamique, ce qu’elle est moins aujourd’hui en termes de vocations locales mais davantage missionnaire, alors que le cardinal japonais Stephen Fumio Hamao devenait président du Conseil pontifical pour les migrants et des personnes en déplacement dès 1998, représentant une Église japonaise qui ne répondit jamais aux espoirs et aux investissements pontificaux et missionnaires. En 2010, Benoît XVI avait nommé le père Savio Hon Tai-Fai (Salésien), secrétaire de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, après avoir placé le cardinal indien Ivan Diaz à la tête du dicastère. Actuellement, le cardinal philippin, Luis Antonio Tagle est pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation, section pour la première évangélisation et nouvelles églises particulières.

Quel fil rouge donneriez-vous à ce 45e voyage apostolique en Asie-Océanie?

L'idée est à mon avis d’essayer, dans le premier pays musulman du monde qu’est l’Indonésie, de positionner l'Église comme une instance de dialogue, de participation à la formation et au développement, tout en défendant la liberté et le pluralisme religieux sans contribuer aux conflits et à la division intérieure. C’est un message constant depuis des décennies, pour la Chine et pour d’autres pays, s’appuyant sur l’expérience des premiers chrétiens de Rome: être toujours de bon citoyens, et ne pas «faire de politique». Historiquement parlant, il y a peu de catholiques en Indonésie comme souvent en Asie, environ 3%, mais le Saint-Siège a érigé une délégation apostolique dès 1947 en pleine guerre d’indépendance, et deux Papes s’y sont rendus, Paul VI et Jean-Paul II.

Le statut de la minorité chrétienne, en particulier catholique, dans ce pays où les choses semblent se desserrer est intéressant à suivre. Les autorités ont récemment assoupli la liberté de construire des lieux de culte.

L’Indonésie a aussi une place non négligeable en tant qu'Église dans la Fédération des épiscopats de l'Asie (FABC) créée en 1970 à Manille lors du voyage de Paul VI. Depuis 1970, les présidents de cette fédération ont tous été Philippins, Indonésiens ou Indiens, une seule fois Coréen. C'est une fédération dominée par l'Asie du Sud-Est, elle-même issue des pays émergents, hormis Singapour. Ce voyage est marqué par une géopolitique certaine de l’Asean, et des recompositions économiques et géostratégiques en lien avec les tensions sino-américaines.

Singapour est un concurrent de l'Indonésie, mais aussi de la Malaisie, jaloux de sa réussite économique et même stratégique, dans lequel existe un modèle de pluralisme religieux voulu, soutenu et promis par le régime depuis son indépendance en 1965 au départ sous l’autorité du Premier ministre Lee Kuan Yew. Plaque tournante d’échanges économiques et financiers, de forums et sommets internationaux, et à ce titre promouvant une diplomatie d’équilibre et de stabilité régionale et globale, c'est aussi une base arrière pour un certain nombre d'observateurs de la Chine et de ce qui se passe en Asie du Sud-Est. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, outre l’enjeu d’inculturation, les autorités veulent inscrire le christianisme dans la Constitution, dans un pays aux 826 langues mais très majoritairement chrétien: 64% de protestants, 26% de catholiques, avec une nonciature depuis 1977.   

Les autorités du Timor, marquées par la venue de Jean-Paul II en 1989 qui a permis de révéler à l’opinion publique mondiale le sort désastreux de cette ancienne colonie portugaise au sein de de la fédération indonésienne, considèrent l’Église comme un facteur de développement et d’unité dans un petit pays très balkanisé. L'Église a joué un rôle important pour aider l'ONU à construire difficilement un État indépendant. L’indépendance et la construction du Timor sont aussi le fruit d'une action de l'église de Jean-Paul II. Au lendemain de la proclamation de son indépendance, le Saint-Siège a érigé une nonciature dans la capitale, Dili (2003).

Ce voyage permet donc d’approfondir le dialogue avec les pays de l’Asie-Pacifique, et montre, encore une fois, qu’elle est le grand laboratoire des défis de l’Église et de ses évolutions, y compris sur le plan théologique et ecclésiologique. L’Asie-Pacifique, cœur de l’économie mondiale, n’est plus seulement un horizon ni une périphérie pour une Église implantée depuis plus de cinq cents ans. Son action et son influence y croise, peu ou prou, aussi bien les défis du développement que ceux de la démocratie et de la paix, au croisement des enjeux de puissance (États-Unis, Chine, Inde, Japon, Russie). Dès lors, l’Église peut bien accepter pour relever les défis de l’évangélisation du «centre du monde», «le martyre de la patience» qu’évoquait le cardinal Casaroli à propos de l’Ostpolitik vaticane en direction du monde communiste européen. Il n’est pas si douteux que l’Église n’y trouve dès demain son salut pour les siècles à venir.

01 septembre 2024