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Synode des évêques. Synode des évêques.   (ANSA)

Méditation de la retraite synodale: «La salle fermée à clé»

Dans sa deuxième méditation pour la retraite du Synode qui s'est ouverte lundi matin, le frère dominicain et ancien maître de l'Ordre des prêcheurs, le père Timothy Radcliffe, a proposé une réflexion sur «la salle fermée à clé» à ceux qui participeront à la deuxième session de la XVIe Assemblée générale du Synode des évêques, qui débutera le mercredi 3 octobre.

Père Timothy Radcliffe

Ce matin, nous avons vu les disciples courir dans l’obscurité, à la recherche du Seigneur. Le disciple bien-aimé voit et croit. C’est l’aube. Maintenant, c’est le soir et nous sommes de nouveau dans l’obscurité, et ils sont immobilisés dans la pièce fermée à clé.

Le matin était sombre au début parce qu’ils n’avaient pas encore trouvé le Seigneur ressuscité. Le soir est sombre car ils ne sont pas encore remplis de l’Esprit Saint, le souffle vivant du Seigneur ressuscité. Jésus est sorti du tombeau vide. Ils sont encore dans le tombeau de la chambre fermée. La Genèse dit qu’au commencement, «le Seigneur Dieu forma l’homme de la poussière du sol, il souffla dans ses narines une haleine de vie1 et l’homme devint un être vivant» (2,7). Jésus leur donne alors le souffle de la vie éternelle: «Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus». Ils partagent sa vie ressuscitée et sont donc prêts à être envoyés prêcher.

Ce matin, nous avons vu que la mission de l’Église synodale nous appelle à être comme Marie- Madeleine, le disciple bien-aimé et Pierre, ceux qui cherchent le Seigneur ressuscité. De la même façon, nous devons être proches des chercheurs de notre temps. Mais, nous ne deviendrons des prédicateurs de la résurrection que si nous sommes vivants en Dieu. Aujourd’hui, personne ne croira un zombie. Souvenez-vous d’Irénée: Gloria Dei, homo vivens; la gloire de Dieu est l’homme vivant. Comme Lazare, nous entendons la voix du Seigneur qui nous invite à sortir de nos chambres closes: «Sors et vis!».

La sainteté, c’est d’être vivant en Dieu. Un cousin de Charles de Foucauld, qui était très porté sur les plaisirs de la table et de la boisson, décrit une visite de Charles qui revenait à Paris pour un court séjour après des années de vie au Sahara: «Il entra dans la pièce et la paix entra avec lui. L’éclat de ses yeux et surtout ce très humble sourire avaient envahi toute sa personne… Il émanait de lui une joie incroyable… Moi, en voyant que la somme de mes satisfactions ne pesait pas plus qu’une infime fraction en comparaison du bonheur complet de l’ascète, j’ai vu monter en moi un étrange sentiment non pas d’envie mais de respect2». On a dit de sainte Thérèse d’Avila qu'«elle avait une conscience ravie d’une vie au-delà du moi3». Ou encore, pensons à Carlo Acutis, un bel adolescent italien qui jouait aux jeux vidéo. Les milléniaux peuvent voir ici un de leur génération qui est vraiment vivant. Le défi pour nous est donc de nous aider les uns les autres à respirer profondément l'Esprit Saint qui rajeunit! C’est un peu un défi pour moi qui suis dans ma quatre-vingtième année!

La première tâche du leadership est de conduire le troupeau hors des petites bergeries, à l’air libre de l’Esprit Saint. Le leadership ouvre les portes verrouillées de salles étouffantes. Les disciples sont emprisonnés par la peur. Réfléchissons donc aux peurs qui peuvent nous empêcher de devenir vivants en Dieu, et donc de prêcher l’Évangile de la vie abondante.

