Vœux aux ambassadeurs: le discours du doyen du corps diplomatique
Discours du doyen en intégralité
Très Saint-Père,
Je suis très honoré de vous présenter, une fois encore, en qualité de Doyen du Corps Diplomatique, nos vœux les meilleurs de bonne santé et de fructueuse poursuite de votre mission apostolique.
Permettez-moi d’exprimer ma joie de pouvoir vivre ensemble ce moment habituel de rencontre qui remplit nos cœurs d’espérance et qui, symboliquement, montre au monde les représentants des États rassemblés autour du Saint-Père.
Je voudrais présenter à Votre Sainteté et au Saint-Siège les plus sincères condoléances du Corps Diplomatique, et les miennes personnelles, pour la disparition du Pape émérite Benoît XVI. Nous nous souvenons tous, avec estime et affection, non seulement de son engagement pour l’Église et de sa profonde culture, mais aussi de sa gentillesse et de sa disponibilité envers nous également, les diplomates. Dans les huit années de son pontificat, Benoît XVI a accompli un imposant travail pastoral et magistériel. Il a visité également beaucoup de nos pays.
L’année dernière, à pareille moment, nous avions envisagé l’année 2022 dans la confiance d’un retour à la normale, après deux années marquées par l’urgence sanitaire de l’épidémie de COVID-19, et par les grandes peines qu’elle a provoquées dans le monde. Alors que la période la plus aiguë de la crise touchait à sa fin, nous étions prêts à reconstruire nos vies en suspens, et à panser les blessures.
Au lieu de cela, la réalité de la nouvelle année a été un autre terrible virus, celui de la guerre qui, loin d’être éradiquée, semble vouloir se propager comme une nouvelle pandémie risquant, malheureusement, d’entraîner le monde entier. Comme vous l’avez dit, devant le Colisée lors de la rencontre interreligieuse promue par la Communauté de Sant’Egidio, en octobre 2022: «Cette année, notre prière est devenue un cri, parce qu’aujourd’hui la paix est gravement violée, blessée, foulée aux pieds» (Discours aux responsables chrétiens et des religions mondiales, 25 oct. 2022).
Avec cette amère considération dans le cœur, je voudrais rappeler aujourd’hui la prière que vous avez adressée à la Sainte Vierge Marie lors de l’Acte de Vénération du 8 décembre dernier. Une prière qui m’a touché par l’intensité et la force de l’exhortation adressée à la Vierge: «En me tournant vers toi, qui es sans péché, puissions-nous continuer à croire et à espérer que l’amour l’emporte sur la haine, que la vérité l’emporte sur le mensonge, que le pardon l’emporte sur l’offense, que la paix l’emporte sur la guerre» (Acte de vénération à l’Immaculée, Place d’Espagne, 8 décembre 2022).
La douleur avec laquelle vous avez prononcé ces paroles, et votre émotion nous ont fait voir de nos yeux la souffrance de l’humanité touchée par le drame des conflits, avec leur cortège de violences, de souffrances, de destructions. Des pères et des mères qui pleurent la mort de leurs enfants, des jeunes qui deviennent prématurément orphelins, des maisons détruites, des terres dévastées, des exilés et des réfugiés. Ces images, qui ont traversé nos esprits pendant votre prière, dessinent notre mission de Diplomates. Les paroles que vous avez prononcées encouragent nos actions qui visent à désamorcer les causes des conflits et à empêcher qu’ils n’explosent, emportant le bien qui habite en toute société.
La victoire de la paix ne peut être obtenue que par la capacité de chacun à se sentir membre de la famille humaine. Ce n’est que par l’écoute, le dialogue, l’acceptation et l’accueil de l’autre, du faible, du marginalisé, qu’il est possible de construire cette culture de la paix dont le monde d’aujourd’hui semble avoir grand besoin. Parcourant à nouveau les chemins que vous avez tracés au cours de l’année écoulée, l’effort –y compris physique- que vous avez fourni, Très Saint-Père, pour retirer l’oxygène du feu du mal et de l’indifférence apparaît évident. Nous sommes ici, aujourd’hui, pour vous remercier de votre exemple et de votre engagement.
Ces défis, que vous avez également illustrés dans votre récent Message pour la Journée de la Paix, sont relevés par la diplomatie avec la conviction que la paix est vitale non seulement pour les pays en crise, mais aussi pour les nations qui en subissent, directement ou indirectement, les néfastes conséquences. Parmi ces défis, la pauvreté, les inégalités, l'accès à l’alimentation, à la santé publique et à un travail digne pour tous, «l’acceptation et l’intégration de ceux qui vivent comme des laissés-pour-compte dans nos sociétés» (Message pour la 56ème Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2023, n. 5) semblent les plus pertinents.
