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À Port Moresby, l’ode du Pape à la concorde et l’harmonie entre ethnies

Si loin de Rome, mais si proche du cœur de l’Église catholique. C’est un triptyque composé de variété, d’harmonie et de fraternité que le Pape a proposé lors de son premier discours en Papouasie, devant un parterre de 300 autorités à l’APEC Haus de Port Moresby, samedi 7 septembre. Dans la capitale du pays des oiseaux de paradis, l'évêque de Rome a aussi loué l'âme joyeuse et libre du pays, contrastant avec le repli des sociétés opulentes.

Delphine Allaire – À Port Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée

Après des danses traditionnelles et le don d'un Lakatoi, voilier typique de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Pape argentin a écouté le discours du gouverneur général, Bob Dadae. Le représentant du roi Charles III, dans la monarchie constitutionnelle papoue, membre du Commonwealth, a reconnu la grande contribution de l'Église catholique au développement croissant du pays en 179 ans de présence seulement, et salué la diplomatie vaticane sur les questions humanitaires universelles. 

Entre les murs translucides de l'APEC Haus, structure contemporaine servant aux sommets diplomatiques de la Coopération économique de l'Asie-Pacifique, plusieurs chefs d'États du Pacifique insulaire ont aussi écouté le Pape. Les Premiers ministres des îles Tonga, du Vanuatu, ou encore le secrétaire général du Forum des îles du Pacifique (FIP) étaient ainsi présents pour ce premier discours de François dans les confins océaniens. 

L’harmonie des différences

Devant le gouverneur général, le Premier ministre James Marape, le corps diplomatique de PNG et 300 représentants de la société civile, dans ce navire de verre en bord de mer, le Successeur de Pierre a d’emblée fait l'éloge des richesses infinies de Papouasie. Culturelles d’abord: plus de 800 langues, autant d’îles que d’idiomes, caractéristique typiquement océanienne où la nature vaste relie les hommes plutôt que ne les sépare, loin des conceptions dualistes. Sur le plan spirituel, François imagine que cette énorme variété est «un défi pour l’Esprit Saint qui crée l’harmonie à partir des différences».

 

Répartir les revenus issus de l'exploitation des biens

Une richesse d’îles et d’idiomes, mais aussi de ressources terrestres et maritimes que le Souverain pontife argentin aimerait voir porter paix et prospérité aux habitants de cette île du Pacifique située au cœur du Triangle de Corail. «Ces biens sont destinés par Dieu à la collectivité entière et, même si leur exploitation nécessite l’intervention de compétences plus vastes et de grandes entreprises internationales, il est juste que les besoins des populations locales soient dûment pris en compte dans la répartition des revenus et dans l’emploi de la main-d’œuvre, afin de produire une amélioration effective de leurs conditions de vie», a déclaré le Souverain pontife, pendant à cet eldorado naturel abritant près de 5% de la biodiversité mondiale, exploité par des entreprises étrangères. Ainsi la forêt de Papouasie est détenue à plus de 12% par des compagnies étrangères.

Cette richesse environnementale et culturelle représente en même temps une grande responsabilité, a donc estimé François, car elle engage tout le monde, gouvernants comme citoyens, «grâce à des programmes concrètement réalisables et à la coopération internationale, dans un respect mutuel et avec des accords avantageux pour toutes les parties».

L'appel à la fin des violences tribales

François a aussi évoqué le défi de la pacification de la société papoue, toujours en proie à des affrontements localisés. Une Condition sine qua non selon l’évêque de Rome est la stabilité des institutions, favorisée par la concorde sur certains points essentiels entre les différentes conceptions et sensibilités présentes dans la société. 

«Tout cela nécessite également une vision à long terme et un climat de coopération entre tous, y compris dans la distinction des rôles et les divergences d’opinion», a encore plaidé le Pape, souhaitant que cessent les violences tribales. «Elles ne permettent pas de vivre en paix et entravent le développement», a martelé François, en appelant au sens de responsabilité de chacun «pour arrêter la spirale de la violence et s’engager résolument sur la voie qui conduit à une coopération fructueuse, au bénéfice de l’ensemble des habitants du pays.»

Consolider la concorde civile

Dans le climat créé par ces attitudes, le «status» de l’île de Bougainville, en voie d’indépendance, pourrait également trouver un règlement définitif, évitant ainsi la résurgence d’anciennes tensions, a souhaité François. Le processus qui doit y aboutir est toujours en cours en 2024 et devrait trouver une issue en 2027. Enfin, à tous ceux qui se déclarent chrétiens en PNG, François souhaite ardemment que «la foi ne se réduise jamais à l’observance de rituels ou de préceptes». Dans ce pays majoritairement protestant, le Premier ministre adventiste du septième jour souhaite en effet inscrire le christianisme dans la Constitution, où figurent déjà les valeurs chrétiennes. Une initiative qui n’a pas le soutien de l’Église catholique locale.

En consolidant la concorde sur les fondements de la société civile, et avec la disponibilité de chaque individu à sacrifier quelque chose de sa propre position pour le bien de tous, on pourra mettre en œuvre les forces nécessaires pour améliorer les infrastructures, répondre aux besoins de la population en matière de santé et d’éducation, et augmenter les possibilités de travail décent, a poursuivi François, qui s’est ensuite arrêté sur des considérations plus célestes.

L'âme suffoque dans l'abondance matérielle

«L’être humain a aussi besoin, au-delà du nécessaire pour vivre, d’une grande espérance dans le cœur, qui le fasse bien vivre, lui donne le goût et le courage de se lancer dans des projets de grande envergure et lui permet de lever son regard vers le haut et vers de vastes horizons.» Comme lors de nombreux discours devant les autorités des pays qu'il visite, le Pape a insisté sur la nécessité de réinsuffler une âme au pays.

En effet, le Pape a rappelé combien l’abondance des biens matériels, «sans cette respiration de l’âme, ne suffit pas à donner vie à une société dynamique et sereine, laborieuse et joyeuse»; «au contraire, elle la fait se replier sur elle-même». François a ainsi conforté les sociétés traditionnelles du pays par rapport à l’opulence vide et désorientée que produit parfois la modernité dans d'autres parties du globe.

C’est pourquoi, estime l’évêque de Rome, il convient d’orienter notre esprit vers des réalités plus grandes, lançant un appel contre la corruption, l’une des plaies du pays: «Il faut que les comportements soient soutenus par une force intérieure qui les protègent du risque de la corruption et de perdre en cours de route la capacité à reconnaître le sens de son travail et à l’accomplir avec dévouement et constance.»

Demeurer un peuple qui prie

Cela se reflète également dans le logo et la devise de sa visite en Papouasie-Nouvelle-Guinée. «Pray», «Prier». «Certains, trop attentifs au “politiquement correct”, pourraient être surpris par ce choix; mais en réalité, ils se trompent, car un peuple qui prie possède un avenir, en puisant sa force et son espoir d’en haut», a-t-il observé, concluant, inspiré par l’emblème national de l’oiseau de paradis, symbole de liberté: «que rien ni personne ne peut étouffer parce qu’elle est intérieure et qu’elle est gardée par Dieu», invoquant saint Michel Archange, patron de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. 

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07 septembre 2024, 03:27