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Photo d'illustration. Photo d'illustration.   (AFP or licensors)

Violences aux États-Unis: «Notre corps politique est chroniquement malade»

L’intensité et la violence de la vie politique américaine de ces deux dernières semaines témoignent du besoin de dialogue et d’apaisement du pays selon le président de la Conférence jésuite du Canada et des États-Unis. Au micro de Radio Vatican-Vatican News, le père Brian Paulson décrypte l'intensification de la polarisation politique ces dix dernières années, et appelle l’Église à jouer un rôle dans le rétablissement du dialogue et la réconciliation nationale.

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

La tentative d’assassinat à l’encontre de l’ancien président Donald Trump, suivie du désistement surprise de Joe Biden à la course à la présidentielle de novembre, a ouvert une phrase d’incertitude dans ce pays déjà fortement polarisé. Si l’attaque du 13 juillet a été condamnée par les élus démocrates et républicains ainsi que par l’ensemble des dirigeants mondiaux, le recours à la violence semble gagner du terrain aux États-Unis. Avant que le président américain n’appelle à «faire baisser la température» de la vie politique, la conférence épiscopale américaine (USCCB) mettait déjà en garde dans un communiqué publié en juin dernier contre toutes formes de comportement violent «considéré par beaucoup comme un moyen acceptable de mener à bien des différends politiques ou idéologiques».

Selon le père Brian Paulson, président de la Conférence jésuite du Canada et des États-Unis depuis 2021, les événements des dernières semaines invitent les Américains à un «examen de conscience», notamment face aux recours à la rhétorique agressive et à la diabolisation du camp politique adverse. Dans un entretien en français accordé à Radio Vatican-Vatican News, le jésuite originaire de Chicago revient sur la polarisation politique des dix dernières années et appelle l’Église à jouer un rôle dans le rétablissement du dialogue et la réconciliation nationale.  

En l’espace de deux semaines, la politique américaine a été complètement chamboulée, autant par la tentative d’assassinat à l’encontre de Donald Trump que par le récent désistement de Joe Biden. Que disent la rapidité et l’intensité de ces derniers événements des États-Unis d'aujourd’hui?

Il y a un fort consensus sur le fait que la polarisation, la rhétorique de plus en plus vicieuse et la diabolisation des ennemis politiques, ont tous contribué au danger de ce moment dans la vie des États-Unis. Ce terrible événement a de nombreuses raisons d'inciter les hommes politiques et tous les Américains à faire un examen de conscience sur la manière dont nous parlons de nos adversaires politiques.

Il ne suffit pas de modérer les critiques partisanes et de multiplier les appels à l'unité ou de «faire baisser la température» de notre politique, comme si la vie politique américaine était fondamentalement saine, à l'exception de cette fièvre passagère. En tant que corps politique, nous sommes chroniquement malades et nous avons besoin d'un traitement qui doit aller au-delà de ce cycle électoral. Nous avons besoin d'une classe politique vraiment au service du bien commun, comme l'a demandé le Pape dans son encyclique sur l'amitié sociale Fratelli tutti.

Vous dites que les États-Unis sont chroniquement malades. Comment soigner cette maladie selon vous?

Ces dernières années, trop d'Américains n’ont eu des relations quotidiennes qu'avec des personnes qui pensent comme eux. Je crois que le chemin de la guérison de notre corps politique doit inclure le développement de notre capacité à écouter les personnes avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord, sans pour autant devenir désagréable et se disputer. À vrai dire, en raison de la polarisation accrue de ces dix dernières années, la plupart des Américains évitent de parler de politique en «compagnie mixte».

Si cela nous aide à maintenir la paix, cela ne nous aide pas à nous comprendre les uns les autres et à rechercher la vérité ensemble. À mon avis, aucun parti politique n'a le monopole de la vérité du bien commun et de la justice sociale. Si nous devions les juger à la lumière de l'enseignement social de l'Église, les deux partis ne seraient pas à la hauteur des exigences de l'Évangile et de notre foi. Il nous faut faire preuve d’une plus grande humilité.

Quel peut être alors le rôle de l'Église dans la mise en place de ce dialogue?

Je crois qu'il nous faut dans chaque paroisse, dans chaque collège, dans chaque université, créer des espaces pour offrir des occasions de discuter des exigences du bien commun et de la politique afin d’essayer de se comprendre les uns les autres, surtout ceux qui des avis différents.

Où doit se situer un électeur catholique dans le paysage politique américain actuel?

La moitié des catholiques américains votent à gauche, l'autre moitié des catholiques votent à droite. C’est le cas depuis longtemps, nous avons des catholiques aux deux côtés. Au mieux, on trouve un terrain en commun parlant du bien commun. Il y a des politiciens catholiques qui s'intéressent beaucoup aux questions de vie contre l'avortement et il y a d'autres politiciens qui s'intéressent beaucoup aux questions de sécurité sociale, des soucis des pauvres et des vulnérables. Les deux contribuent au bien commun.

Plus d'informations à retrouver sur le site de la revue jésuite américaine

25 juillet 2024