Méditation de la retraite du Synode: «Résurrection: Chercher dans l'obscurité»
Père Timothy Radcliffe OP
L’année dernière, lors de la retraite, nous avons réfléchi à la manière de nous écouter les uns les autres. Comment pouvons-nous faire face à nos différences avec espoir, en ouvrant nos cœurs et nos esprits les uns aux autres ? Certaines barrières sont tombées, et j’espère que nous avons commencé à voir ceux avec qui nous sommes en désaccord non pas comme des adversaires, mais comme des disciples, des chercheurs.
Cette année, nous avons un nouveau thème: «Comment être une Église synodale missionnaire». Mais, le fondement de tout ce que nous ferons est le même: une écoute patiente, imaginative, intelligente et ouverte. J’ai même pensé à répéter les mêmes conférences que lors de la dernière retraite, mais vous risquez de vous en apercevoir ! Herbert McCabe OP s’est rendu compte au dernier moment qu’il devait donner une conférence devant une éminente société théologique. Il a pris une conférence dans ses dossiers, a sauté sur sa moto et est arrivé juste à temps. En ouvrant ses notes, il s’aperçut qu’il avait déjà donné la même conférence à la même société un an plus tôt. Je lui ai demandé: «Qu’as-tu fait ? J’ai laissé de côté les blagues. Ce sont les seules choses dont les gens se souviennent». Vous avez une meilleure mémoire.
L’écoute profonde reste le fondement de tout ce que nous ferons cette année. C’est, comme le dit l’I.L., «le premier acte de l’Église» (60). Le poète Amos Oz a dit de son grand-père: «Il écoutait. Il ne s’est pas contenté de faire poliment semblant d’écouter, tout en attendant impatiemment qu’elle finisse ce qu’elle disait et se taise. Il n’interrompait pas la phrase de sa partenaire pour la terminer à sa place. Il n’est pas intervenu pour résumer ce qu’elle disait afin de passer à un autre sujet. Il ne laissait pas son interlocutrice parler dans le vide pendant qu’il préparait dans sa tête la réponse qu’il fera lorsqu’elle aura enfin terminé. Il ne faisait pas semblant d’être intéressé ou amusé ; il l’était vraiment1». L’écoute de Dieu et de nos frères et sœurs est la discipline de la sainteté.
Cette année, nous réfléchirons à «la mission unique d’annoncer le Seigneur ressuscité et son évangile au monde d’aujourd’hui» (I. L. Introduction) à un monde qui «habite dans les ténèbres et l’ombre de la mort » (Luc 1,79). Pour guider nos méditations, nous prendrons quatre scènes de résurrection de l’Évangile de saint Jean: «La recherche dans l’obscurité», «La chambre close», «L’étranger sur la plage » et «Le petit déjeuner avec le Seigneur». Chacune de ces scènes nous éclaire sur la manière d’être une Église synodale missionnaire dans notre monde crucifié.
Notre première scène commence dans la nuit: «Le premier jour de la semaine, de bonne heure, quand il faisait encore nuit, Marie-Madeleine vint au tombeau» (20,1). C’est là que nous nous trouvons aujourd’hui. Notre monde est encore plus assombri par la violence qu’il y a un an. Elle vient chercher le corps de son maître bien-aimé. Nous aussi, nous sommes réunis dans ce Synode pour chercher le Seigneur. En Occident, Dieu semble avoir largement disparu. Nous ne sommes pas tant confrontés à l’athéisme qu’à une indifférence généralisée. Le scepticisme empoisonne même le cœur de nombreux croyants. Mais tous les chrétiens, où qu’ils soient, cherchent le Seigneur, comme Marie-Madeleine avant l’aube.
Nous aussi, nous pouvons avoir l’impression d’être dans l’obscurité. Depuis la dernière Assemblée, tant de personnes, y compris des participants à ce Synode, ont exprimé leurs doutes quant à la possibilité de réaliser quoi que ce soit. Comme Marie-Madeleine, certains disent:
«Pourquoi nous ont-ils enlevé notre espérance ? Nous attendions beaucoup du Synode, mais peut-être n’y aura-t-il que quelques mots de plus».
