Synode des évêques. Synode des évêques.   (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

Au synode, écouter ceux qui se sentent exclus de l’Église

Ce 4 octobre, fête de Saint François, la deuxième Congrégation générale s'est ouverte avec la lecture des rapports des cinq tables de langues ainsi que 36 interventions libres sur des sujets tels que les charismes et les ministères, la liturgie, le dialogue avec les cultures et les religions. Pour Mgr Antony Randazzo, évêque australien, «une petite minorité, surtout en Occident, s’attache» à l'ordination des femmes mais estime scandaleux que «les femmes soient souvent ignorées dans l'Église».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

En ce vendredi 4 octobre, fête de Saint François d'Assise, la deuxième Congrégation générale de l'Assemblée du synode sur la synodalité a commencé par des vœux au Pape à tous ceux qui portent les noms de François ou de Françoise. Les 351 membres présents dans la salle ont écouté les rapports des cinq tables en différentes langues, d'où ont émergé des questions communes sur le concept même de synodalité, «non pas comme une technique mais comme un style», et sur des thèmes tels que le rôle des femmes, la présence des laïcs, l'écoute «active» des «personnes qui ne se conforment pas aux diktats de l'Église». La même Église qui «dans un monde d'orphelins» peut représenter «la famille de ceux qui n'ont pas de famille», ont déclaré les orateurs des groupes, comme cela a été rapporté lors du briefing quotidien dans la Salle de presse du Saint-Siège.

Tous les charismes ne sont pas forcément des ministères

En particulier, dans la salle Paul VI, «on a rappelé à plusieurs reprises l'image de l'Église comme Corps du Christ, qui rassemble donc de nombreux membres, c'est-à-dire de nombreux ministères et charismes, mais en un seul corps». C'est dans ce sens que le thème du rôle des femmes et des laïcs a été analysé. «Des distinctions sont nécessaires», a-t-il été précisé, «tous les charismes sont importants mais tous ne doivent pas être des ministères».

Rôle et contribution des femmes

Certains groupes, selon les intervenants, ont été invités à réfléchir, sans «approches idéologiques et préjudiciables», à la question de savoir si certaines questions «sont mises en avant par la mode et les idéologies ou par un véritable discernement ecclésial». Dans ce même cadre, il a été réaffirmé l’égale dignité des croyants par le baptême, tandis qu’à propos de l’administration des ordres sacrés aux femmes, il a été demandé «d'approfondir l'étude de certains ministères, comme le ministère de la consolation» et «de ne pas perdre de vue la contribution des femmes dans le passé et dans le présent».

Les membres du Synode ont fortement insisté sur «l'égale dignité et la coresponsabilité de tous les baptêmes pour l'Église». Sur cette base, «l'inclusion des femmes, des laïcs et des jeunes dans les processus décisionnels de la vie ecclésiale» peut être interrogée. Et toujours sur la relation homme-femme, certains groupes ont exhorté à «identifier les peurs et les craintes derrière certaines positions, parce que ces peurs dans l'Église ont conduit à des attitudes d'ignorance et de mépris à l'égard des femmes». Donc, «identifier pour guérir, pour discerner».

Salutations du Pape à l'une des participantes au Synode.
Salutations du Pape à l'une des participantes au Synode.

Laïcs, langue, visage des pauvres

Certaines tables linguistiques ont fait remarquer que dans certains points de l'Instrumentum Laboris, les laïcs ne sont mentionnés qu'à quelques reprises, tout comme la famille comme «Église domestique». La relation entre les Églises locales et les cultures doit également être approfondie, car chaque Église locale est «forgée» par une culture tout en restant elle-même. Dans cet ordre d'idées, la question du langage a également été évoquée, appelant à sa «simplicité» et au changement de «certaines formulations qui sont le fruit d'une perspective eurocentrique et occidentale». Enfin, certaines tables ont émis la double invitation à «partir des expériences et des réalités pastorales, car la vie est plus importante que la théorie» et à «regarder le visage des pauvres lacérés par les guerres, la violence, les abus». «Leur présence subtile et délicate, leurs exigences, leur mode de vie peuvent nous amener à nous défaire de ce qui nous asservit et nous aliène», a-t-il été ajouté.

Plus de 30 interventions libres

Après les cinq rapports, a expliqué Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la Communication, une place a été accordée à des interventions libres. Trente-six au total, qui allaient de l'importance des laïcs, parce que «l'avenir de l'Église et l'Église du futur» dépendront de leur «vitalité» (ce qui, a-t-il été rappelé, «ne diminue évidemment pas le caractère indispensable du sacerdoce»), à la question des femmes, une intervention qualifiant de «lacune» le fait que «les femmes sont considérées seulement comme des consolatrices et non comme des personnes qui peuvent prêcher ou le fait qu'elles ne peuvent pas être à la tête d'une organisation». De même, reprenant l'exemple des missionnaires, y compris des femmes laïques, qui s'occupent de communautés entières dans le monde, il a été répété lors de l'assemblée «qu'il y a des femmes qui sentent l'appel de Dieu et demandent à être ordonnées». Et il a été demandé «qu'il y ait une participation féminine dans le Groupe d'étude sur les ministères et les charismes et que le résultat du travail de ce Groupe puisse être discuté dans un espace synodal pour fournir des conseils et faire un discernement».

