Le Pape en visite à Assise, pour la Journée mondiale de prière pour la paix du 20 septembre 2016. Le Pape en visite à Assise, pour la Journée mondiale de prière pour la paix du 20 septembre 2016. 

Pape François: le courage du dialogue pour vaincre la haine et la guerre

Le Pape François préface le nouveau livre d'Andrea Riccardi «Les Paroles de la paix» (éditions EDB), qui recueille les discours prononcés par le fondateur de Sant'Egidio à l'occasion des rendez-vous annuels organisés par la communauté à la suite de la grande rencontre interreligieuse pour la paix d'Assise voulue en 1986 par Jean-Paul II. Publié de manière anticipée par le journal italien Avvenire, Vatican News vous propose une traduction non officielle de ce texte introductif du Pape.

Pape François

Ce livre, «Les Paroles de paix», témoigne du long chemin parcouru depuis la Rencontre interreligieuse pour la paix d'Assise de 1986, voulue par saint Jean-Paul II, jusqu'à aujourd'hui. À travers le recueil des textes d'Andrea Riccardi, prononcés dans le cadre de ces Rencontres annuelles, on ressent les problèmes du moment, les menaces de guerre et les attentes de paix. Les énergies et les espoirs suscités par le dialogue entre les religions et entre les croyants apparaissent également. Ce sont ces sentiments qui nous aident toujours à ne pas désespérer que la paix soit possible.

L'intuition du Pape Jean-Paul II, qui a convoqué les religions à Assise pour prier côte à côte et non plus l'une contre l'autre, était audacieuse. Il y avait encore la guerre froide et les temps semblaient menaçants. Les religions pouvaient, d'une part, représenter des ressources pour la paix et, d'autre part, alimenter ou sacraliser les conflits.

L'événement d'Assise a étonné le monde par sa nouveauté. Ceux qui ont vécu ce 27 octobre à Assise savent qu'il a été perçu, même de loin, comme un événement historique par la population. Cependant, les controverses n'ont pas manqué, comme c'est souvent le cas pour les événements historiques. Le problème était de savoir comment poursuivre ce chemin après le grand événement d'Assise. Jean-Paul II avait déclaré à la fin de la rencontre: «Il n'y a pas de paix sans une volonté indomptable de parvenir à la paix. La paix attend ses prophètes» (Jean-Paul II, Assise, 27 octobre 1986).

Assise «ne pouvait pas et ne devait pas rester un événement isolé», comme je l'ai dit moi-même en recevant les chefs religieux à Rome à la fin de la Rencontre internationale pour la paix, le 30 septembre 2013: «Vous avez poursuivi ce chemin et vous l'avez accéléré, en impliquant dans le dialogue des personnalités significatives de toutes les religions et des représentants laïcs et humanistes. En ces mois, nous sentons que le monde a besoin de l'esprit qui a animé cette rencontre historique. Pourquoi? Parce qu'il a tant besoin de paix. Non! Nous ne pouvons pas nous résigner à la douleur de peuples entiers, otages de la guerre, de la misère, de l'exploitation. Le chemin d'Assise, dans les années qui ont suivi 1986, a été un acte de confiance dans la prière et le dialogue pour la paix».

Ce chemin a rassemblé différentes personnalités d'un point de vue religieux; il a fait des pèlerinages dans différents endroits du monde. D'abord deux fois à Rome, dans le Trastevere, puis à Varsovie en 1989, lorsque le mur était sur le point de tomber, ou à Bucarest. En 1998, il a ouvert la voie au premier voyage apostolique d'un Pape, Jean-Paul II, dans un pays orthodoxe. L'«esprit d'Assise», dans la pratique du dialogue et de l'amitié, a formé des hommes et des femmes de paix issus de religions différentes, éloignées ou hostiles depuis des siècles.

