Conflit en RDC: l'Église espère une trêve définitive à l'Est
Myriam Sandouno – Cité du Vatican
Depuis plus de 30 ans, l’Est de la République démocratique du Congo est meurtri par une guerre sans fin qui tourne en boucle selon certains observateurs. Environ dix millions de personnes ont perdu la vie, et 500 000 femmes ont été violées, notamment dans cette guerre qui oppose l’armée congolaise à la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda. Selon les Nations unies le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la RDC pourrait s’élever à 6,9 millions. Face à «ce conflit oublié», une demi-douzaine de cessez-le-feu et de trêves ont déjà été décrétés, mais jamais respectés.
La trêve observée
Le 4 août 2024, un cessez-le-feu signé quelques jours plus tôt, le 30 juillet, entre Kinshasa et Kigali est entré en vigueur dans l’est du pays. La diplomatie congolaise note qu’il est «largement observé». Kinshasa, qui depuis le début de la crise refusait toute négociation avec le M23, espère que cet accord «va créer les conditions propices afin de s’attaquer sur des questions de fonds».
Toutefois, au premier jour du cessez-le-feu annoncé par Luanda chargé d’assurer la médiation au nom de l’Union africaine, le groupe rebelle s’est emparé d’Ishasha à la frontière avec l’Ouganda.
Un départ définitif du M23 souhaité
À Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu encerclée par le M23, l’annonce de la trêve n’enchante pas totalement les populations exténuées de réfugiés. Ayant fuient le M23, elles réclament un départ définitif des rebelles de leur terre. D’autres Congolais ,de leur côté, pensent qu’il faille donner une chance à la médiation.
Une guerre oubliée
Dans un communiqué rendu public le 7 août, l’Église catholique du Congo avait invité les deux parties signataires «au respect de cet accord», exhortant les partenaires internationaux à manifester leur solidarité en appuyant la mise en œuvre effective de cette feuille de route. Mgr Willy Ngumbi Ngengele, évêque du diocèse de Goma, dénonce au micro des médias du Vatican, une «guerre oubliée».
«Parfois, déclare-t-il, nous nous demandons si le monde entier sait encore qu'il y a la guerre à Goma. Quand nous regardons la télévision, les médias, on parle beaucoup de ce qui se passe à Gaza, de ce qui se passe en Ukraine, au Liban, en Iran actuellement, mais on note que le Congo a été oublié». Entretien.
Un accord de cessez-le-feu avec la médiation de l'Angola est entré en vigueur dimanche 4 août. Qu'en est-il autour de vous? Cette trêve est-elle observée?
Je peux dire qu'au moins sur le terrain, nous en voyons les effets. Le cessez-le-feu est vraiment observé sur le terrain. Mais comme d'habitude, on s'accuse mutuellement. L'armée de la République démocratique du Congo accuse le M23 de violer le cessez-le-feu; le M23 aussi accuse l'armée de violer le feu. Mais on sait que sur le front de la guerre, sur le front militaire, les armes se sont tues, depuis le début de ce mois. Nous le remarquons, et j'en profite pour remercier le gouvernement de l'Angola et le président pour cette médiation qui, finalement, commence à porter ses fruits. Nous souhaiterions que ce cessez-le-feu soit vraiment définitif et qu'il aboutisse à un accord de paix, parce que nous avons besoin que cette guerre puisse s'arrêter. Elle commence à être trop longue et les gens se demandent quand prendra fin cette guerre.
Selon vous, qu'est ce qui empêche encore de pacifier la région aujourd'hui?
Cette guerre, pour nous en tout cas, est très complexe. Il doit y avoir des acteurs multiples engagés dans la guerre. Mais vu de notre côté, de la population, nous avons l'impression que le gouvernement n'en fait pas assez. On a l'impression qu'il y a beaucoup de gens qui profitent de cette situation de guerre, sans oublier que nous pensons qu’il y a aussi dans cette guerre des intervenants de l'extérieur, de la communauté internationale, à cause, évidemment, de l'exploitation minière dans la région. Tous ces gens qui profitent de la guerre ne veulent pas qu’elle puisse se terminer.
Nous reconnaissons actuellement qu'avec le cessez-le-feu, il y a quand même un effort diplomatique, mais nous nous demandons si cette guerre est vraiment une priorité pour le gouvernement. On a plutôt l'impression qu'actuellement, c'est l'installation des institutions de l'État, le partage du pouvoir qui est la priorité. Alors on se dit que maintenant que la dernière institution qui restait, le Sénat, a été installé, peut-être que l’on va se concentrer sur la guerre à l'Est.
La CENCO se bat depuis des années en faveur des populations qui sont directement touchés par ce conflit; l'Église et ses fidèles ne sont pas épargnés. Comment aujourd'hui parvenez-vous encore à aider les victimes de la guerre?
Malgré ces difficultés matérielles, les difficultés financières, l'insécurité, toute la détresse dans nos familles et la pauvreté, les chrétiens continuent encore à être les premiers bienfaiteurs des déplacés de cette guerre. Parfois, on se demande comment ils font. Ils ont peur et ils partagent leur pauvreté. Cette solidarité-là, c'est une grande leçon. On voit que c'est un peuple qui vit vraiment l'espérance, qui veut vraiment rester fidèle, solide dans la foi et continuer à témoigner de la charité envers les autres, les plus pauvres, et notamment actuellement envers les déplacés de cette guerre.
Ce que je peux noter, depuis la visite du Saint-Père, est que beaucoup de personnalités sont venues à Goma pour visiter les camps des déplacés et s’enquérir de la situation sur le terrain. Nous remercions le Saint-Père pour sa visite et surtout d’avoir reçu à Kinshasa les rescapés de la guerre. Nous reconnaissons qu’il y a eu beaucoup de visites à Goma, notamment celle du président de la Suisse, des nouvelles autorités de l’Union européenne, du président du Kenya, d’évêques allemands, et bien d’autres.