Nous connaissons tous la peur d’être blessés. Certains d’entre nous viennent à cette Assemblée avec la crainte de ne pas être reconnus et acceptés. Nos espoirs les plus précieux pour l’Église risquent d’être dédaignés. Nous pouvons nous sentir invisibles. Osons-nous parler et risquer d’être rejetés? Si vous n’êtes pas habitué au monde du Vatican, avec ses titres grandioses et ses vêtements étranges, il peut être intimidant. Nous osons prendre le risque d’être blessés, car le Seigneur ressuscité est blessé. Il leur montre ses mains et son côté.

La Préface de Pâques va plus loin et proclame: «immolé, il est toujours vivant»; « sed semper vivit occisus». Rappelez-vous les paroles de mon frère Herbert McCabe: «Si vous aimez, vous serez blessés et même tués. Si vous n’aimez pas, vous êtes déjà morts». Devenir vivant en Dieu signifie ne pas craindre les blessures.

Notre couvent à Jérusalem est situé près de la Porte de Damas. C’est un lieu de tension où la vieille ville s’ouvre sur le quartier arabe. Un groupe de jeunes juifs se tenait là, les yeux bandés, offrant des «étreintes gratuites» à tous ceux qui le souhaitaient. De l’amour gratuit face à la haine gratuite. Ils ont pris le risque de recevoir un couteau au lieu d’une étreinte.

Alan Paton était un romancier sud-africain qui a courageusement fait campagne contre l’apartheid. L’un de ses personnages dit: «Lorsque je monterai au ciel, ce que j’ai bien l’intention de faire, le Grand Juge me dira: “Où sont tes blessures?” Et si je réponds que je n’en ai pas, il dira: “N’y avait-il rien à défendre ? 4».

Aux Philippines, j’ai rencontré une femme marquée par la lèpre. Pendant la majeure partie de sa vie, elle a vécu dans une léproserie dirigée par une branche de l’Ordre dominicain, les frères de Saint-Martin. Nombre d’entre eux souffrent également de la lèpre. Elle craignait de quitter l’endroit, même lorsqu’elle était guérie. Les gens auraient vu ses cicatrices et auraient eu peur, et elle est restée enfermée à l’intérieur. Un jour, elle a osé s’aventurer à l’extérieur et a découvert une nouvelle mission: voyager dans toute l’Asie pour inviter les personnes atteintes de la lèpre à sortir et à vivre.

Nous pouvons accepter le risque d’être blessés parce que le Seigneur nous a donné sa paix. Le film Des dieux et des hommes raconte l’histoire des moines trappistes qui ont refusé de fuir l’Algérie lorsque la violence terroriste a éclaté dans les années 1990. Frère Luc, l’ancien médecin de la communauté, dit: «Je ne crains pas la mort, je suis un homme libre». Dans l’ancien rite dominicain de la messe, le prêtre embrasse le calice du sang versé par le Christ avant le geste la paix.

La première création a commencé par «Que la lumière soit». La nouvelle création commence par « Que la paix soit ». Ces mots ne peuvent pas ne pas être prononcés. Le Mahatma Gandhi avait une image de Jésus dans sa chambre avec la citation de la Lettre aux Éphésiens: «Il est notre paix» (2,14). Jésus est le sabbat de Dieu. Dans l’Église primitive, on inscrivait «in pace» sur les tombes des chrétiens. Nous sommes baptisés dans la paix du Christ, que rien ne peut détruire. Nous n'avons à craindre rien.

À la fin des années soixante, ma communauté dominicaine d’Oxford a été attaquée par un groupe de fous. Pas les Jésuites! À deux heures du matin, deux petites bombes ont fait sauter toutes les fenêtres de la façade du couvent. Nous avons tous été réveillés et nous nous sommes précipités en bas. La police et les ambulances sont arrivées. Seul le prieur, Fergus Kerr, dormait encore profondément. Le plus jeune novice a été envoyé dans sa chambre. Fergus, Fergus, réveille-toi, il y a eu un attentat à la bombe. Est-ce qu’il y a des morts? Non. Des blessés? Non. Va-t’en et laisse-moi dormir! Nous y réfléchirons demain matin». Ma première leçon de leadership.