Dialogue et écoute

L'importance de «développer une spiritualité synodale d'écoute active, de proximité, de soutien sans préjugés, même de ceux qui sont différents, de ceux qui ne nous mettent pas à l'aise» a été réitérée dans les discours libres. «On n'écoute pas les autres pour voir s'ils sont assez intelligents ou s'ils sont d'accord avec moi, mais si ceux qui parlent ont des éléments dont je peux apprendre», ont déclaré les pères et mères synodaux, dont certains ont appelé à davantage de dialogue avec les cultures, les philosophies et les religions. «Nous devons respecter et reconnaître l'autre, car c'est ce qui unit le peuple de Dieu». Toujours à propos de l'écoute, ils ont demandé d'«écouter plus profondément les personnes en situation de pauvreté et de souffrance et les personnes qui se sentent exclues de la société et de l'Église». D'où les divorcés, les marginalisés, les personnes homosexuelles. 

«Élargir l'espace» liturgique

Un clin d'œil au cléricalisme a également été fait, en soulignant que «dans l'Église, il n'y a ni maître ni sujets. Il n'y a qu'un seul maître et nous sommes tous frères». La référence au thème «répété et applaudi» de la liturgie, qui peut devenir «un miroir de la synodalité», est également «intéressante», a souligné Paolo Ruffini. «Le ministre préside mais n'est pas le seul célébrant», a-t-on précisé. Il a été proposé que «lors de la prochaine liturgie commune des membres du Synode, l'espace liturgique puisse être “agrandi”».

Une des tables de la salle Paul VI
Une des tables de la salle Paul VI

Les interventions des orateurs

Quatre invités ont ensuite pris la parole à la table des orateurs lors de la conférence de presse: le cardinal Cristóbal López Romero, archevêque de Rabat (Maroc) et président de la Cerna (Conférence épiscopale régionale d'Afrique du Nord), Mgr Antony Randazzo, président de la Fédération des conférences épiscopales catholiques d'Océanie (FCBCO), l'évêque de Nanterre (France), Mgr Matthieu Rougé, et la sœur Xiskya Lucia Valladares Paguaga, du Nicaragua, experte en médias sociaux et dans l’évangélisation digitale.

Expérience dans les diocèses, les pays et les continents

Les quatre intervenants ont raconté l'expérience de la synodalité dans leur propre environnement: paroisses, diocèses, pays, continents. Tout d'abord, le cardinal Lopéz Romero a rapporté l'expérience en Afrique d'«une religieuse qui a créé un mouvement d'échanges, de réflexions, sur la synodalité» et qui «à elle seule a fait plus que beaucoup de conférences épiscopales». Le cardinal a ajouté que les différentes rencontres synodales au Maroc ont permis aux chrétiens eux-mêmes de «découvrir qui nous sommes, peu nombreux mais appartenant à plus de 100 pays: une richesse extraordinaire mais aussi des difficultés à vivre la communion».

«Pratiques synodales» à Nanterre
Mgr Matthieu Rougé a également parlé des «pratiques synodales» dans son diocèse de Nanterre, mais a souhaité se concentrer davantage sur l’actuelle assemblée qui se déroule au Vatican: «Nous sommes très heureux de nous retrouver, cela est lié à l’intensité avec laquelle nous avons vécu la première session. Chacun est arrivé avec des doutes et des peurs, puis avec la méthode de la conversation dans l'Esprit, nous avons vécu une profonde expérience spirituelle, que nous avons essayé de partager dans nos diocèses». Les paroles du Pape ont également été d’une grande aide: «le synode n'est pas un Parlement». «L’année dernière, il l’a dit deux fois, cette année seulement une, car il pensait que nous avions compris», a souri l'évêque.