Mais, bien qu’il fasse nuit, le Seigneur est déjà présent dans le jardin avec Marie-Madeleine et avec nous. Avant sa mort, Jésus a dit: «si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste un simple grain ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit» (12,24). Le grain avait été semé dans la terre riche du jardin par Joseph d’Arimathie et Nicodème, semé dans un tombeau neuf que personne n’avait utilisé. Il est sur le point de fleurir. L’aube est proche. Comme Marie- Madeleine, nous recevrons plus que ce que nous cherchons si nous sommes ouverts à la rencontre avec le Seigneur.
Dans le jardin, nous rencontrons trois chercheurs, Marie-Madeleine, le disciple bien-aimé et Simon Pierre. Chacun cherche le Seigneur à sa manière, chacun a sa façon d’aimer et chacun a son vide. Chacun de ces chercheurs a son rôle à jouer dans l’éveil de l’espérance. Il n’y a pas de rivalité. Leur dépendance mutuelle incarne le cœur de la synodalité. Nous pouvons tous nous identifier au moins à l’un d’entre eux. Lequel êtes-vous?
Tomas Halik a affirmé que l’avenir de l’Église dépend de sa capacité à tendre la main aux chercheurs de notre société. Il s’agit souvent des «nones». Je ne parle pas des religieuses contemplatives, mais les personnes qui se disent sans appartenance religieuse. Eux aussi sont souvent à la recherche du sens de leur vie. Halik écrit que les chrétiens doivent donc être disposés à être «des chercheurs avec ceux qui cherchent et des questionneurs avec ceux qui questionnent2».
Tous les récits de la résurrection sont remplis de questions. À deux reprises, on demande à Marie-Madeleine pourquoi elle pleure. Elle demande où ils ont mis le corps. Tous demandent pourquoi le tombeau est vide. Dans le récit de Marc, les femmes demandent: «Qui roulera la pierre pour nous?» (16,3). Les récits de Luc sur la résurrection sont remplis de questions :
«Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? » Jésus demande aux disciples qui fuient vers Emmaüs: «De quoi parlez-vous?». Puis à tous les disciples: «Pourquoi avez-vous peur ? Pourquoi des doutes s’élèvent-ils dans vos cœurs?» (24,38). La résurrection fait irruption dans nos vies non pas sous la forme d’une simple déclaration de fait, mais sous la forme de questions de recherche.
Les questions profondes ne sont pas en quête d’information. Elles nous invitent à vivre d’une manière nouvelle et à parler un langage nouveau. Le poète Rainer Maria Rilke a écrit: «Ne cherchez pas des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne saurez pas les vivre. Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez, pour l’instant, que vos questions. Peut- être simplement finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses3».
La résurrection n’est pas la vie de Jésus qui reprend après une brève irruption, mais une nouvelle façon d’être en vie dans laquelle la mort a été vaincue. Et ainsi, à travers les Évangiles, elle fait irruption dans nos vies, d’abord sous forme de questions urgentes qui ne nous permettront pas de continuer à vivre de la même manière. De même, nous arrivons à ce Synode avec beaucoup de questions, par exemple, sur le rôle des femmes dans l’Église. Ce sont des questions importantes. Mais, elles ne peuvent pas être considérées comme de simples questions de savoir si quelque chose sera autorisé ou refusé. Cela reviendrait à rester le même type d’Église. Les questions auxquelles nous sommes confrontés devraient plutôt ressembler à celles des évangiles, qui nous invitent à vivre plus profondément ensemble la vie Ressuscitée.
Nous devons donc oser apporter à ce synode les questions les plus profondes de nos cœurs, des questions déconcertantes qui nous invitent à une vie nouvelle. Comme ces trois chercheurs dans le jardin, nous devons répondre aux questions des uns et des autres si nous voulons trouver une nouvelle façon d’être Église. Si nous n’avons pas de questions, ou des questions superficielles, notre foi est morte. Un archevêque, qui n’est pas présent parmi nous aujourd’hui, a dit à un groupe de novices dominicains: «Veillez à ce que vous lisiez tous la Somme de l’Aquinate. Elle contient cinquante-six mille réponses à tous ceux qui critiquent l’Église catholique4». La légende veut qu’enfant, sa première question ait été «Qu’est-ce que Dieu?» et que sa sainteté ait consisté à refuser toute réponse, car, disait-il, nous sommes unis à Dieu comme à l’inconnu.