La victoire est acquise. Lorsque ses bourreaux sont venus chercher Dietrich Bonhoeffer, le dernier message qu’il a adressé à son ami l’évêque Bell de Chichester était: «Dites à l’évêque… notre victoire est certaine». L’un des frères peut changer de sexe, l’économe peut s’enfuir avec l’argent, l’Église peut exploser! Mais, le Christ est mort, le Christ est ressuscité, le Christ reviendra.

La paix de Dieu ne signifie pas que nous nous sentions en paix. Mon compagnon de noviciat Simon Tugwell OP a écrit: «Ce n’est pas une sensation subjective de paix qui est requise; si nous sommes en Christ, nous pouvons être en paix (in pace) et donc non troublés, même lorsque nous ne ressentons pas de paix5» Peut-être que pour beaucoup d’entre nous, le défi le plus profond est d’être en paix avec nous-mêmes. Osons-nous regarder nos propres cœurs troublés et divisés, les parties de nous-mêmes que nous n’aimons pas? La tentation est grande de projeter sur les autres ce que nous craignons et n’aimons pas en nous-mêmes. Tugwell le répète: «La paix vient avec une connaissance de soi sereine… Le chemin de la paix passe par l’acceptation de la vérité. Toute petite partie de nous-mêmes que nous refusons d’accepter sera notre ennemie, nous forçant à adopter des positions de défense. Et les morceaux rejetés de nous-mêmes s’incarneront rapidement dans ceux qui nous entourent6 ».

Notre amour féroce de l’Église peut aussi, paradoxalement, nous rendre étroits d’esprit: la peur qu’elle soit mise à mal par des réformes destructrices qui sapent les traditions que nous aimons. Ou la crainte que l’Église ne devienne pas la maison ouverte à tous à laquelle nous aspirons. Il est profondément triste que l’Église soit souvent blessée par ceux qui l’aiment, mais différemment! Saint Ephraïm a dit que l'Église catholique est «la grande église avec le grand giron7». J’ai rencontré un théologien luthérien allemand, enseignant à Oxford, qui m’a dit:

«Je crains que les catholiques ne soient en train de devenir protestants ». Nous oublions parfois l’ampleur du catholicisme, avec son à la fois/et. La vérité que nous aimons est, comme l’a écrit l’évêque Robert Barron, «aussi vaste que l’univers et aussi spécifique que la personne de Jésus8». Qu’il chasse la peur de ceux dont les conceptions de l’Église sont différentes. L’Église est entre les mains du Seigneur et Dieu a promis que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

À l’époque napoléonienne, un monseigneur agité est venu avec anxiété voir le secrétaire d’État, le cardinal Consalvi, et lui a dit: «Votre Éminence, la situation est très grave. Napoléon veut détruire l’Église ». Ce à quoi le cardinal répondit: «Même nous ne sommes pas parvenus à le faire!».

Notre amour même de l’Église, sous des formes tout à fait différentes, peut nous enfermer dans un monde étroit, le regard fixé sur nos nombrils ecclésiastiques, observant les autres, prêts à repérer leurs déviations et à les dénoncer. Le pape François, avant son élection, a dit que le Seigneur viendrait frapper à la porte et demanderait à sortir de la sacristie! Bien sûr, il y a des changements auxquels certains d’entre nous aspirent, mais que cela ne nous enferme pas dans notre petit monde ecclésiastique. Nous serions ennuyeux! Dieu se révèle au sommet des montagnes aux horizons illimités et à l’extérieur du camp.

Notre libération de ces chambres demande non seulement du courage, mais aussi le pardon guérisseur de Dieu. Le Seigneur ressuscité dit: «Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus».

