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Dans l'État nigérian de Zamfara, des membres du groupe Yansakai déposaient leurs armes , le 3 décembre 2019, comme le prévoyait un processus de paix engagé sur place. Dans l'État nigérian de Zamfara, des membres du groupe Yansakai déposaient leurs armes , le 3 décembre 2019, comme le prévoyait un processus de paix engagé sur place. 

La violence au Nigéria n'est pas seulement motivée par la religion

Les appels à la fin de la violence se multiplient dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, dévasté par des attaques de toutes sortes. Le nonce apostolique, Mgr Antonio Filippazzi, lance un appel à l’État afin qu’il protège les personnes qui en sont victimes, sans faire de distinction ethnique ou religieuse, car toutes les victimes sont égales.

Bernadette Reis et Francesca Sabatinelli - Cité du Vatican

Depuis janvier dernier, plus de 1 200 personnes ont été tuées par des groupes armés dans les zones rurales du centre et du nord-ouest du Nigeria. Un drame dénoncé par plusieurs organisations telles qu'Amnesty International et le Comité international de la Croix-Rouge. Celui-ci constatait récemment que sur les 40 000 personnes portées disparues en Afrique à ce jour, la moitié ont disparu dans la seule région du nord-est du Nigeria, théâtre d’enlèvements et d'attaques orchestrées par les djihadistes de Boko Haram.

Le 15 août dernier à l’issue de la prière de l’Angélus, le Pape François a évoqué les souffrances «de la population de la région septentrionale du Nigeria, victime de la violence et des attaques terroristes». Au nom des évêques du pays, le président de la conférence épiscopale, Mgr Augustine Obiora Akubeze, s’est adressé au gouvernement ainsi qu’au peuple nigérian pour exiger la fin des tueries et la mise en œuvre réelle de la lutte contre la corruption.

Pour sa part, le nonce apostolique au Nigeria, Mgr Antonio Filipazzi, demande au gouvernement de protéger les personnes sans distinction d'ethnie ou de religion «parce que les victimes sont toutes égales». Il analyse aussi la situation de grande instabilité qui vit le Nigéria.

Quelles sont les causes de la violence au Nigéria ?

La question de la violence au Nigeria est multiple. La violence n’est pas uniquement causée par, ar exemple, le terrorisme ou certaines bandes armées. Il y a d'autres foyers de violence nés d’affrontements locaux, ethniques. Il y a la violence causée par ces incessants enlèvements contre rançon. Il y a aussi des phénomènes de violence dans la zone océanique, où les pirates mettent en danger la sécurité des navires. En somme, les causes de la violence sont nombreuses, certaines sont un peu oubliées, d'autres un peu plus à l'ordre du jour.

À mon avis, ce que le gouvernement doit faire, c'est travailler pour le respect de la loi, il doit protéger la vie et les biens des citoyens, sans distinction entre ceux d'une ethnie ou d'une autre, d'une religion ou d'une autre. Le danger est de faire une distinction entre les victimes, en s’occupant des victimes d'un groupe, mais d’un autre. Les victimes sont toutes égales et l'État doit protéger toutes les vies, tous les citoyens, tous leurs biens et leurs activités quotidiennes.

Vous mentionnez les religions. Selon certains, la religion est un facteur de profonde division au Nigeria. Est-ce une interprétation correcte ?

Ce que l’on peut dire objectivement, c’est que les musulmans sont majoritaires au nord et les chrétiens majoritaires au sud, mais on doit aborder le discours sur la division, précisément au nom de la religion, en se montrant très prudent car dans le passé, comme aujourd'hui, les musulmans et les chrétiens ont vécu ensemble et cohabitent pacifiquement. Je peux vous donner un exemple qu'on m'a raconté la semaine dernière. Dans un diocèse, l'évêque a ouvert une école dans une ville majoritairement musulmane. Puisque les citoyens, les habitants de cette ville, emmenaient leurs enfants dans les écoles catholiques d'un autre centre à proximité, il a voulu aller à leur rencontre de sorte qu'il existe une coexistence pacifique dans certaines zones. Je dis toujours que les chrétiens et les musulmans, dans le fond, sont unis par le fait que tous sont victimes de cette violence : il y a des victimes musulmanes et des victimes chrétiennes de cette violence. L'important est de ne pas raviver cette division, de ne pas présenter les conflits comme s'ils étaient causés exclusivement par la religion. La religion est l'un des facteurs, mais il y a le facteur ethnique, le facteur économique… Il y a de nombreux facteurs de cette violence qui sont présents avec des degrés divers dans différentes situations. Mais ce que je crains toujours, c’est que lorsqu’on dit d’un conflit qu’il est religieux, d'une certaine manière, on lui donne une justification morale, et cela rend encore plus difficile de trouver une solution, parce que chacun pense qu'il est dans le juste et le bon, parce qu'il le fait au nom de Dieu, au nom de la religion.