Si nous écoutons les questions des uns et des autres avec respect et sans crainte, nous trouverons une nouvelle façon de vivre dans l’Esprit. Comme je l’ai dit l’année dernière, la devise de l’Académie dominicaine de Bagdad est: «Ici, aucune question n’est interdite». Nous sommes Marie-Madeleine, le disciple bien-aimé et Simon Pierre, et ce n’est qu’ensemble que nous trouverons le Seigneur qui nous attend.
Regardons chacun de ces chercheurs et voyons ce qu’ils peuvent nous apprendre sur la manière de tendre la main aux chercheurs de notre temps. Marie-Madeleine est attirée par un tendre amour. Il est terre à terre, physique, de chair et os. Elle voudrait prendre soin du corps de son Seigneur bien-aimé. Elle représente certainement tous ceux dont la vie est animée par la compassion pour les blessés du monde. Mère Teresa, qui a cherché le corps de son Seigneur dans les rues de Kolkata, saint Damien de Molokai, qui a donné sa vie à ceux qui souffraient de la lèpre à Hawaï.
Pensez aussi à ces millions de personnes qui ne connaissent pas le Christ et qui sont pourtant remplies de compassion pour ceux qui souffrent. Comme Marie-Madeleine, ils cherchent les corps des blessés. Le monde est en pleurs. Quatre jours après la dernière Assemblée, le Hamas a commis ces terribles atrocités qui ont plongé le Moyen-Orient dans la guerre. Les gens pleurent en Ukraine et, oui, en Russie aussi, devant la mort et la mutilation de centaines de milliers de jeunes, comme ils pleurent aussi au Soudan et en Birmanie. L’un des groupes d’étude convoqués par le Saint-Père porte le nom «Écouter le cri des pauvres». Il pourrait s’appeler «Écouter le cri de ceux qui pleurent». Marie-Madeleine est leur patronne.
Puis Marie entend son nom: «Marie»; «Rabbouni». C’est normal que le vide de celle dont la vie est animée par un amour tendre et compatissant soit comblé par son nom. Elle a cherché un cadavre, mais elle a trouvé plus que ce qu’elle aurait pu rêver, l’amour qui est pour toujours vivant. Notre Dieu nous appelle toujours par notre nom. «Mais maintenant, ainsi parle le Seigneur, lui qui t’a créé, Jacob, et t’a façonné, Israël: “Ne crains pas, car je t’ai racheté; je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi” » (Isaïe 43,1)
Son nom signifie la rencontre, la présence du Seigneur. La première chose qui se passe lors du baptême est la demande d’un nom. Quel est ton nom? ou quel nom donnes-tu à ton enfant? Le nom n’est pas une étiquette que l’on colle sur les enfants pour les distinguer les uns des autres: cela ferait de moi l’enfant n° 4. Notre nom est le signe que nous sommes chéris par Dieu dans notre singularité.
Le pape François a opposé la façon dont l’empereur romain voyait le monde, comme un recensement comptant des chiffres, à notre Dieu: «Cher frère, chère sœur, pour Dieu qui a changé l’histoire lors du recensement, tu n’es pas un numéro, mais tu es un visage […] le Christ ne regarde pas les numéros, mais les visages».
Notre mission consiste donc à nommer le Dieu qui nous cherche dans l’obscurité. Et à chérir le nom et le visage de chacun. Nous ne serons les médiateurs de la présence de Dieu que si nous sommes présents les uns aux autres dans ce Synode. Gregory Boyle SJ travaille avec de jeunes membres de gangs à Los Angeles. Le secret de son ministère est de connaître leurs noms. Pas seulement leurs noms officiels ou leurs surnoms, mais les noms que leurs mères leur donnent quand elles ne sont pas en colère. Lorsqu’il a appelé le jeune Lula par son nom, «on aurait pu croire que je l’avais électrocuté. Tout son corps est parcouru de spasmes de joie d’être connu, d’être appelé, d’entendre son nom prononcé à haute voix. Pendant tout son trajet sur le passage piéton, Lula n’a cessé de se retourner et de me regarder en souriant5 ».
