Italie: trois futurs cardinaux témoignant d’une «Église pauvre pour les pauvres»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Les chrétiens doivent être «prêts à se salir les mains et ouverts aux surprises», rappelait le Pape François dans une homélie prononcée à Sainte-Marthe en octobre 2018. Deux axes que semblent déjà suivre de prêt ces trois Italiens que le Saint-Père a nommés le 25 octobre dernier parmi les 13 futurs cardinaux - parmi ceux-ci, trois autres prélats italiens, faisant quant à eux partie de la Curie romaine ou du service diplomatique du Saint-Siège.
Prendre soin des liens fraternels
Un franciscain, un évêque proche des Roms, le curé d’une paroisse de la périphérie romaine: Mgr Mauro Gambetti, Mgr Augusto Paolo Lojudice et Mgr Enrico Feroci témoignent ainsi, chacun à leur manière, des thèmes chers au Pape argentin, puisés dans l’Évangile.
Mgr Mauro Gambetti, né à Castel San Pietro Terme le 27 octobre 1965, rejoint l’ordre des frères mineurs conventuels 27 ans plus tard, après avoir obtenu un diplôme en génie mécanique à l'Université de Bologne. Il remplit différentes responsabilités au sein de son ordre religieux, jusqu’à être nommé, le 22 février 2013, custode du Sacré Couvent d’Assise. Comme en témoigne l’un d’entre eux, ses frères reconnaissent en lui «l’humilité, la grande capacité d’accueil et d’écoute, le dévouement et la générosité, tant de dons humains, la foi et la profonde spiritualité», marquées «par la présence du Seigneur et par l’amour envers François d’Assise».
Un amour partagé également par le Souverain Pontife actuel, dont le pontificat est imprégné de la spiritualité du Poverello. Celle-ci s’exprime notamment par la fraternité, dont le futur cardinal Gambetti a souligné l’importance lors de son ordination épiscopale, le 22 novembre dernier à Assise. Remerciant tous ses «frères et ses sœurs», «ses amis et ennemis», le franciscain a vu dans ces relations «un immense réseau d’amour, qui comprend tout, remodèle tout, dynamise et transforme tout».
Semer la foi dans les périphéries
Mgr Augusto Paolo Lojudice est presque aussi jeune que son confrère d’Assise. Né dans la banlieue de Rome le 1er juillet 1964, il est ordonné prêtre pour le diocèse de la Ville éternelle en 1989. Il occupe différentes charges de vicaire et curé, devenant également conseiller spirituel du Séminaire pontifical romain majeur de 2005 à 2014. En mars 2015, le Pape François le nomme évêque auxiliaire de Rome, et un peu plus de quatre ans plus tard, archevêque de Sienne-Colle di Val d'Elsa-Montalcino. Durant ses années dans la capitale italienne, il côtoie de près des situations de pauvreté et de marginalisation sociale, notamment à Tor Bella Monaca, banlieue marquée par la délinquance et les trafics en tous genres, ainsi que lors de visites dans des camps de Roms.
Son apostolat auprès de cette communauté lui vaut bientôt le surnom de «prêtre des Roms» puis d’«évêque des Roms». C’est d’ailleurs en octobre 2015, à l’occasion d’un rassemblement international du peuple Rom, qu’une femme interpelle le Pape et lui demande le baptême. Elle lui explique que c’est «don Paolo» qui l’a accompagnée sur son chemin de foi. Le successeur de Pierre et son évêque auxiliaire, entre lesquels le lien d’amitié s’est renforcé grâce à cette rencontre, organisent le baptême de cette femme rom, qui se déroule le 26 décembre suivant au Vatican.
Accueillir les pauvres et les pèlerins
Rome est également un terrain bien connu de Mgr Enrico Feroci, né dans les Abruzzes en 1940 (il sera donc cardinal non-électeur), et ordonné prêtre en 1965. Tout son ministère sacerdotal se déroule dans la ville éternelle, où il sert en diverses paroisses et dirige aussi la Caritas diocésaine, de 2009 à 2018. Don Andrea Santoro, prêtre romain assassiné en 2006 en Turquie, devient son «confident et ami». Le père Feroci est également amené à participer à de nombreux évènements liés à son diocèse, comme la préparation du Jubilé de l’an 2000.
