Jubilé 2025: Témoigner de l'espérance est une nécessité, estime Mgr Fisichella
Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican
17h29 ce jeudi soir, le Pape a remis la Bulle d’indiction aux archiprêtres des basiliques papales. Une lecture en a été donnée dans la basilique Saint-Pierre avant la célébration des Secondes Vêpres, en la solennité de l’Ascension. Le jubilé ordinaire de 2025 est ainsi officiellement proclamé.
De l’ouverture de la Porte sainte de la première des basiliques majeures le 24 décembre prochain à sa fermeture le 6 janvier 2026, la ville des saints Pierre et Paul s’attend à accueillir 32 millions de personnes dont au moins 100 000 fidèles à pieds, des «pèlerins d’espérance».
Mgr Rino Fisichella, pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation, revient sur l’impulsion que le Saint-Père souhaite donner à ce jubilé 2025 et dont témoigne le titre de cette bulle d’indiction, “Spes non confondit”.
Dans sa Bulle d'indiction, le Pape invite à réanimer cette vertu théologale qu'est l'Espérance, pourquoi François en voit-il la nécessité?
Le monde est dans un contexte de violence, dans un contexte de guerre. Combien de fois le Pape a parlé de troisième guerre mondiale fragmentée. Et combien de fois a-t-on fait l'expérience du mal dans notre vie quotidienne. Le témoignage de l'espérance chrétienne est une nécessité. L'Église parle toujours de la foi et de la charité, mais on a oublié l'espérance. L’année jubilaire devient l'opportunité, le chemin pour mettre au centre la Résurrection du Christ. On ne peut oublier que la vie de l'Église reste toujours l'annonce du Christ mort et ressuscité.
Comment le Pape propose-t-il de faire de ce temps jubilaire de rémission des péchés un temps d'apprentissage pour témoigner de l'espérance?
Le sens le plus profond du jubilé reste toujours l'expérience du pardon et de la miséricorde de Dieu, et cela va devenir plus important encore face à l'annonce de l'espérance. Lors du jubilé, nous n’avons pas seulement l'espérance de recevoir le pardon de Dieu. L'espérance devient une certitude, une expérience concrète avec laquelle chacun de nous peut toucher de la main la miséricorde de Dieu et son pardon.
Dans sa bulle d’indiction, le Saint-Père écrit qu’il n'est pas suffisant d'annoncer l'espérance, il faut aussi donner des signes concrets de cette Résurrection, c'est-à-dire protéger la dignité de chacun, promouvoir la personne, tout faire pour donner un futur à chacun. Cela me semble vraiment une nouveauté qui doit être soulignée: l'annonce doit être soutenue par l'engagement des chrétiens à créer de nouveaux signes d'espérance.
«Que le jubilé puisse être pour tous l'occasion de réanimer l'espérance». Le Pape, dans sa bulle d’indiction, ne s'adresse pas qu'aux fidèles. Pourquoi, et pour dire quoi?
La Bulle parle d'un appel à l'espérance. Il s’agit d’un appel qui est pour chacun et pour tout le monde, pour ceux qui œuvrent chaque jour pour être des artisans de paix et pour ceux qui sont responsables de la paix au niveau des gouvernements (politiques). Le Saint-Père n'a pas peur de lancer des appels qui -nous l’espérons de tout cœur- pourront être écoutés, entendus et mis en pratique. Le Pape parle, par exemple, des différentes formes par lesquelles on peut amnistier les prisonniers. Il est d’ailleurs très intéressant que le Saint-Père ait le désir d'ouvrir une porte sainte dans une prison. Il faut souligner également l'appel lancé aux évêques afin qu’ils soient des témoins vivants engagés contre la peine de mort. La peine capitale ne peut plus être défendue dans le contexte culturel qui est le nôtre. Le Pape appelle également les gouvernements les plus riches à regarder la pauvreté d'un tiers pays, mais aussi les personnes qui souffrent et qui meurent pour la faim, et toutes les ressources financières qui sont consacrées à la guerre. C’est vraiment l’ancien appel de la Bible dans le livre du Lévitique au chapitre 25 quand on parle du premier jubilé, mais dans notre société, dans notre culture, dans le monde que nous habitons.