Les régimes tyranniques effacent les noms et les visages. À Auschwitz, saint Maximilien Kolbe est devenu le prisonnier 16 670. Le président russe a toujours refusé de nommer l’homme qui s’est courageusement opposé à lui, Alexie Navalny. Il s’agissait simplement d’une «certaine personne». De même, Nelson Mandela est devenu le visage de l’opposition au régime de l’apartheid. C’est pourquoi, lorsqu’il fut emprisonné, on interdit de publier une image de son visage. On l’effaça de la mémoire publique. Ainsi, lorsque, après des décennies d’emprisonnement, on l’autorisa à se promener sur la plage, personne ne le connaissait. Son visage avait été privé de son pouvoir.
Ce synode sera un moment de grâce si nous nous regardons les uns les autres avec compassion, et si nous voyons des gens qui sont comme nous, en recherche. Pas des représentants des partis de l’Église, cet horrible cardinal conservateur, cette effrayante féministe! Mais, des compagnons de recherche, blessés mais joyeux. Je dois avouer que je n'arrive pas à me souvenir des noms, en partie parce que je suis sourd. C’est mon excuse. Pardonnez-moi!
Mais, le tendre amour de Marie-Madeleine a besoin d’être guéri. Jésus lui dit: «Ne me retiens pas». Les exégètes ont avancé des hypothèses absurdes pour l’expliquer, la plus invraisemblable étant que les plaies de Jésus étaient encore douloureuses! Il lui dit qu'elle ne peut pas prendre possession de lui à titre privé. Sa présence auprès d'elle ne lui appartient pas. La résurrection est la naissance de sa communauté. «Le Peuple de Dieu n'est jamais la somme des baptisés, mais le “nous” de l'Église» (I.L. 3). «Mais va vers mes frères et dis-leur: “Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu”». C’est la première fois dans l’Évangile de Jean qu’il appelle les disciples «frères». Fratelli Tutti! Elle doit libérer son amour de toute exclusivité ! Elle sera alors prête à annoncer la bonne nouvelle aux disciples:
«J’ai vu le Seigneur». C’est aussi notre défi. Ne pas m’attacher à mon Jésus anglais ou à mon Jésus dominicain, mais au Seigneur en qui nous sommes tous frères et sœurs, même les Jésuites ! Ce synode sera fructueux si nous apprenons à dire «nous». «Mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu».
Ensuite, il y a le disciple que le Seigneur aimait. Lui aussi a sa manière d’aimer et son vide, l’extinction de la lumière de sa vie. Il laisse le vieux Pierre, soufflant et haletant, entrer le premier dans le sombre tombeau; mais c’est lui qui voit l’espace vide entre les anges et croit. C'est l'amour qui permet de voir. Ubi amor, ibi oculus (Richard de St.-Victor). Là où il y a l'amour, il y a la vue. Il voit avec les yeux de l’amour et voit donc la victoire de l’amour. Son Évangile est celui de l’aigle, dont les yeux étaient censés regarder directement la lumière du soleil sans être aveuglés. Sa recherche est éminemment théologique.
Cette année, j’ai passé deux semaines à l’École biblique de Jérusalem. Les frères vivent dans l’ombre de la mort, à quarante minutes de Gaza. Ils y restent, étudiant la Parole de Dieu, enseignant et priant. Ils restent comme un signe que «la lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas vaincue» (Jean 1,5). Le vide de Marie-Madeleine est guéri par l’appel d’un nom – la présence – et celui du disciple bien-aimé par la lumière qui brille dans un tombeau vide. Il incarne ainsi tous ceux qui cherchent à comprendre le sens de nos vies, le vide en forme de Dieu dans nos cœurs, comme le disait Blaise Pascal. Les penseurs chrétiens bien sûr, mais aussi tous ceux qui luttent pour trouver la lumière dans l’obscurité de nos souffrances: les poètes, les artistes et les cinéastes qui refusent de croire que les ténèbres remportent la victoire. Pour notre prédication de la résurrection, nous avons besoin d’eux, ouverts à leur sagesse comme saint Thomas d’Aquin l’était au païen Aristote. L’Aquinate a écrit que toute «vérité, peu importe par qui elle est dite, vient de l’Esprit Saint (omne verum, a quocumque dicatur, est a Spiritu Sancto)6 ».
