La piété populaire, aller-retour entre l’amour de Dieu et l'amour des autres
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Depuis le XVIe siècle, chaque année lors de la Semaine Sainte, des processions traversent la ville de Séville. Pendant une semaine, 50 000 catholiques de la ville appartenant à 71 confréries se pressent dans la rue pour accompagner les pasos, les images religieuses, jusqu’à la cathédrale.
C’est autour de cette tradition séculaire qu’une rencontre de 5 jours, du 4 au 8 décembre, a été organisée dans la ville espagnole récemment marquée par des inondations meurtrières. Plusieurs préfets de dicastères de la Curie sont présents à cette deuxième édition du Congrès international des confréries, dont le cardinal Kevin Farrell (dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie), le cardinal Marcello Semeraro (dicastère pour les Causes des saints) ou encore le cardinal José Tolentino de Mendonça (dicastère pour la Culture et l’Éducation). La première rencontre de ce type avait eu lieu en 1999, toujours à Séville.
Séville, berceau de saints
Dans un message publié le mercredi 4 décembre, François a voulu s’associer à la réflexion des 1800 congressistes attendus, se réjouissant de cet événement à Séville, «berceau de saints et d'un peuple qui vit avec ferveur les expressions de sa foi au point de les rendre consubstantielles à son tissu social».
Le Saint-Père propose un triptyque de demandes à Dieu, à chacune des personnes de la Trinité: «au Père l'efficacité évangélisatrice de nos efforts, au Fils la beauté de notre témoignage de vie et à l'Esprit Saint un cœur plein de charité cachée».
Aller-retour entre le Christ et le peuple
François s’est ensuite appuyé sur un texte de saint Manuel Gonzalez, qui propose comme définition du pèlerinage terrestre «un voyage aller-retour qui, à l'aller, commence dans le Christ et se termine dans le peuple, et qui, au retour, commence dans le peuple et se termine dans le Christ».
Pour lui, l’expérience de la procession, apprise dès le plus petit âge et partagée au sein des confréries est le signe visible que «nous sommes un Peuple en marche vers Dieu». Le Saint-Père insiste sur les multiples rôles dans une procession, des plus petits portant les corbeilles d’encens ou l’eau, aux porteurs des images saintes. «La beauté de cette diversité est aussi une école, c'est un chemin», assure François, à l’image de saint Manuel Gonzalez.
En effet, né à Séville en 1877, il fit partie d’un des groupes d’enfants qui chantent, dansent et jouent des castagnettes lors des processions, et notamment devant le Saint-Sacrement, les seise. Il «a consacré toute sa vie d'évêque et de saint à le servir», souligne le Pape, qui a canonisé en 2016 celui qui fut évêque de Malaga puis de Palencia.
Une union parfaite, source de beauté
Cette diversité des fonctions se fonde dans «une union parfaite», qui participe à la beauté. Mais, souligne le Saint-Père, «c'est surtout la beauté du Christ qui nous convoque, nous appelle à être frères et sœurs et nous pousse à porter le Christ dans les rues, à l'amener aux gens, pour que tous puissent contempler sa beauté». Tous les participants aux processions communient ainsi à «la même ferveur, le même amour, les notes d'une même partition qui ne tracent qu'ensemble un chant de louange».
François évoque aussi les larmes qui coulent des yeux des fidèles, fusionnant leur âme avec celle du Christ, saint Manuel Gonzalez parlant de «fous» qui organisent ces moments de dévotion populaire. Mais «des fous d'amour pour Dieu, tant ils cherchent à toucher le cœur de leur peuple pour l'amener à Dieu». Et le peuple, qui assiste à cette procession, ne peut être indifférent, car pour saint Manuel Gonzalez, «le peuple [...] a faim de vérité, d'affection, de bien-être, de justice, de ciel et peut-être, sans s'en rendre compte, de Dieu».
Le Pape explique d’ailleurs que le point d’arrivée des processions, qui partent des différents églises de la ville, est le tabernacle de la cathédrale de Séville, «où le Seigneur nous attend, devant lequel nous présentons ces cœurs, afin que Dieu le Père fasse croître la semence que nous avons essayé de semer». «Ce Pain vivant est le seul qui puisse satisfaire la faim de notre société», insiste-t-il.
Porter le Christ et les autres
«Comme peuple en chemin», chaque personne dans une procession «nous sentons que nous sommes le champ de Dieu, la semence du royaume». Chacun peut alors implorer le Christ «de le rejoindre dans la procession et la vie» pour «continuer à porter le Christ, à le faire sortir dans les rues pour qu'il entre dans tous les cœurs».
Enfin, François donne sa définition de la piété populaire. Pour lui, il ne s’agit pas «de dévotion, de liturgie publique ou de prière contemplative», mais bien «du travail social de l'Église, de l'engagement des laïcs dans la transformation du monde, de la nécessité de rapprocher la tendresse de Dieu des personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur âme».
Pour le Saint-Père, c’est le même amour qui est exprimé, qu’il s’agisse de «“porter“ le Christ dans la procession, porter la croix que le Seigneur nous propose chaque jour ou porter sur nos épaules le frère que nous rencontrons prostré sur la route». Il résume alors: «C'est cet amour que nous prenons du Christ et que nous apportons au peuple, mais aussi que nous apportons au Christ avec ce peuple, dans un aller-retour continu qui constitue notre existence terrestre».
La piété populaire sera également au cœur de la visite pastorale du Pape François à Ajaccio en France le 15 décembre prochain.
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