Le péché nous enferme dans des prisons de narcissisme et de parties politiques, comme le fils aîné qui boude et ne veut pas se joindre à la fête pour accueillir son frère prodigue. Herbert McCabe ajoute: «Notre nature même nous appelle à quelque chose de nouveau et d’effrayant… Nous sommes le genre d’être qui ne trouve son accomplissement, son bonheur et son épanouissement que dans l’abandon et le dépassement de soi. Nous avons besoin de nous perdre dans l’amour; c’est ce que nous craignons. Nous sommes appelés à nous aventurer dans l’inconnu, à abandonner ce qui nous est familier et sûr, et à partir en voyage ou en quête. Pourtant, nous n’aimons pas prendre de risques. Nous nous contentons de la personne que nous avons atteinte ou construite parce que nous craignons d’être façonnés à l’image de Dieu. Cette absence de réponse à l’appel de la vie, cette absence de foi, s’appelle péché9 »

Ce synode n’est donc pas un lieu de négociations sur les changements structurels, mais un lieu de choix de vie, de conversion et de pardon. Le Seigneur nous appelle à sortir des petits endroits où nous nous sommes réfugiés et dans lesquels nous avons emprisonné les autres. L’hymne composé par Frederick Faber, l’oratorien du XIXe siècle, proclame:

«La miséricorde de Dieu est vaste comme la mer.»

Prions pour que la paix du Christ fasse fondre la violence qui habite nos cœurs et qui a crucifié Notre Seigneur. Dorothy Day a affirmé que « le grand combat est contre la violence plus que contre l’athéisme10». Elle a dit: «Les chrétiens, lorsqu’ils cherchent à défendre leur foi par les armes, par la force et la violence, sont comme ceux qui ont dit à Notre Seigneur: “Descends de la Croix. Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même”11». Ainsi, au cours de ce Synode, surmontons toute la violence dans nos cœurs: les pensées et les paroles violentes. Notre culture mondiale cultive un imaginaire violent. À l’âge de 18 ans, les adolescents américains auront en moyenne été témoins dans les médias de 200 000 actes de violence et de 16 000 meurtres12. Ces actes sont souvent glorifiés ou traités avec humour. La violence est normalisée et semble même inoffensive lorsque l’on zappe des ennemis démoniaques dans les jeux vidéo. Ce divertissement apparemment innocent nourrit une imagination violente qui n’éprouve aucune culpabilité à détruire, car dans le cybermonde, rien n’est réel13».

Le Corps du Christ est défiguré par des sites web empoisonnés, remplis d’accusations cruelles, de caricatures et de haine. Tous ceux qui exercent une forme quelconque de leadership dans l’Église en ont fait l’expérience. J’ai été accusé, en tant que Maître de l’Ordre, d’avoir autorisé un provincial à vivre avec sa maîtresse, une religieuse, dans un wagon de chemin de fer!

Notre monde violent prive tant de gens du moindre souffle de vie. Le péché de racisme, par exemple, empêche littéralement les gens de respirer. «I can’t breathe!» –Je ne peux pas respirer–, tels ont été les derniers mots d’un Afro-Américain, Eric Garner, répétés onze fois et enregistrés sur les téléphones des spectateurs alors que la police l’étouffait à Staten Island, dans l’État de New York, il y a dix ans. Ces mots sont devenus le cri de ralliement des Afro- Américains, symbole de leur oppression. Ce sont aussi les derniers mots de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné dans le consulat de son pays en Turquie le 2 octobre 201814. Laissons aux uns et aux autres le temps de respirer, l'oxygène du débat.

Cette paix indestructible ne signifie pas que nous vivons en parfaite harmonie. Nous sommes réunis dans cette Assemblée parce que ce n’est pas le cas. Pourtant, aucune discorde ne peut détruire notre paix en Christ, car nous sommes un en Lui. Thomas Merton a écrit dans son Asian Journal: «Nous sommes déjà un. Mais nous imaginons que nous ne le sommes pas. Et ce que nous devons retrouver, c’est notre unité originelle. Ce que nous devons être, c’est ce que nous sommes15».

