Avant François, les épopées de Paul VI et Jean-Paul II en Asie-Pacifique
Delphine Allaire – Cité du Vatican
«En tant que Pape, nous voyageons, non pas en tant qu'excursionniste particulier, ni en tant que protagoniste de fêtes et de cérémonies, mais en tant qu'évêque et chef du Collège des évêques, en tant que pasteur et missionnaire, en tant que pêcheur d'hommes, c'est-à-dire à la recherche des peuples et des personnes de notre planète et de notre temps». Ainsi Paul VI présentait son imminent voyage apostolique en Extrême-Orient, lors de l’audience générale du 25 novembre 1970.
Paul VI en Indonésie: «le chrétien, un bon citoyen»
Premier Pape à quitter les frontières européennes, inaugurant la tradition fortement pratiquée par Jean-Paul II, des voyages pontificaux, Paul VI accomplit pour son neuvième déplacement un long pèlerinage en Asie orientale et en Océanie. Âgé de 73 ans, il entreprend un périple de dix jours sur 50 000 kilomètres, qui commence à Téhéran et s'achève à Colombo, via Manille et Sydney. Après l’Australie, Paul VI séjourne donc seize heures à Jakarta, la capitale indonésienne, les 3 et 4 décembre 1970, où il est accueilli par le président Suharto. Le pays musulman accueille pour la première fois de son histoire un Successeur de Pierre. La mosquée Istiqlal de Jakarta n'est pas encore construite, seule s'élève la cathédrale de l’Assomption que visite le Pape Montini, avant de célébrer une messe au stade de la capitale où il martèle: «Le chrétien n'est pas étranger à son propre peuple. Il partage avec eux toutes leurs coutumes honorables. En bon citoyen, il doit aimer sa terre natale». Tout au long de ce voyage, Paul VI a souligné combien le christianisme n'est pas une foi occidentale, mais universelle. Ce sera son dernier voyage apostolique. Le lien du Pape lombard avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée se sera, lui, tissé juste avant de décoller pour l’Indonésie. C’est en effet dans la cathédrale de Sydney, le 3 décembre que Paul VI ordonnera le premier évêque local de Papouasie, Mgr Louis Vangeke, de la congrégation des Missionnaires du Sacré-Coeur de Jésus (MSC).
Les florissantes vocations papoues
La Papouasie-Nouvelle-Guinée est, elle, visitée la toute première fois de l’histoire par un Souverain pontife, il y a 40 ans, en 1984. Encore archevêque de Cracovie, Jean-Paul II s’était déjà rendu en 1977 dans la jeune nation fraîchement indépendante et se rappelle: «Je me souviens très bien de la beauté du paysage et de la chaleur de votre hospitalité. Je me souviens aussi de la riche diversité de vos citoyens, du fait que vous êtes composés de nombreuses tribus différentes, chacune avec sa propre histoire et ses propres traditions», déclare-t-il à son arrivée à Port Moresby, prononçant quelques phrases en motu et en pidgin, deux dialectes les plus répandus du pays mélanésien.
Cette étape papoue est incluse au programme de dix jours de voyage en Corée du Sud, en Papouasie-Nouvelle Guinée, aux Îles Salomon et en Thaïlande. Jean-Paul II à 63 ans, fait parcourir 38 000 kilomètres à la suite papale. Après Séoul et son escale diplomatique en Alaska avec le président Reagan, mais avant les Îles Salomon, le Pape de Cracovie célèbre une messe pour les vocations à Port Moresby en fête: «Je prie avec ferveur pour que l'Église de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui continue à grandir et à mûrir, connaisse une grande floraison de vocations à la prêtrise et à la vie religieuse», assure-t-il, le 7 mai 1984. Jean-Paul II se rendra également dans les terres perchées de l’ouest du pays, à Mount Hagen, où il célèbre une messe pour l’évangélisation, permettant aux habitants coupés du monde, et ne pouvant gagner la capitale, de recevoir son message. Le Pape polonais a tout au long de ses interventions salué le courage et la foi des premiers missionnaires, souvent martyrs. Comme le catéchiste papou Peter To Rot, «modèle d’inculturation» qu’il béatifie lors de son retour deux jours dans le pays en 1995, à l’âge de 74 ans.
«Vous pouvez être fiers de votre frère mélanésien; il a apporté distinction et honneur à votre peuple. Peter To Rot est un exemple exceptionnel de père de famille, de chef d'Église et de personne prête à donner sa vie pour Dieu et son prochain», déclarait Jean-Paul II, le 17 janvier 1995, au stade John Guise de Port Moresby, où le Pape François présidera aussi une messe le 8 septembre prochain. Autre lieu commun aux deux visites, le sanctuaire de Sainte Marie Auxiliatrice des Chrétiens à Port Moresby, où Jean-Paul II, comme François s’apprête à le faire le 7 septembre, a rencontré le clergé, les religieux et laïcs locaux.
La fragile paix politique
Retour au cœur des années 1980 à l’ère de la nouvelle détente, an I de Mikhail Gorbatchev en 1986, Jean-Paul II, 66 ans, passe quelques heures à Singapour dans le cadre d’une méga tournée de deux semaines au Bangladesh, Fidji, Nouvelle-Zélande, Australie et Seychelles. La métropole asiatique, déjà creuset des cultures et religions, n’accueillera le Pape globe-trotter que sept heures ce 20 novembre, trois semaines après la grande rencontre interreligieuse d’Assise. Jean-Paul II y célèbre une messe dans le stade de la ville devant 80 000 fidèles, et délivre un message contre le contrôle des naissances.
Trois ans et huit voyages apostoliques plus tard, l’évêque de Rome a 69 ans, le calendrier mondial s’accélère, il s’envole pour l’Extrême-Orient, le mur de Berlin chute un mois plus tard. Jean-Paul II passe son 9 octobre 1989 à Jakarta. Cinq jours en Indonésie l’emmènent sur la très catholique Florès, et jusqu’à Dili, aujourd’hui capitale du Timor oriental, alors encore province indonésienne.
«Aime ton ennemi et prie pour ton persécuteur, a dit le Seigneur», exhorte le Pape dans l’ancienne colonie portugaise soumise à la répression indonésienne. Des autorités centrales engagées par Jean-Paul II à «respecter les droits fondamentaux». La visite se voulait pastorale et non politique mais a bien orienté l’attention de la communauté internationale sur les souffrances timoraises. Le Souverain pontife a été le seul chef d’État à se rendre au Timor durant l’occupation. Des efforts rendus et salués à la liberté retrouvée en 2002. Dans une lettre célébrant l’indépendance vaillamment acquise, le Pape philosophe confirmait aux Timorais toute la valeur de l’un de ses plus intimes combats: «La liberté doit toujours être défendue et préservée, que ce soit de ce qui pourrait l'emprisonner, ou de contrefaçons qui pourraient en dénaturer l'authenticité».
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