Saint Josaphat Kuntsevych, évêque et martyr
Né à une époque de désunion
Les débuts de la vie de Jean Kountsevitch (1580-1623) évoquent les grandes controverses qui agitèrent l’Église de son pays, et même l’Église dans son ensemble, depuis que le Grand Schisme sépara les chrétiens orthodoxes et catholiques en 1054. Des tentatives d’union entre les Églises d’Orient et d’Occident avaient été essayées et avaient échoué. Lorsque Jean naquit en Ukraine occidentale de parents orthodoxes, de nombreux chrétiens orthodoxes nourrissaient une grande animosité à l’égard de l’Église de Rome. En 1596, cependant, une petite lueur d’espoir apparut pour ceux qui priaient et travaillaient pour l’unité du Corps du Christ : L’Église ruthène de Jean accepta la réunification avec le Saint-Siège, tout en conservant sa liturgie et ses traditions byzantines [Ruthénien est utilisé ici dans son sens ancien, pour désigner les peuples d’Ukraine et de Biélorussie].
La famille de Jean était assez aisée et le jeune homme fut mis en apprentissage chez un marchand. Il aurait pu se marier et mener une vie confortable. Mais comme le marchand de la parabole, ce marchand en formation trouva la perle de grand prix, le trésor pour lequel il valait la peine de tout abandonner. Il entra dans un monastère basilien en 1604, prenant le nom religieux de Josaphat. Avec ce nom naquit une vocation : ce jeune moine allait vivre, travailler et enfin mourir pour l’unité des Eglises.
Un pasteur pour l’unité
La nouvelle se répandit rapidement que le moine Josaphat était un saint homme et un ascète. Les gens commencèrent à le consulter pour des conseils spirituels. L’Église remarqua ses capacités. En 1609, Josaphat fut ordonné prêtre et commença à prêcher et à entendre des confessions non seulement au monastère, mais partout. Peu de temps après, en 1617, Josaphat fut ordonné évêque. En 1618, il devint archéparque (l’équivalent byzantin de l’archevêque) de Polotsk.
Le petit Jean était né à une époque de désunion ; l’évêque Josaphat sera un pasteur de l’unité, s’efforçant de gagner le cœur de ses compatriotes orthodoxes qui en voulaient encore aux « Uniates » de s’être réconciliés avec l’Église catholique. Il s’efforça sans relâche de sauvegarder la liturgie et les traditions byzantines de son peuple, car l’union avec Rome ne signifiait en aucun cas la suppression des belles et vivantes traditions des Églises orientales, y compris la sienne. L’unité qu’il avait dans son esprit et dans son cœur était une polyphonie, une harmonie de nombreux rites et langues liturgiques réunis dans la louange du Dieu Trinitaire.
« Je serais heureux de donner ma vie »
Cependant, tout le monde ne percevait pas la beauté de cette vision. Des commentaires malveillants sur l’archéparque abondaient. Par le seul fait de sa défense de l’union avec Rome, il devint l’objet d’une controverse passionnée. Comme il était responsable de son clergé, il dut discipliner certains d’entre eux qui défendaient publiquement des positions « Non uniates », critiquant l’union avec Rome.
En 1620, un archéparque orthodoxe rival fut consacré à Polotsk et des rumeurs commencèrent à circuler selon lesquelles Josaphat, qui chérissait les traditions byzantines, se préparait à les abolir et à les remplacer par des traditions latines. Josaphat vit où tout cela menait. « Vous autres… vous voulez me mettre à mort », leur dit-il. « Je suis ici parmi vous en tant que pasteur, et vous devriez savoir que je serais heureux de donner ma vie pour vous. Je suis prêt à mourir pour l’union de l’Église sous saint Pierre et son successeur, le Pape. »
Cela s’est produit à l’automne 1623, lorsqu’un affrontement avec un prêtre orthodoxe provoqua le rassemblement d’une foule devant la résidence de l’évêque. Des témoins rapportèrent que Josaphat fut traîné nu dans les rues, fusillé, puis décapité. La mort violente de cet évêque qui avait vécu et lutté pour l’unité des Églises horrifia beaucoup de personnes, même parmi celles qui avaient écouté ses calomniateurs. Leurs cœurs commencèrent à s’ouvrir à l’unité. Et la mort de ce martyr de l’unité porta un fruit qui n’était pas seulement caché dans les cœurs des gens : son rival, l’archevêque orthodoxe, finit par se réconcilier avec l’Église Catholique. Même sa canonisation unifia l’Orient et l’Occident : en 1867, Josaphat devint le premier saint des Églises orientales à être canonisé à Rome.