Le HCR demande de secourir les réfugiés soudanais à la frontière du Tchad
Entretien réalisé par Augustine Asta - Cité du Vatican
«Aujourd'hui, nous enregistrons en moyenne 600 réfugiés par jour au niveau du point d'entrée de la ville d'Adré seulement, ce qui est un indicateur de l'insécurité et l'incertitude au Soudan. Cela signifie également que la situation reste alarmante et cela a mis une pression sur les ressources au niveau du Tchad, surtout les zones d'accueil où les populations locales sont-elles même confrontées aux mêmes défis que ces populations qui viennent se réfugier ici». Ces propos du nouveau représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Tchad Magatte Guisse témoignent de la «catastrophe humanitaire» à l’est du Tchad.
Près de 600 000 personnes ont fui le Soudan pour échapper à une guerre dévastatrice. Et depuis le début de l’année 2024 «près de 130 000 ont traversé la frontière du Tchad pour venir chercher refuge. Et les observateurs, estiment que ce nombre pourrait atteindre 250 000 dans les mois à venir», a déclaré Magatte Guisse.
Le défi humanitaire
La situation est donc préoccupante et la ville d'Adré a du mal à accueillir un nombre sans cesse croissant de réfugiés soudanais. Des réfugiés qui vivent dans des conditions difficiles. «Il y a actuellement au point d'entrée d’Adré 200 000 réfugiés, dont la majorité, 90 %, sont des femmes et des enfants. C'est déchirant de voir comment les réfugiés dorment dans des abris de fortune avec des enfants et des personnes âgées sur le sol, sans matelas pour beaucoup d'entre eux. Cette population est dans le dénuement total. Il y a même des cas de malnutrition qui sont enregistrés», a rapporté le représentant du HCR au Tchad.
Impact psychologique de la guerre
Le conflit au Soudan a surtout un impact psychologique dévastateur sur les réfugiés. Beaucoup d'entre eux ont été témoins ou victimes des épisodes de violences et de pertes inimaginables. «Le traumatisme du déplacement, comme c'est le cas dans beaucoup de crises de réfugiés, la séparation d'avec leurs proches et l'incertitude quant à l'avenir ont eu des conséquences sur leur santé mentale. Il est difficile d'entendre les récits de violence. Certaines personnes nous disent parfois que s'ils étaient occupés par des activités, cela les aiderait à détourner leur attention de ces atrocités qu'ils ont subies», déplore Magatte Giusse.
Pour aider ces réfugiés à gérer l'impact émotionnel du conflit, le HCR et ses partenaires fournissent des services de soutien psychologique. Magatte Giusse précise que «toute aide, tout soutien, les aiderait à bien gérer ces situations de traumatisme qu'ils vivent. Plusieurs refugiés rapportent que leurs activités économiques ont cessé et l'insécurité ne leur permet pas de poursuivre des activités leur permettant de subvenir à leurs besoins. Et cette situation les pousse à chercher la sécurité alimentaire au niveau du Tchad et d'autres fuient la guerre».
Actuellement le scénario le plus pessimiste, si le conflit au Soudan continue, est de voir une escalade supplémentaire de la violence, des déplacements et des souffrances.
Appel à la mobilisation
Pour le représentant du HCR au Tchad, il est impératif que la communauté internationale prenne des mesures immédiates pour aborder les causes profondes du conflit et soutenir ceux qui sont déjà affectés. Depuis le début de la crise, le HCR a créé dix extensions et six nouveaux sites, dont le plus récent ne peut accueillir que 50 000 personnes. Les cinq autres sites affichent complet.
Il faut donc nécessairement recourir à des ressources additionnelles pour ouvrir de nouveaux sites de manière urgente avec toutes les commodités nécessaires. Le problème, malheureusement, c’est que «l'appel de 2024 pour la réponse dans l'Est du Tchad est sous-financé avec seulement 11 % des près de 215 millions de dollars demandés jusque-là, et le temps presse pour couvrir les besoins immédiats. Dans l'urgence il faut environ 80 millions de dollars pour construire ces trois sites avec des services et des infrastructures essentiels et relocaliser le grand nombre de personnes à la frontière qui continuent d'arriver, loin des conditions de surpeuplement et d'insalubrité et leur fournir une assistance vitale comprenant des abris, de la nourriture, de l'eau potable, l'accès à la santé et à l'éducation», a fait savoir Magatte Guisse.