Mais Thomas était absent lorsque Jésus est apparu. Peut-être parce qu’il n’avait pas peur? Quand Lazare était malade, il avait déclaré qu’il était prêt à monter à Jérusalem et à mourir avec Jésus (11,16). Il est passionné par la vérité: «Je ne croirai jamais, jamais, jamais16» si je ne mets pas mes doigts dans ses plaies. Et lorsqu’il voit le Seigneur, il fait sa confession passionnée: «Mon Seigneur et mon Dieu». Ce disciple passionné aussi nous invite à sortir de la petite pièce.

«Mon Seigneur et mon Dieu». Il s’agit littéralement d’une déclaration théologique : une parole sur Dieu. Le thème de cette Assemblée est une Église synodale en mission. Le cœur de cette mission est d’enseigner nos doctrines. Lorsque Marie-Madeleine est appelée par son nom, elle répond «Rabbuni», Maître. Dans les derniers mots de l’Évangile de saint Matthieu, Jésus envoie ses disciples enseigner toutes les nations. Comment allons-nous partager nos enseignements chrétiens avec un monde avide de sens?

Dans les banlieues pauvres de Paris, de jeunes catholiques demandent qu’on leur enseigne les doctrines de l’Église afin qu’ils puissent parler à leurs amis musulmans de ce que l’Église enseigne. Un rassemblement a eu lieu au début de l’année: «Assume ta foi en banlieue»17. Les jeunes ont faim de la riche viande de l’enseignement de l’Église. «Mon Seigneur et mon Dieu». Ils ne seront pas satisfaits si nous leur offrons seulement un Jésus qui était un gars sympa et qui veut que nous soyons gentils les uns envers les autres.

Notre société est affligée d’un profond préjugé contre le dogme. Steve Jobs, cofondateur d’Apple, l’a résumé dans son discours de remise des diplômes à Stanford en 2005: «Votre temps est limité, alors ne le gaspillez pas en vivant la vie de quelqu’un d’autre. Ne vous laissez pas piéger par le dogme, qui consiste à vivre avec les résultats de la pensée d’autrui». Bien entendu, il ne faisait que répéter un dogme éculé de notre époque et ne pensait pas par lui- même.

G.K. Chesterton affirmait: «Il n’y a que deux sortes de personnes, celles qui acceptent les dogmes et le savent, et celles qui acceptent les dogmes et ne le savent pas… Les arbres n’ont pas de dogmes. Les arbres n’ont pas de dogmes. Les navets sont singulièrement larges d’esprit18». Certains dogmes de notre époque sont en effet des chambres closes étouffantes sans oxygène: le relativisme, toutes sortes de fondamentalisme matérialiste, nationaliste, scientiste, le fondamentalisme religieux. Ils enferment les gens dans de petites imaginations craintives.

Mais les grands enseignements de notre foi, notre Credo en essence, déverrouillent les portes de nos cœurs et de nos esprits. Ils nous poussent au-delà des petites réponses et nous propulsent dans la recherche sans fin de celui qui est l’amour infini et la vérité, qui dépasse à jamais notre portée. Lorsque j’étais un jeune frère à la fin des années 60 et que tout semblait s’effondrer, la plupart d’entre nous sont restés dans l’Ordre parce qu’ils ont entrevu la beauté radieuse du Credo, la vérité que nous ne possédons pas mais qui nous possède. Les jeunes ne se contenteront de rien de moins.

Comment pouvons-nous inviter les gens de notre époque à entrer dans l’espace ouvert de notre foi? Comment, par exemple, pouvons-nous toucher leur imagination avec la glorieuse doctrine de la Trinité, l’enseignement le plus terre à terre et le plus pratique qui soit? Pour cela, nous avons besoin de l’aide des théologiens.

Les théologiens se retranchent parfois dans la chambre close de l’université par crainte d’une conversation avec le peuple de Dieu. Lorsque, comme jeune frère, j’étudiais à Paris, j’ai demandé à un autre Dominicain sur quoi portait son doctorat. Il m’a répondu: «Mon jeune frère (il avait juste un an de plus que moi), je n’essaierai pas de t’expliquer, tu ne comprendrais pas. Tu ne comprendrais pas». Vingt ans plus tard, je suis retourné pour une visite en tant que Maître de l’Ordre, je l’ai vu et je n’ai rien dit !