Puis, il y a Simon Pierre. Son vide est le plus lourd de tous, le fardeau de l’échec. Il a renié son ami. Il désire certainement ces paroles de guérison qui seront enfin prononcées sur la rive. Notre mission pastorale est donc aussi d’être avec tous ceux qui sont accablés par l’échec et le péché et de partager le pardon que nous avons reçu, notre propre découverte de la grâce étonnante de celui qui a «sauvé un misérable comme moi. J’étais perdu, mais maintenant je suis retrouvé; j’étais aveugle, mais maintenant je vois». Notre mission est de nommer le miséricordieux dont, comme Pierre, nous avons besoin.
Ainsi, dans cette première scène de résurrection, nous voyons comment le Seigneur répond à trois formes de recherches qui correspondent à trois vides dans nos vies: le tendre amour qui cherche la présence ; la recherche du sens et de la lumière et du pardon. Chaque chercheur a besoin de l’autre. Sans Marie, ils ne seraient pas venus au tombeau. Elle dit que le Seigneur est présent. Sans le disciple bien-aimé, ils n’auraient pas vu dans le vide du tombeau la Résurrection; sans Pierre, ils n’auraient pas compris que la Résurrection est le triomphe de la miséricorde.
Chacun représente un groupe qui s’est senti exclu d’une manière ou d’une autre lors de la dernière Assemblée. Marie-Madeleine nous rappelle également que les femmes sont souvent exclues des positions officielles d’autorité dans l’Église. Comment trouver la voie à suivre, que la justice et notre foi exigent? Leur recherche est la nôtre. Lors de la dernière Assemblée, de nombreux théologiens se sont sentis marginalisés. Certains se demandaient pourquoi ils avaient pris la peine de venir. Nous ne pouvons rien faire sans eux. Et le groupe le plus réfractaire à la voie synodale était celui des pasteurs, des prêtres de paroisse qui comme bergers de la miséricorde partagent tout particulièrement le rôle de Pierre. L'Église ne peut pas devenir vraiment synodale sans eux aussi.
Quand presque tous ont le sentiment que c'est eux-mêmes les exclus, il ne devrait pas y avoir de compétition pour le statut de victime! Tous ces témoins sont nécessaires pour chercher le Seigneur dans l’obscurité, de même que le Synode a besoin de toutes les manières dont nous aimons et cherchons le Seigneur, et comme nous avons besoin des chercheurs de notre temps, même s’ils ne partagent pas notre foi.
Comment cela va-t-il déboucher sur la mission? Ces mots sont attribués à Antoine de Saint- Exupéry. Ils sont encore meilleurs que ce qu’il a réellement écrit: «Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et tes femmes pour leur donner des ordres, ni pour leur expliquer chaque détail de ce qu’ils doivent faire ou où trouver tout… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et de tes femmes le désir de la mer7 !» Donnez aux gens le goût de l’infini, et ils trouveront leurs propres moyens pour fabriquer des bateaux et s’élancer dans le vaste océan.
Chacun de ces témoins est touché par un amour infini. Marie-Madeleine est touchée par une tendresse infinie; le disciple bien-aimé est mû par la recherche d’un sens illimité; Pierre, par le besoin d’une miséricorde sans limites, qui pardonne non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois. Si nous nous ouvrons à l’aspiration infinie de chacun, nous mettrons à l’eau la barque de la mission. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons, selon les mots d’Éphésiens, «comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin d’être comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu» (3,18.19).
1 Amos OZ, A Tale of Love and Darkness, Vintage, Londres, 2005, p. 110.
2 Tomáš HALÍK, Patience with God, Doubleday, New York, 2009, p. 9.
3 Rainer Maria RILKE, Lettre 4, du 16 juillet 1903, dans : Lettres à un jeune poète, trad. par Sacha Zilberfarb, Seuil, Paris, 2020, p. 35.
4 Paul MURRAY OP. « Dominicans and the Key of Knowledge », Conférence aux frères dominicains étudiant à Rome - PUST, Angelicum, le 19 février 2023.
5 Ibid., p. 47.
6 Somme théol., Iª-IIae, q. 109, a. 1, ad 1.
7 « Créer le navire ce n’est point tisser les toiles, forger les clous, lire les astres, mais bien donner le goût de la mer qui est un, et à la lumière duquel il n’est plus rien qui soit contradictoire mais communauté dans l’amour » (A. SAINT-EXUPERY, Citadelle, Gallimard, Paris, 1959, p. 687).
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