En 2011, Benoît XVI le nomme consulteur du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes itinérantes. En 2019, il est nommé curé de la paroisse Santa Maria del Divino Amore, à Castel di Leva, rattachée au sanctuaire du même nom. Ce lieu de pèlerinage populaire abrite une icône représentant la Vierge à l'Enfant devenue l'une des icônes mariales les plus vénérées de Rome.
Le cardinalat, une disponibilité de toute sa personne
Les trois futurs cardinaux, dont les parcours respectifs été façonnés par les rencontres avec les plus humbles, partagent naturellement une vision similaire de la mission qui leur est désormais confiée. À les entendre, on comprend qu’ils l’envisagent comme la continuité et l’approfondissement d’un service de l’Église, et non comme l’étape d’une prétendue "carrière" ecclésiastique.
«Je l'ai interprété comme un geste du Pape, non pas fait à moi personnellement, mais à tous les prêtres de Rome, explique ainsi Mgr Feroci, deuxième curé de paroisse à recevoir la pourpre cardinalice après don Giulio Bevilacqua, créé cardinal par Paul VI lors du consistoire du 22 février 1965. On dit toujours que le prêtre est celui qui donne ses mains à l'évêque pour toucher le Corps du Christ, qui est le Peuple de Dieu. Ainsi, le Pape François a voulu remercier les mains de nombreux prêtres». Mgr Feroci espère demeurer au sanctuaire du Divin Amour, où «François m’a demandé de travailler afin qu’il soit un lieu d’accueil et de miséricorde pour tous».
L’amour miséricordieux est aussi ce qui semble animer intimement Mgr Gambetti, premier franciscain conventuel à recevoir la barrette rouge depuis 1861. À nos confrères de la rédaction italienne, il dit vouloir «être un sage conseiller, avec un cœur profondément immergé dans l’amour de Dieu. Je crois en effet qu’il est fondamental, pour qui reçoit ce mandat, de garder toujours son cœur ouvert à la grâce, de le garder limpide, transparent, pur, pour pouvoir véritablement accomplir un service tel que le Souverain Pontife et l’Église s’y attendent», estime-t-il. Le prélat franciscain – qui quittera certainement le couvent d’Assise - souhaite par son ministère «chercher vraiment dans l’humanité à être proche des autres, autant qu’il est possible», tout cela «avec un dévouement constant, et aussi avec le sens du sacrifice».
Rien d’autre que l’Évangile
«Je pense et j’espère continuer de servir l’Église comme je l’ai fait jusqu’à présent, et de faire avancer ce qui me sera demandé, mais surtout la réalité où je me trouverai, car ce qui compte est d’être incarné», confie comme en écho Mgr Lojudice. «Nous sommes avant tout des prêtres qui accomplissent un service différent», continue celui dont la devise épiscopale – “C’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25,40) – donne déjà le ton. L’archevêque de Sienne souligne que le Pape François «pense, veut, désire une Église selon l'Évangile». Une préoccupation qui, à ses yeux, devrait être partagée par tous «les évêques et les cardinaux, mais aussi tous les croyants». «Je dis toujours que le Pape François, avec tout le respect que je lui dois, n'invente rien, mais revient simplement à l'Évangile, avec son style personnel, cela oui, mais il n’invente rien».
Et ce «style personnel» du Pape inclut, pour l’aider à gouverner l’Église, la nomination de prélats pétris de cet Évangile, vécu «par des actes et en vérité», à la manière de Celui qui l’a annoncé. Un «style personnel» qui donne moins d’importance à la répartition géographique traditionnelle des sièges cardinalices, mais veille davantage aux périphéries, aux terrains plus modestes. En Italie par exemple, Milan, Turin, Gênes ou Venise continuent d’être non pourvus.
D’autres archidiocèses ont en revanche vu arriver un cardinal, ce qui n’était souvent pas arrivé depuis des décennies: le cardinal Gualtiero Bassetti à Pérouse, (2014), le cardinal Edoardo Menichelli à Ancône (2015), le cardinal Francesco Montenegro à Agrigente (2015), le cardinal Giuseppe Petrocchi à L’Aquila (2018) et le cardinal Matteo Zuppi à Bologne (2019). Cette année, Mgr Gambetti, Mgr Feroci, Mgr Lojudice viennent ainsi élargir la liste des serviteurs de l’Église appelés à incarner dans le monde actuel les paroles adressées par Jésus à ses disciples: «Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé» (Mt 23, 11-13).
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