Cardinal Parolin: la guerre en Europe et la macabre nostalgie totalitaire
Antonella Palermo - Cité du Vatican
Le secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, a célébré dimanche 23 juillet la messe de clôture de la conférence qui s'est tenue dans le monastère des Camaldules en Toscane. Cette messe a eu lieu à l'occasion du 80ème anniversaire du Codex Camaldoli qu'en 1943 un groupe d'intellectuels catholiques, laïcs et religieux, a élaboré dans ce même lieu, sous la direction de Mgr Adriano Bernareggi, à travers un débat sur le magistère social de l'Église, les problèmes de société, les rapports entre l'individu et l'État, entre le bien commun et la liberté individuelle. Bien qu'aujourd'hui, le contexte historique et ecclésial ait changé, la peur de ce qu'il a appelé «une guerre inattendue au cœur de l'Europe» est si forte qu’il semblerait que l’on veuille «raviver la macabre nostalgie totalitaire», a relevé le cardinal italien.
La sainteté de Dieu est là où se trouve la mort, l'insignifiance, le mal
À la lumière des lectures de ce 16e dimanche du temps ordinaire sur les trois paraboles de l'Évangile de Matthieu, celle du bon grain et de l'ivraie, de la graine de moutarde et du levain, le cardinal a souligné que «la sainteté de Dieu est présente là où se trouve la mort, l'insignifiance, le mal». Le Royaume des cieux «est mêlé à notre histoire», et même «à notre histoire personnelle», a-t-il ajouté. «Les trois paraboles insistent surtout sur la disproportion entre des réalités différentes, sur la nécessité de discerner ce que signifie être dans le monde et, enfin, a-t-il poursuivi, sur le fait de savoir attendre. Cette disproportion, ce discernement, ce sagesse de l’attente sont l'espace de la foi. Et cet espace est la condition de l'histoire».
Le messianisme de Jésus n'est ni politique ni une utopie
Le cardinal Pietro Parolin a développé son propos en affirmant que «le vrai problème du croyant qui vit dans l'histoire est double: résister au mal et persévérer dans la foi sans chercher des raccourcis accommodants». Il a souligné que «le messianisme de Jésus n'est pas politique, c'est-à-dire qu'il ne tend pas à exprimer un État, un pouvoir mondial. Il conçoit la présence du Royaume des cieux dans l'histoire comme un rejet, une contradiction, une dissimulation». Il a ensuite utilement précisé, pour dégager le champ des interprétations trompeuses possibles, que «le messianisme de Jésus est un messianisme de la personne. Ce n'est pas une utopie. Penser qu'il s'agit d'une utopie a été l'une des contradictions historiques que le christianisme a endurées. Le messianisme de Jésus est la personne qui vit avec le Dieu qui vit en elle et invente ses actions chaque jour dans l'histoire commune de l'humanité». Se référant à l'histoire de Job, le cardinal a également rappelé que «Dieu n'a pas besoin de ceux qui le défendent ou le justifient, mais de ceux qui croient en la sagesse secrète de sa parole».
Une guerre inattendue semble raviver la nostalgie totalitaire
Conscient de ce qui s'est passé après le 25 juillet 1943, lorsque nous avons réalisé que le mal qui s'était manifesté au cœur de l'Europe «avait recouvert notre propre pays d'une épaisse obscurité et avait pénétré en nous-mêmes», le cardinal Parolin a estimé que nous devons aujourd'hui considérer l'initiative du Codex de Camaldoli comme «nécessaire», en en tirant une leçon utile. Le secrétaire d’État a apporté une précision sur le contexte historique et ecclésial: «Nous étions dans la catastrophe du fascisme et de la guerre, à la veille de la constitution de ce qui allait devenir le "Parti catholique"». Bien que nous vivions aujourd'hui dans une situation géopolitique totalement différente, «une guerre inattendue au cœur de l'Europe semble vouloir raviver la macabre nostalgie totalitaire».
Le tournant anthropologique actuel risque de remettre en cause la foi
Le cardinal Pietro Parolin n'a pas non plus oublié les conditions ecclésiales différentes de 1943: on n'imaginait pas à l'époque que le renouveau du concile Vatican II arriverait, et pourtant «nous vivons maintenant, a-t-il admis, un tournant anthropologique qui semble vouloir remettre en question la foi elle-même». Il peut être bénéfique de faire un discernement précis pour comprendre l'histoire en cours et la nécessité d'élaborer une culture adéquate qui, a-t-il noté, est en grande partie sans précédent aujourd'hui. C'est, selon lui, la responsabilité de tout le peuple de Dieu aujourd'hui.
À cet égard, comme l'avait d'ailleurs déjà demandé le cardinal Matteo Zuppi, président de la conférence épiscopale italienne, lors de l'ouverture de la conférence de Camaldoli, le cardinal Parolin a souhaité que se multiplient les lieux de rencontre, de formation, les occasions de réflexion commune, non seulement sur les questions civiles et sociales, mais aussi sur celles qui touchent à la foi. Le synode actuellement en cours est l'expression de tout cela, a souligné le secrétaire d'État, avec l'implication des croyants laïcs.
Le témoignage des chrétiens dans le développement de la vie démocratique
Le cardinal Parolin a exprimé la conviction que la participation au développement démocratique de la société civile et des institutions a aujourd'hui besoin de femmes et d'hommes chrétiens, conscients de leur foi, qui témoignent, dans tous les domaines de la vie commune, de leur inspiration, des valeurs et des comportements que leur foi continue à fermenter, sans lesquels cette société ne sera pas meilleure.
Le diplomate a mis en garde contre l'individualisme exagéré qui, selon lui, ne rend pas aux personnes la liberté qu'elles espèrent, le bonheur qu'elles recherchent, mais plutôt l'autoconsommation. «Nous devons retrouver la passion de l'autre, la reconnaissance de l'autre, l'accueil de l'autre», a-t-il plaidé, avant d’en revenir au sens des paraboles des lectures dominicales, et de souligner que «le Royaume des cieux grandit invisiblement dans l'histoire humaine, là où vit le désir de la pleine dignité humaine; là où vit l'amour de la liberté des personnes et des peuples, à travers le droit et la justice; là où vit la compassion pour les autres, qui est déjà un désir de Dieu».
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