Des évêques nigérians ont lancé un appel pour la fin de ces violences, suivi par la prière du Pape François. Vous aussi avez pris la parole la semaine passée. Ces appels à la paix, à la prière, sont-ils acceptés par le peuple ?

Oui, les évêques nigérians ont appelé à un temps de prière pour la paix au Nigeria, du 22 août au 1er octobre, qui est la fête nationale. L'intervention du Saint-Père à l’issue de la prière de l'Angélus du 15 août a donné tant de joie, surtout aux évêques qui se sont sentis encouragés dans leur mission. Je voudrais ajouter qu'il y a eu une autre intervention importante des évêques de la province ecclésiastique de Kaduna, qui est actuellement la zone la plus exposée et la plus touchée par la violence. Peut-être qu'au niveau local, l'attention est plus grande. En regardant un peu les médias au niveau national, il me semble que la voix de l'Église, la voix du Pape, est quelque peu étouffée. Mais cela n'enlève rien à notre devoir de parler et de demander que cette phase de violence soit surmontée.

Il est certain que dans la zone située au sud de Kaduna où les chrétiens sont particulièrement nombreux, ces derniers ont dû faire le deuil de tant de victimes, ont dû endurer des souffrances parce qu'ils ont été frappés, chassés. Ils vivent dans un état de danger.

L'Église, surtout à travers les évêques, est d’abord proche des gens. En effet, les évêques de la province se sont réunis dans le diocèse de Kafanchan, l'une des zones les plus touchées par cette violence. Ils ont prié et rencontré les gens et ont également publié un document que je crois très correct, très bien fait, et avec des indications concrètes, utiles pour surmonter la situation.

Ils ont tout d'abord demandé aux autorités, tant au niveau national qu'au niveau de l'État de Kaduna, d'être plus proches concrètement de la population, puis ils se sont tournés vers les jeunes, car les jeunes, dans cette situation, sont tentés d'entrer dans la spirale de la violence et ils n'écoutent plus leurs parents, ils n'écoutent plus l'Église, ils n'écoutent plus les anciens du village et ils s'abandonnent à la violence pour rejeter la violence et cela peut créer une spirale dangereuse. C'est pourquoi ils se sont tout d'abord tournés vers les jeunes, en les exhortant à se préparer un avenir différent. Et puis un mot a également été dit aux médias, pour les remercier certainement de ce qu'ils font, mais aussi pour les mettre en garde contre la diffusion de nouvelles inexactes ou fausses, qui est parfois la cause de nouvelles violences, car en entendant ce qui est rapporté, les gens réagissent à ces nouvelles infondées, ce qui augmente la violence.

D'après ce que je comprends, ce message des évêques de la province de Kaduna a été reçu avec attention. Certains ont compris que l'Église est un interlocuteur qui veut travailler avec tout le monde pour construire la paix, pour rétablir la paix, et puis un signe positif est que la présence des forces de sécurité a certainement augmenté pour prévenir la violence.

Disons donc que ces derniers jours, il y a eu cette évolution positive de la situation, je pense aussi parce que l'Église a fait entendre sa voix et que sa voix est appréciée. Aussi parce que l'Église a répété, également à cette occasion, qu'elle ne parle pas uniquement pour ses chrétiens, elle parle pour l’ensemble de la population, car à part la zone géographique où se trouvent de nombreux chrétiens au sud de Kaduna, tous les diocèses de la province sont concernés, dont beaucoup vivent dans un environnement à prédominance musulmane et dans cet environnement, dans ce territoire à prédominance musulmane, il y a aussi de la violence et de la souffrance qu'il ne faut pas oublier. Une fois de plus, nous ne devons pas diviser les victimes en catégories, si elles sont des victimes, elles sont toutes des victimes.

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29 août 2020, 11:03