Nous vous remercions, Saint-Père, pour les exemples à suivre que vous nous offrez à travers vos voyages. À Malte, vous avez attiré l’attention sur le thème de l'accueil et de la fraternité. Vous avez rappelé que la signification phénicienne du nom de l’île est «port sûr» et qu’une approche commune de la question de l’immigration est fondamentale. Vous avez parlé d’une «Méditerranée qui a besoin de coresponsabilité […] pour qu’elle redevienne un lieu de la solidarité ». Permettez-moi d’emprunter vos paroles pour résumer en une phrase la complexité du phénomène migratoire et la grande responsabilité de chacun d’entre nous dans la construction d’une société plus solidaire et pacifique: «L’autre n’est pas un virus dont il faudrait se défendre mais une personne à accueillir» (Rencontre avec les Autorités, la Société civile et le Corps Diplomatique, La Valette, 2 avril 2022).
Lors de votre «pèlerinage pénitentiel» au Canada, vous avez poursuivi le chemin de la «guérison et de la réconciliation» (Rencontre avec les peuples autochtones Premières Nations, Métis et Inuit, Maskwacis, 25 juillet 2022) avec les populations indigènes, vous avez manifesté votre solidarité avec les peuples des périphéries et vous avez rappelé l’engagement du Saint-Siège en faveur de la sauvegarde de la création.
Sainteté, vous avez suggéré combien l’écoute et la compréhension sont au fondement de l'œcuménisme, du dialogue entre les religions. À l’occasion du septième Congrès des Chefs des Religions Mondiales et Traditionnelles au Kazakhstan, vous avez souligné que, parmi les droits fondamentaux d'une société multiethnique et multiculturelle, «la liberté religieuse constitue le meilleur berceau de la coexistence civile» (Rencontre avec les Autorités, la Société civile et le Corps Diplomatique, Qazaq Concert Hall, 13 septembre 2022). Très Saint-Père, je vous remercie de nous avoir rappelé que la capacité de se retrouver et de se rencontrer, dans le respect des libertés et des devoirs de chacun, est la base d’une société où règne l’harmonie entre les personnes.
Au Bahreïn, Sainteté, participant au Forum for dialogue: East and West for Human Coexistence, vous nous avez invités, une fois de plus, à reconnaître la valeur de ce qui nous unit intrinsèquement tout en maintenant nos spécificités et notre diversité. Dans l’esprit de l’Encyclique Fratelli tutti et en continuant sur le chemin initié par le Document sur la Fraternité humaine pour la Paix mondiale et la Coexistence commune, signé à Abu Dhabi le 4 février 2019 avec le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, vous nous avez rappelé, Très Saint-Père, comment «L’unité ce n’est pas: "tous pareils", non, elle se fait dans la différence. … En somme, [l’Esprit Saint] ne nous enferme pas dans l’uniformité mais nous dispose à nous accueillir dans nos différences» (Rencontre œcuménique et de prière pour la paix, Cathédrale Notre Dame d’Arabie de Awali, 4 novembre 2022).
Saint-Père, permettez-moi d’avancer vers la conclusion en évoquant un autre voyage, non pas géographique celui-ci mais interne au Saint-Siège, non pas tourné vers ce qui a été mais vers ce qui sera. Permettez-moi de rappeler l'importance de l'achèvement du parcours, ecclésial et synodal, de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium sur la Curie romaine et son service à l'Église dans le monde. Une réforme profonde qui marque votre pontificat et qui, comme vous l’écrivez, sert à «favoriser une évangélisation plus efficace; à promouvoir un esprit œcuménique plus fécond; à encourager un dialogue plus constructif avec tous» (Const. ap. Praedicate Evangelium [19 mars 2022], Préambule, n. 12).
Comme vous nous l’avez rappelé dans le message Urbi et Orbi du matin de Noël, «notre époque connaît une grave pénurie de paix». Nous savons bien que la paix est un chemin tortueux qui ne peut être parcouru seul. Nos pensées vont vers les nombreux lieux où se déroule la «troisième guerre mondiale par morceaux», et où la paix peine à faire entendre sa voix. Des lieux pour lesquels vous avez demandé, le matin de Noël, que les armes se taisent! Mais nous savons bien que la paix requiert du courage et de la vérité.
Très Saint-Père, je vous salue et vous remercie au nom de la famille diplomatique près le Saint Siège que j’ai l’honneur de représenter en qualité de Doyen. Je vous présente mes meilleurs vœux pour le voyage et le pèlerinage de paix et de conciliation que vous entreprendrez prochainement en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, sur ce continent, l’Afrique, berceau de l’humanité. Merci, Saint-Père, pour votre travail inlassable, espoir pour tant de peuples, tant d’hommes et de femmes de toutes latitudes.
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