Bien sûr, nous avons besoin de théologiens académiques –exégètes, philologues et historiens– qui nous maintiennent dans ce que saint Paul appelle «l’obéissance de la foi» (Rm 1,5). Sinon, nous utiliserons les Écritures à nos propres fins et non pour celles de Dieu. Mais cette dure discipline d’étude est en fin de compte au service de la conversation avec nos contemporains, en vue de les accompagner sur le chemin du mystère infini de l’amour divin.

Au lendemain de la dernière Assemblée, le pape François a demandé une théologie du dialogue charitable avec des personnes d’autres convictions. Il a cité ses paroles aux étudiants de l’Université catholique d’Argentine: «Ne vous contentez pas d’une théologie de bureau. Que votre lieu de réflexion soit les frontières. Les bons théologiens, comme les bons pasteurs, sentent aussi le peuple et la rue et, par leur réflexion, versent de l’huile et du vin sur les blessures des hommes et des femmes19 ». La bonne théologie ouvre les portes des salles étouffantes. Comme Thomas, elle est passionnée et sans crainte. Elle embrasse de nouvelles façons de parler, de nouveaux langages. Une Église synodale en mission ose enseigner avec audace et humilité.

   1 Il ne s’agit pas ici de Ruah mais de neshama.

   2 Fergus FLEMING, The Sword and the Cross, Londres, 2003, p. 235 s.

3 George ELIOT, The Prelude to Middlemarch, publié pour la première fois en 1871.5 Simon TUGWELL OP, Reflections on the Beatitudes, Darton Longman and Todd, Londres, 1980, p. 114.7 Cité dans S. TUGWELL « Scholarship, sanctity and spirituality », Communio 11/1 (1984), p. 53.

   4 Alan PATON, Ah, But your Land is Beautiful, Vintage/Ebury, Londres, 2002, pp. 66-67.

   5 Simon TUGWELL OP, Reflections on the Beatitudes, Darton Longman and Todd, Londres, 1980, p. 114.

   6 Ibid, p. 112

   7 Cité dans S. TUGWELL « Scholarship, sanctity and spirituality », Communio 11/1 (1984), p. 53.

8 Michael HEHER, The Lost Art of Walking on Water : Reimagining the Priesthood, Mahwah, Paulist Press 2004, p. 132.

   9 Herbert MCCABE, God Matters, Continuum, Londres - New York, 2005, p. 94-95.

10 Dorothy DAY, The Duty of Delight, Marquette University, New York, 2008 p. 943.

11 Ibid., p. 895.

12 « Children, Violence and the Media ». A Report for Parents and Policy Makers Senate Committee on the Judiciary ; Senator Orrin G. Hatch, Utah, Président de la commission judiciaire, Préparé par le personnel de la majorité Commission judiciaire du Sénat, 14 septembre 1999.

13 Timothy RADCLIFFE OP, Alive in God: A Christian Imagination, Bloomsbury, Londres, p. 197.

15 Naomi BURTON et al. (éds), The Asian Journal of Thomas Merton, New Directions, New York, 1973, p. 308.

16      Timothy      L.      FOX,      « Jesus’      Resurrection      Appearances »,      1er      novembre      2019 : www.modernreformation.org/resources/essays/jesus-resurrection-appearances.

17 Arnaud BEVILAQUA, « The Great Awakening of young Catholics on the outskirts of Paris », La Croix International, 22 mars 2024.

18 G. K. CHESTERTON, « The Mercy of Mr. Arnold Bennett », Fancies vs. Fads, Dodd, Mead and Company, New York, 1923 : http://www.gkc.org.uk/gkc/books/Fancies_Versis_Fads.txt.

   19 FRANÇOIS, Ad theologiam promovendam, 1er november 2023.

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30 septembre 2024, 17:54