Le Synode en une minute l Avec Mgr Matthieu Rougé

Les fragilités des pays d’Océanie

Depuis le centre de l'Europe, Mgr Randazzo a dirigé son attention vers les grandes terres de l'Océanie, «une immense zone de la planète» mais «fragile», comprenant des régions comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, récemment visitée par le Pape, les îles Salomon et divers archipels du Pacifique, qui souffrent parfois d’un sentiment d’abandon. Ce fut une «grande joie», a-t-il déclaré, de «voir le bonheur sur les visages des gens» à l'arrivée du Pape à Port Moresby, «en réalisant que le Pape a pris le temps de venir ici depuis Rome, traversant le monde entier pour atteindre l'une des zones les plus fragiles de la Terre, mais riche en ressources naturelles». L’évêque a dénoncé une certaine «cupidité» de la part des nations développées, qui viennent et demandent des accords et des compromis aux pays pauvres et vulnérables pour obtenir des métaux, des ressources précieuses, des arbres. Cela détruit les ressources naturelles, a-t-il dénoncé, et des communautés entières en souffrent. Il a eu également eu une pensée pour les migrants qui traversent les mers d'Océanie pour atteindre des pays plus stables, «parce qu'ils doivent abandonner leurs maisons à cause de la montée des eaux et des îles qui sombrent». «Nous ne devons pas oublier les peuples d'Océanie dans notre chemin synodal», a insisté Mgr Randazzo. Pour eux, «le concept de synodalité n'est pas quelque chose d’étrange, mais au contraire, c’est quelque chose qu'ils connaissent et appliquent depuis des milliers d'années: se rassembler et s’écouter avec respect». Ils parlent des océans, des forêts, de la pêche, mais aussi de la foi. Malheureusement, les sujets décidés par «des personnes riches qui définissent ce qui est important» ou des «questions de niche» prédominent parfois.

Non aux modèles d'entreprises dans l'Église

À ce sujet, le président de la FCBCO -interrogé par les journalistes- a critiqué la tendance de l'Église à suivre des modèles d'entreprise: «je ne suis pas très content quand j'entends parler de réseautage… C'est un langage d'hommes d'affaires. Notre langage est celui de la communion, être ensemble. Nous risquons de devenir tellement sophistiqués que nous excluons les gens ».

Le «véritable scandale» est l'exclusion des femmes

Concernant l'ordination des femmes, un sujet récurrent depuis des années, Mgr Randazzo a souligné que c’est «une petite minorité, surtout en Occident, qui s’y attache». Le vrai «scandale», selon lui, est que «les femmes sont souvent ignorées dans l'Église», ou pire, «mises à l'écart, victimes de violences, même domestiques, exclues du monde du travail». «C'est un scandale contre l'Évangile!», a-t-il assuré.

L'importance de la mission digitale

En ce qui concerne le rôle des femmes, sœur Xiskya a quant à elle insisté sur l'urgence du travail dans la mission digitale, qui change tout comme change la mission «physique» dans une époque de nouvelles technologies et d'intelligence artificielle. «65 % de la population mondiale emprunte des chemins digitaux», a-t-elle déclaré, «la pauvreté physique se retrouve aussi sur les réseaux sociaux». Depuis le début du synode, a expliqué la religieuse, des bureaux ont été créés au sein des conférences épiscopales, des rencontres sont organisées avec des missionnaires de 67 pays, et les expériences des missionnaires digitaux -plus nombreux en Amérique latine qu'en Europe- sont partagées. Ces missionnaires tentent d’accompagner et de rester proches des «éloignés qui, pourtant, cherchent la vérité et errent blessés dans le monde, parfois à cause de mauvaises expériences dans l'Église».

Affronter les problèmes

Le cardinal López Romero a également parlé de la richesse du parcours synodal: «ce synode est extrêmement enrichissant. Notre Église est encore trop européanisée, occidentalisée. Nous devons vivre ce chemin ensemble, afin que l'Église devienne plus catholique, plus universelle». Il a donné l’exemple d’un évêque africain dans une diocèse avec de nombreuses vocations et baptêmes «qui reprochait à un évêque européen de vouloir lui donner une leçon alors que ses églises sont vides». Bien sûr, «nous, Européens, devons apprendre à être humbles, mais les Africains ne doivent pas non plus se vanter car le succès ne dépend pas des chiffres. Nous devons nous aider mutuellement à vivre l'Évangile», a-t-il affirmé. «Il y aura des avancées, des reculs, des rencontres, des conflits, mais nous devons montrer la maturité d’avoir de la patience, ceux qui avancent plus vite attendent ceux qui vont plus lentement… Il est bon qu'il y ait des problèmes, ils doivent être affrontés et non dissimulés», a-t-il poursuivi.

De gauche à droite: Mgr Randazzo, soeur Xiskya, le cardinal López Romero, Mgr Rougé
De gauche à droite: Mgr Randazzo, soeur Xiskya, le cardinal López Romero, Mgr Rougé

Réactions à Fiducia Supplicans

En conclusion, il a également été question de la déclaration doctrinale Fiducia Supplicans, qui a introduit la bénédiction des personnes de même sexe, suscitant des réactions contraires au sein même de l'Église africaine. C'est un document, a souligné le cardinal du Maroc, «qui aurait dû passer par un chemin synodal, il n'est pas venu du Synode mais du dicastère pour la Doctrine de la Foi. Ma Conférence épiscopale s'est prononcée différemment, nous n'avons pas été consultés. Le continent africain s'est prononcé sans avoir consulté l'ensemble de l'Afrique». Le président du Secam, a rapporté M. Lopéz, «s'est en fait excusé auprès de nous». C'est aussi cela la synodalité et l'apprendre, a conclu le cardinal, «n'est pas facile».

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04 octobre 2024, 18:02