Dans sa bulle, le Pape insiste sur le pèlerinage, qui caractérise les années jubilaires. Il offre l'expérience du silence, de l'essentialité, dit François. Quelle importance revêt ce chemin d'effort pour les pèlerins d'espérance que les catholiques sont donc appelés à être, ou en tout cas à devenir?
Le pèlerinage est bien sûr un des signes les plus importants du commencement de l'expérience jubilaire. Mais le pèlerinage symbolise aussi la vie de chacun d’entre nous. On vit un pèlerinage. Le philosophe français Gabriel Marcel publiait au lendemain de la Seconde Guerre Homo Viator, l’homme pèlerin. C'est le chemin pour découvrir de nouveau l'importance de la foi dans notre vie. On ne peut pas oublier que le monde entier vit aujourd’hui encerclé dans une nouvelle culture, qui nous parle de technologies et d'intelligence artificielle. Les jeunes âgés de 25 ans vivent avec son langage et avec les comportements conséquents. Il semble que la foi n'a plus une place très importante dans la vie des personnes, parce que la technique semble donner les espérances -au pluriel- que nous désirons, mais il faut passer des espérances à l'espérance, et cela vient avec une foi qui devient chaque jour plus forte et par le témoignage d’une charité toujours plus cohérente.
Comment vivre le Jubilé à l’aune de la marche synodale entreprise par l’Église?
Jubilé et synodalité vont dans la même direction, ils sont en marche. Le chemin synodal, qui vivra un autre moment privilégié en octobre prochain au Vatican, est la démarche de toute l'Église vers une vie de conversion. N'oublions pas que le chemin synodal, c'est toujours un chemin d'évangélisation. Car son but est, et reste encore, de définir de quelle façon nous pouvons être des témoins crédibles lorsqu’on annonce l'Évangile. L'Église ne peut pas oublier sa nature et la responsabilité reçue du Christ qui consiste à annoncer l'Évangile à chacun dans le monde d'aujourd'hui. Le chemin synodal devient la méthode pour annoncer l'Évangile aujourd'hui et les jubilés deviennent une capacité et une modalité pour annoncer l'Évangile de l'espérance.
En 2025, coïncidence du calendrier, les chrétiens célèbreront Pâques le même jour; sera également le 1700ème anniversaire du Concile œcuménique de Nicée. Le Jubilé peut-il être l’occasion d’un tournant pour l’unité des chrétiens?
Il offrira une réelle possibilité pour tous les croyants de voir l'Église quand elle était une. Même s'il y avait en même temps des diatribes, des luttes, des confrontations, le concile de Nicée nous parle d'unité. C’est un concile qui a été réuni, pour la première fois, pour l'unité de toute l'Église. Et il faut nous rappeler qu’il existe encore un signe très concret en témoignant. Vous savez que pour la première fois, la profession de foi écrite à Nicée ne dit pas «je crois», comme c’était jusqu’alors d’usage, mais dit «nous croyons». Le texte de la profession de foi de Nicée parle au pluriel avec le «nous» ecclésial. Je pense que le Jubile permettra à tous les croyants chrétiens de faire un effort pour retrouver cette unité et cette conscience d'être «nous».
À Rome plusieurs «itinéraires de foi» seront proposés aux pèlerins et un calendrier des célébrations et des événements a également été établi par le Vatican qui proposera des jubilés dédiés aux prisonniers, aux grands-parents ou aux communicants, mais comment les fidèles qui ne seront pas en mesure de faire le déplacement pourront-ils vivre le Jubilé?
Si on attend un volume d’environ de 32 millions de personnes à Rome, la majeure partie des fidèles resteront dans leur église. Les concernant, je dirais que la Bulle du Saint Père est très claire. Le Pape François écrit que le jubilé doit être vécu aussi dans les églises locales. Et c'est pour cette raison que les évêques sont invités à vivre le jubilé de l'espérance dans la solennité de la prière, la solennité de l'ouverture de l'année jubilaire dans leur cathédrale, mais aussi en vivant les différentes expériences organisées à Rome avec le Saint-Père. Elles peuvent être vécues dans les diocèses. Je pense, par exemple, à la journée des pauvres, au jubilé des familles, à celui des prisonniers, au jubilé des malades. J’espère que tous les événements inscrits au calendrier pourront être vécus dans les diocèses.
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