Les évêques belges encouragés par la venue du Pape
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Envoyé spécial en Belgique
C’est dans le cadre impressionnant de la basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg, au nord de Bruxelles, cinquième plus grande église au monde, que le Pape François va rencontrer ce samedi matin les évêques, les prêtres, diacres, séminaristes, personnes consacrées et agents pastoraux de Belgique. Présent en tant qu’évêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville.
Quel est l’état d’esprit des évêques belges avant cette visite du Pape François?
L'état d'esprit est confiant parce que nous ressentons la visite du Pape comme un souffle dynamique qu’il va imprimer à l'Église de Belgique. En ce sens-là, donc, l'épiscopat perçoit la visite du Saint-Père comme un événement véritablement enthousiasmant.
Certes, l'Église de Belgique a été éprouvée par les affaires de pédophilie, spécialement du côté flamand, à cause des émissions de télévision qui ont été diffusées il y a un an exactement et qui ont mis en valeur les souffrances des victimes. Cela a entraîné aussi des réactions dans la presse, ça a porté à la création d’une commission parlementaire d'enquête sur le vécu des victimes et sur l'action de l'Église pour pouvoir accueillir les victimes. Forcément, l'opinion a été beaucoup remuée et cela a engendré une méfiance vis à vis de l'Église en général.
En même temps, comme on a mis aussi en valeur les réactions de l'Église, les points de contact pour les victimes, les projets de thérapie que l'Église veut contribuer à prendre en charge, on voit aussi qu'il y a de la résilience par rapport à cette situation là et que la visite du Pape nous encourage justement à travailler pour un renouveau dans notre Église.
Est-ce que vous pensez que la visite du Pape peut aider à soigner les blessures causées par les abus?
Je pense que cela y contribue parce que le Pape doit rencontrer des personnes victimes d'abus. Elles sont aussi porteuses des questions et des témoignages des autres victimes. François veut une rencontre personnalisée et pas une rencontre en grande assemblée. En ce sens-là, je pense que c'est important d'un point de vue symbolique, pour montrer sa sollicitude par rapport aux victimes. Et c'est important aussi, forcément, comme témoignage de l'Église locale pour toute la société.
L'accompagnement des victimes, en fait, est une affaire de très longue haleine et c'est un peu ce que les émissions ont révélé: des personnes qui ont été traumatisées il y a 30 ou 40 ans le restent souvent, à défaut d'avoir eu un bon accompagnement en général ou d'avoir pu se le payer ou se le trouver. Nous nous rendons compte que la question de l'accompagnement assidu est vraiment une question essentielle pour permettre la guérison.
Et là, bien sûr, la visite du Saint-Père ne va pas tout résoudre, mais elle peut donner une impulsion et une crédibilité aux initiatives qui iront dans ce sens-là.
Vous êtes aussi un épiscopat qui doit faire face à une société sécularisée, très sécularisée, qui, sur les questions de société et notamment de fin de vie entre autres, est très libérale, très progressiste. Qu'est-ce que vous attendez de ce point de vue-là, de la visite du Pape? Un soutien, un réconfort dans vos positions face à une société qui, peut-être, ne comprend plus vos positions?
La visite du Pape repose la question de la foi et donc la question fondamentale de la démarche chrétienne dans la société actuelle. Nous découvrons que c'est une question qui se pose à nouveau chez les jeunes. Nous avons remarqué que l'an dernier, nous avons eu une augmentation énorme du nombre de baptême de catéchumènes adultes et souvent jeunes adultes.
Il y a donc un intérêt vis-à-vis de la foi chrétienne dans une société qui, en effet, est en perte de repères ou qui est en proie, que sais-je, à la drogue par exemple, ou en proie aux peurs par rapport au futur, aux questions environnementales notamment. Il y a donc un intérêt renouvelé par rapport à la foi.
Bien sûr, c'est minoritaire, mais en même temps c'est perceptible et c'est spécialement perceptible dans la pratique dominicale, donc dans la fréquentation des églises, du côté des grandes villes essentiellement. La présence du Pape est donc très importante pour donner de la crédibilité à la démarche de foi dans le monde d'aujourd'hui.
Pour ce qui est des questions éthiques, forcément la situation belge est telle que certaines lois, en effet, permettent l'euthanasie et l'avortement. Il y a des combats à ce niveau-là pour limiter, si vous voulez, la portée de ces lois.
Maintenant, je dois reconnaître que l'accompagnement des personnes âgées dans les hôpitaux est parfois très performant. J'ai eu plusieurs exemples dernièrement sous les yeux, en particulier celui d’un prêtre victime d'un cancer, et j'ai vu combien les personnes étaient attentives, je dirais jusqu'au dernier moment pour sauver la vie de la personne. Il ne faut pas non plus se laisser aveugler par la présence des lois en croyant que sur le terrain, les professionnels de la santé agissent avec désinvolture. On voit au contraire qu'il y a une grande attention à la personne.
Il y a aussi, par exemple, la nécessité aujourd'hui apparaît de plus en plus de permettre aux personnes âgées de rester à la maison et d'être accompagnées par des assistantes familiales si nécessaire, et donc de ne pas automatiquement envisager les maisons de repos. Il y a, si vous voulez, cette humanisation qui est quand même très présente, et là je dirais que l'Église y participe par ses propres institutions.
Je crois qu'on doit répondre par le pragmatisme des attitudes à des situations idéologiques qui sont parfois contradictoires avec la foi, mais qui n'empêchent pas d'agir en cohérence avec la foi dans le quotidien.
Qu'est-ce que l'Église de Belgique peut, dans l'ensemble, enseigner aux autres Églises, et principalement peut être bien aux Églises européennes?
Un des éléments les plus importants chez nous, c'est la formation chrétienne à travers les universités et les facultés de théologie. Les deux universités de Louvain, la Flamande, qu'on appelle Leuven et la francophone, Louvain-la-Neuve, ont chacune une faculté de théologie. Qui plus est, on donne un cours de sciences religieuses à tous les étudiants. Ce sont ainsi des foyers d'approfondissement de la foi à la lumière de la culture et de la raison.
Cela va un peu dans le sens de la dernière lettre du Pape François sur la littérature. Il insiste sur l'ouverture à la culture, l'ouverture à la littérature, quelle que soit son orientation, pour l'ouverture d'esprit de chacun et pour l'élargissement de l'imagination de chacun. Le contact avec la culture, la fête des 600 ans de la double Université de Louvain montre l'intérêt de l'Église pour l'ouverture au monde, pour l'impact de la culture dans le monde d'aujourd'hui et aussi pour finalement l'établissement de la paix dans le monde, parce que c'est à partir d'une imagination nouvelle que les populations du monde devront construire le monde de demain.
C’est une chose très importante pour nous en Belgique, et pour laquelle il y a une véritable performance.
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