Enseigner la paix en temps de guerre au Proche-Orient
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Un an que les bombes israéliennes déferlent sur la bande de Gaza, un an que les enfants du territoire palestinien ne vont pas à l’école, leur établissement ayant été détruit ou endommagé, leur famille poussée à l’exode, tentant de trouver un refuge temporaire dans un coin de l’enclave.
Dans ce contexte, la paroisse catholique de la Sainte-Famille à Gaza, a été en partie préservée. Elle abrite depuis douze mois 700 personnes dont 150 enfants dont il faut assurer l’éducation. «On essaie, avec les professeurs qui résident dans l’école, de maintenir une école normale, explique le père Yacoub Rafidi, directeur des écoles catholiques pour le Patriarcat latin de Jérusalem. C’est très difficile, très difficile, insiste-t-il, à cause des bombardements, du manque d’eau et de nourriture».
Parler de paix dans ces conditions est donc un défi. À Gaza, c’est une gageure, en Cisjordanie, c’est très délicat, poursuit le père Yacoub. «20% des élèves ont besoin de traitements psychologiques, à cause du bruit, du conflit, des destructions, et de la guerre en elle-même», constate-t-il, sans oublier «une situation économique très très difficile». «Beaucoup d’étudiants ne peuvent pas payer leurs frais de scolarité», regrette-t-il.
Alors, «dans ce contexte, nous devons donner de l’espoir puisque sans espoir on ne peut pas continuer. On fait en sorte que l’école demeure la seule place de secours pour nos enfants», ajoute le directeur des écoles catholiques pour le Patriarcat latin de Jérusalem.
Les écoles libanaises fermées
La guerre a maintenant gagné le Liban dont le sud du territoire jusqu’à la capitale, Beyrouth, est bombardé par l’armée israélienne. Là aussi les écoles sont fermées depuis plusieurs jours, après une année scolaire 2023-2024 presque normale notamment pour les établissements catholiques. Le ministère libanais de l’Éducation nationale a toutefois annoncé ce dimanche que la rentrée se ferait le 4 novembre. Mais rien n’est moins sûr tant le contexte est mouvant.
700 écoles publiques ont cependant rouvert leurs portes mais pour accueillir les déplacés fuyant les bombardements. Une cinquantaine d’écoles privées, dont une vingtaine de catholiques participent à l’effort général. «Nous sommes appelés à être unis en ce moment parce que tout le Liban souffre, parce que tous les Libanais font face au danger de la guerre. Il existe toujours ce risque d’être bombardé, d’être visé par les missiles israéliens. Nous avons ouvert dans tous les diocèses toutes nos églises et nos portes à nos frères déplacés qu’ils soient chrétiens ou musulmans», affirme le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques au Liban et coordinateur des écoles privées au Liban. «Dans le sillage du Document sur la Fraternité humaine d’Abou Dhabi signé entre le Pape François et l’imam Al-Tayyeb, nous sommes appelés à vivre cette fraternité humaine entre Libanais malgré le fait que cette guerre est entre le Hezbollah et Israël», précise-t-il.
La paix avant tout
Enseigner la paix alors que les bombes tombent sur le territoire n’est pas des plus évident. Pourtant, le père Youssef estime que c’est essentiel: «Cette valeur signifie beaucoup pour nous, Libanais parce que nous avons connu une guerre civile de quinze ans. Nous avons découvert l’importance, le sens et l’urgence de la paix. Nous avons compris comment vivre la paix dans nos relations avec nos frères dans le même pays, comment établir des relations pacifiques avec les autres, comment traduire pratiquement cette valeur en des actes de paix et d’amour, de respect et de reconnaissance de l’autre», détaille-t-il.
L’école a ainsi un grand rôle à jouer pour éduquer à la paix, affirme le père Youssef. Cela passe par aider les élèves «à comprendre, à digérer, à rationnaliser ce qu’ils écoutent» explique-t-il, ajoutant que «ce sont les émotions qui en temps de guerre prennent la relève». «Il faut donc rétablir l’équilibre entre les émotions et la raison et aider ces élèves à comprendre, à obtenir des réponses à leurs questions», poursuit-il.
«Mais ce n’est pas facile de parler de paix alors qu’il y a la guerre et du sang autour de nous», reconnait le père Yacoub, évoquant la bande de Gaza. Que faire alors? «On peut insister sur les témoignages pacifiques pour aider les enfants à comprendre que le conflit et la violence n’aident pas», explique le responsable des écoles catholiques du Patriarcat latin. «Quand il y a des disputes entre les enfants, on leur montre qu’ils peuvent régler leurs problèmes par le dialogue et le respect des autres», ajoute-t-il. Au-delà de ce pragmatisme, «on travaille sur l’éducation. L’éducation est une arme de changement pour un meilleur futur» conclut-il. Une arme bien pacifique et plus que jamais nécessaire pour préparer l’après-guerre.