Le chemin suivi chaque année «suggère la voie: le courage du dialogue»: les chefs religieux sont appelés à être de véritables «dialogueurs», à agir dans la construction de la paix non pas comme des intermédiaires, mais comme d'authentiques médiateurs. Chacun de nous est appelé à être un artisan de la paix, à unir et non à diviser, à éteindre la haine et non à la préserver, à ouvrir les voies du dialogue et non à ériger de nouveaux murs!

Dialoguer, se rencontrer pour établir dans le monde la culture du dialogue, la culture de la rencontre. Sur ce chemin, les mondes religieux se sont rapprochés. S'il existe encore des zones et des situations de fondamentalisme préoccupantes, au XXIe siècle, un changement profond s'est produit dans les relations entre les croyants des différentes religions, qui ont commencé à considérer le dialogue comme un élément décisif.

Je pense notamment au Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, que j'ai signé avec le Grand Imam d'Al Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, en 2019. Cependant, il est nécessaire de renforcer le dialogue aujourd'hui. C'est précisément en ce moment, avec tant de conflits ouverts et de menaces de guerre, que nous réalisons que «le monde étouffe sans dialogue» (Pape François, 15 juin 2014).

Un dialogue ouvert, franc et constant est nécessaire. Les religions savent que «le dialogue et la prière grandissent ou périssent ensembleLa relation de l'homme avec Dieu est l'école et la nourriture du dialogue avec les hommes » (Pape François, 30 septembre 2013). C'est pourquoi, dans le parcours entrepris dans l'esprit d'Assise, sous l'impulsion de la Communauté Sant'Egidio, la prière a toujours été une dimension centrale. En effet, nous croyons au pouvoir humble et doux de la prière.

Après 1989, le monde s'est mondialisé, s'unifiant dans de nombreux domaines, tels que la finance, le commerce et les communications. Cependant, il est resté profondément divisé. Cette division s'est nourrie d'un esprit de suspicion qui a fait que les dispositifs militaires ont non seulement été préservés, mais qu'ils se sont multipliés. C'est l'idolâtrie de la force armée: depuis le développement des armes nucléaires, chimiques et biologiques, et les possibilités énormes et croissantes offertes par les nouvelles technologies, la guerre a été dotée d'un pouvoir destructeur incontrôlable. En vérité, jamais l'humanité n'a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu'elle l'utilisera à bon escient (Fratelli Tutti). Andrea Riccardi écrit à juste titre dans ces pages: «Nous sommes à une époque où trop de gens peuvent faire la guerre, en disposant d'armements terribles».

Mais, même si nous sommes inquiets, nous ne sommes pas paralysés par la peur. Nous ne nous résignons pas à la domination de la force et de l'arrogance. Nous ne renonçons pas au dialogue, en laissant l'esprit de haine et de guerre envahir les mondes religieux et les âmes des croyants. Nous ne revenons pas sur le chemin œcuménique et interreligieux parcouru depuis tant d'années, comme le voudrait l'esprit de division et de malheur! «Les religions ne peuvent être utilisées pour la guerre. Seule la paix est sainte et que personne n'utilise le nom de Dieu pour bénir la terreur et la violence», ai-je dit en participant à l'une de ces rencontres (Pape François, Rome 25 octobre 2022).

C'est une conscience acquise sur le chemin du dialogue, de l'amitié et de la prière: la paix est sainte et le nom de Dieu ne peut être utilisé pour combattre ou terroriser! Cette conscience est répandue et enracinée dans le peuple des simples croyants qui veulent la paix. Leurs prières et celles de ceux qui souffrent de la guerre soutiennent le dialogue.

Ainsi, formés par l'amitié de tant d'années, les croyants et, en particulier, les responsables religieux et les dirigeants, forment «un réseau de paix qui protège le monde et surtout les plus faibles» (Pape François, 30 septembre 2013). Ce livre suit les moments constructifs de ce réseau. C'est pourquoi je répète ce que j'ai dit, en participant à l'une des Rencontres dans l'esprit d'Assise, promues par Sant'Egidio, devant le Colisée: «Si vous voyez des guerres autour de nous, ne vous résignez pas! Les peuples veulent la paix».

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04 octobre 2024, 16:15